lundi 30 avril 2018

DÉSIRS ...


DÉSIRS













Aux pages de garde les espaces liquides, toujours immobiles, et chauds ...
Figures d'ébène, et boîtes d'écaille à la fois
Aux fronts des éléphants, médailles de noires étoiles
Que restera-t-il des rideaux de perles,martinets aigus aux persiennes mi-closes ?

O ! Les senteurs des tabacs de Havane !
Dans l''herbe bleue du petit matin, les arcs-en-ciel, sous nos pas ...
Et chantèrent, asservies, les vagues, sous nos implacables mécaniques
Mais nos pieds furent nus aux cailloux des chemins
Nous avons tracé nos miroitants sillages,
Promenant l'extrémité de nos doigts sur les bords des abimes

Et palpé
Renversant les présumées idoles
Les odeurs de ciel et d'océan




                     





Nos yeux noyés d'ombre et remplis de lumière
Nous guidaient aux voies invisibles calculées
Que restera-t-il de notre quête ?

Au bout de nos sillons éphémères, et surgissant de nos lointains oublis,
Nous avons, du centre de la terre, arraché la pierre indiscutable
Nous l'avons équarrie, 
Encore à la recherche de nous-mêmes

C'est là que fleurissait la mandragore !
Au large les océans, toutes bornes versées !
Devant nous les océans, devant, les vastes étendues !











Dressée
L'obélisque présumée de nos pensées indéchifffrables
Puis nous avons nous-mêmes, autour de nos thorax, noué les turgides racines du figuier

Mais nous portions au ventre la marque de nos origines

Nos ovations, nos prières et nos plaintes, à quoi bon ?
Qu'importent nos cris de poivre et de piment ?
Et que sont devenus
Les triangles de nos idées ?
Vos siècles balançant, qu'importe, syncopes de nos yeux fatigués ... 
L'humus échauffé grouille de germes étranges





                            






Décrites
Et tout à tour perdues
Que deviendront nos stèles héroïques, gravées d'authenticité ?

Le pouviez-vous ?
Aux heures immobiles, ma bouche est close, et ma paume fermée ...

samedi 28 avril 2018

CHANSON POUR LES NOYÉS DE SEPTEMBRE ...


                               

   Remontent les souvenirs :

   C'était en 1953, je crois ... En septembre 1953 ... Dans l'île d'Oléron, treize compagnons partaient ensemble pour une partie de pêche nocturne ...

                                   *
     Chanson pour les noyés de septembre :



                                  

                                   



Chant 1




Fou
Fou le cheval noir
Battant l’air des deux pieds
Fou le cheval noir


Fou le cheval noir
Les naseaux ensanglantés
Ses yeux sont verts
Du vert des feux-follets


L’océan est noir
Écume noire aux grèves d’ardoise dure
Le cheval court sur le sable noir
Et le vent s’est étouffé


Qu’attends-tu
Qu’attends-tu
Le cheval court vers le village
Qu’attends-tu dans la nuit noire


C’est le cheval du malheur
Qu’attends-tu dans la nuit noire
L’entends-tu
L’entends-tu


                                      
 

Chant 2




Treize sont partis
Compagnons
Treize qui chantaient
Le huit septembre dans le soir tombé


La marée reflue
Le huit septembre dans le soir
Notre Dame de la Nativité
Et le vent qui chantait


Huit septembre à minuit
La marée remonte
Qu’attends-tu sous la lampe
Dans ce silence de malheur


Qu’attends-tu sous la lampe
Qu’attends-tu
Treize sont partis
Douze à minuit entreront dans la nuit


Cloche du clocher
Combien de coups faudra-t-il sonner
Saint Michel lavera sa chemise
Avec du bleu de lessive




                                             



Chant 3




Quand l’océan se retire
Sans à-coups et sans bruit
Quand le vent se tait
Et quand la mer est lisse
La mer ne laisse sur le sable
Que des torrents infimes
Branchus comme des arbres
Sans effort l’eau retourne à la mer
Quand l’océan se retire
Sans aucun bruit
Nuit sans lune
Belle nuit
Nuit tiède
Nuit pleine
Caresse
Et l’envie d’un baiser




                                          



Chant 4


O mon amour !
Mon amour, mon amour
Amour de mes yeux
Amour de mes papilles
De mes mains
Amour de mes oreilles
Amour de ma peau
Amour de mes cuisses
Amour de mon ventre
Amour
Amour
Amour de mes instants
Que rythment l’horloge
Les battements de mon cœur
Tic tac
Tic tac
Tic tac
Les mouvements de la mer
Et que faire maintenant
Que faire de mes yeux
Que faire de mes papilles
Que faire de mes mains
De mes oreilles
Que faire de ma peau
De mes cuisses
Que faire de mon ventre
Que faire de l’horloge
Des battements de mon cœur
Des mouvements de la mer
Que faire de la houle
Des marées
Hautes
basses
hautes et puis basses
Que faire du sable
Que faire de l’eau salée
Que faire du souvenir
Souvenir mouillé
Inerte
froid
O mon amour
Mon amour
Mon amour
Que faire de la vie




                                        



Chant 5




Huit septembre à minuit
La marée remonte 
Qu’attends-tu sous la lampe
Dans ce silence de malheur


Qu’attends-tu sous la lampe
Qu’attends-tu
Treize sont partis
Douze à minuit
Entreront dans la nuit


Fou
Fou le cheval noir
Battant l’air des deux pieds
Fou le cheval noir


L’océan est aveugle et sourd


Fou le cheval noir
Les naseaux ensanglantés
Ses yeux sont verts
Du vert des feux-follets
Treize sont partis
Compagnons
Treize qui chantaient
le huit septembre dans le soir tombé




                                             



Chant 6




Douceur
O douceur
Tiédeur
Tiédeur des chairs humides
Pas même un frisson
Les feux qui s’éteignent
Étoiles phares lanternes et falots
Rouges verts ou blancs
Fixes ou mouvants
Clignotants
Scintillants
Lénifiante douceur de la mer en gésine
L’air qui s’endort
Cœur qui bat
Cœur
Cœur
Cœur
Le cœur d’un bateau tout près
Ou bien très loin
Tacata tacata tacata
Continu
Régulier
Tacata tacata tacata
Cœur cœur cœur désorienté
Cœur
Tac tac tacata tac
Tac
Mon cœur affolé
Soudain dans le brouillard épais
Mon cœur
Mon corps
Mes yeux
Et mon âme qui ne sait où aller


Huit septembre à minuit marée montante
Treize sont partis
Un seul reviendra  




                                       



Chant 7




Fou le cheval
Les naseaux ensanglantés
Ses yeux sont verts
Du vert des feux-follets




Entends-tu
Entends-tu
Crissant sur le pavé
Les roues cerclées d’acier




Cloche du clocher
Combien de coups faut-il sonner
Saint Michel lavera sa chemise
Avec du bleu de lessive


                               
                   Texte inédit de Michel Savatier

mercredi 25 avril 2018

LA MAMMA !




LA MAMMA ... SILHOUETTE
















                 Elle marche. Elle a les bras et les jambes écartées. Elle s’assied à croupetons. Elle ramène le bas de sa robe entre ses cuisses, largement ouvertes.

                Elle sort de son giron un peu de tabac brun. Elle roule une cigarette très mince. Elle tête la cigarette, puis elle souffle un filet de fumée vers le sol.

                 La masse de ses membres dépasse tout ce qui peut s’imaginer. Ses mamelles libres reposent sur ses genoux. 

                 La voici qui se relève. Elle est drapée de rose acidulé, avec de larges fleurs, roses elles-aussi. Ses hanches semblent montées sur bielles tant elles roulent. Pour accentuer le mouvement, s’il se pouvait, la couturière a prévu de larges volants. Autour de la tête, des fougères lui font une couronne.

                   Avez-vous croisé ses yeux ? Ils sont vifs, doux et bons.

C’est la Mamma !

mardi 24 avril 2018

LES GRANDS PÉLAGIQUES ....


















Ni les poissons casaniers

Papillons aux jardins du corail

Ni les prédateurs embusqués

Mais les grands voyageurs

Conduits par d’insatiables faims

Qui parcourent les vastes océans









Ce sont des êtres de grande race

À la musculature puissante et souple

Leur peau est bleue souvent, niellée de filets d’or

Ils vont en grandes compagnies

Qui les mène ?

Où leurs guides, leurs cartes leurs balises ?










L’espace est infiniment multidirectionnel

En haut ? En bas ? - Qu’importe !

À gauche, à droite ?

Et si rien n’importe, pourquoi ces brusques changements
de direction ?

Quel est le Chef ? Qui est le Roi ?



D’un vieux tronc d’arbre flottant ils feront un prophète ou leur dieu