Emmanuel Bellini - Cannes.
L’ART POPULAIRE
Nous revenons à la chapelle Bellini … Elle est située dans le
quartier de la Basse Californie, à Cannes. Elle a servi d‘atelier au peintre
Emmanuel Bellini. Déjà, ses œuvres picturales, pleines de charme, soulevaient
un problème : Elles n’étaient certes pas des œuvres « académiques »
… Étaient-elles des œuvres « naïves » ou des œuvres que l’on
pourraient classer dans la catégorie des oeuvres
« populaires » ?
Mais que pouvons-nous classer dans la catégorie des œuvres d’art
« populaire » ?
*
S’agirait-il , tout aussi bien en ce qui concerne la peinture
que la sculpture, l’architecture, la musique …
« L’Art populaire est-il l’art des
« non-artistes », de ceux qui n’ont pas la création artistique comme
occupation professionnelle socialement reconnue ou comme activité spécialisée culturellement
identifiée ? »
« Est-il l’art répandu et vulgarisé parce qu’il répond au
goût du plus grand nombre ? »
« On pourra conclure en s’interrogeant sur l’art populaire
aujourd’hui et sur les différences, s’il en existe, qui le distinguent du
« naïf », du « folk », du « néorégional » et du
« design » …. »
(citations empruntées à « L’Histoire de l’Art »
Larousse éditeur.
Atelier de Bellini - Cannes.
Déjà, les tableaux d’Emmanuel Bellini nous posent ces problèmes
d’identité et de terminologie … Mais ce ne sont pas eux qui nous intéressent le
plus aujourd’hui : Ce sont les statues en bois sculpté qui sont
abondamment présentes dans la chapelle …
Elles ne sont pas les œuvres de Bellini, nous a affirmé sa fille
qui nous servait de guide … Mais c’est bien lui qui se les est procurées et qui
les a placées là. Elles correspondent bien à ses inclinations d’artiste …
« Art Populaire » ?
Atelier de bellini - Cannes.
On peut avoir tendance à définir ainsi un art qui a produit des
œuvres dont les techniques et l’apparence ne respectent pas les canons
académiques de la beauté.
Atelier de Bellini - Cannes.
Art « grossier », dira-t-on … Art fort … expressif,
répondra-t-on … Ce sont des oeuvres qui traduisent des rites, des mythes, des
croyances fondamentales dans l’époque où elless ont été produites. Ce sont,
certes, des œuvres qui sont issues des couches sociales qui ne fréquentent pas
beaucoup les académies : Art « pop », art des
« graffiti », des « « tags », danses de
« capoiera », Chansons « Rap » …
*
On pourrait évoquer
les arts du carnaval qui produisent des œuvres fortes … Jusqu’à
l’éphémère car elles finissent le plus souvent dans les flammes …Mais ce sont
des œuvres dont tout un peuple comprenait les significations.
*
Le problème des arts « populaires » est souvent qu’ils
recherchent l’expression plutôt que la "perfection" des formes … Lorsque les mythes disparaissent ou
lorsque des croyances nouvelles, des centres d’intérêt nouveaux les remplacent,
les œuvres deviennent incompréhensibles : Depuis combien de temps a-t-on
commencé à pénétrer les significations des masques et des sculptures africaines
et océaniennes ? … Nos églises et nos musées sont remplis de peintures et
de sculptures qui deviennent de plus en plus rapidement et de plus en plus
complètement incompréhensibles pour nos enfants … Qui n’a pas les clefs de la
culture ne peut rien y comprendre !
Atelier de Bellini - Cannes.
Nos jeunes ne baignent plus dans la culture biblique qui a
imprégné et produit tant de chef-d’œuvres accrochés à nos cimaises … L’école ne
leur enseigne plus guère les mythes des
civilisations grecque et romaine … Il est à craindre que l’éducation
artistique de nos enfants ne devienne bien difficile !
Mais revenons à nos statues de bois, dans la chapelle
Bellini : Qui sait encore les
noms de ces personnages, qui sont des saints de la chrétienté peut-être, ou
peut-être tout simplement des grotesques comme en créaient les bâtisseurs de
cathédrales … ?
Église d'Échillais - Charente maritime.
Choisissons un exemple, parmi tant d’autres possibles : Qui
sait encore pourquoi, dans les chapelles que l’on rencontre si nombreuses au
bord de tous les chemins de France, Saint Roch est toujours représenté
soulevant son manteau et l’index montrant sa cuisse ?
Qui sait pourquoi Saint Jacques est toujours représenté avec des coquilles ? Et pourquoi ces coquilles portent-elles le nom du saint ?)
En visitant le Musée des Offices, à Florence, je me demandais si
nos enfants pouvaient encore comprendre ce que représente la « découverte
du corps d’Holopherne », le « retour de Judith à Bethulia ou
encore le superbe et si charmant "Primavera" ? Et je me demandais si l’on
avait le droit de les tenir éloignés de Botticelli ?
Hormis la compréhension du mythe, me direz-vous, il restera
l’harmonie, le charme, les couleurs … Oui, mais l’émotion pourra-t-elle être
complète et de même qualité que celle que je ressens moi-même ?
Musée des offices-Florence : "Primavera" - Botticelli
C’est à tout cela que je pensais lorsque je contemplais les
statues de bois de la chapelle Bellini … Auxquelles je n’hésite pas à attribuer
le titre d’œuvres d’art « populaire » ! … Le qualificatif
n’a rien de dépréciateur !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire