Adieu compagnonsVous qui gisez làEt retournez à la poussièreAdieu tabellions, souverains, rémouleursHautes Dames et crémièresTonneliersGueuses et tripièresCharpentiersDentellières et bourgeoisesBrassiersSoldats ou capitainesTailleurs de pierresTruands tire-laineCompagnons adieu
Par le vautour sur son orbitePar la brebis à tête noirePar le berger à la patte des trois cheminsPar le bœuf blond dans la valléeEt la palombe effarouchée
Par la cicatrice au droit de la collineLa claire fumée d’un écobuage saisonnierPar la rocailleLa pierraillePar la truite du torrentLa violette et le genêtPar les traces des pas sur les dalles de schisteEt par les ombres sur le mur au couchant
Vignes noires griffuesVieux sorciers de l’olivierFlèches, clochersFaçades ornées de blasons depuis longtemps engloutisCampagnes vides
Depuis plus de mille ansVoici l’étranger passantArborant ses coquillesLe chercheur de lumièreLe porteur de désir
Soyez-lui favorables, compagnonsIl n’a d’autre chansonQue celle mêmeQue vous chantiez autrefois
Chant 1
FouFou le cheval noirBattant l’air des deux piedsFou le cheval noir
Fou le cheval noirLes naseaux ensanglantésSes yeux sont vertsDu vert des feux-follets
L’océan est noirÉcume noire aux grèves d’ardoise dureLe cheval court sur le sable noirEt le vent s’est étouffé
Qu’attends-tuQu’attends-tuLe cheval court vers le villageQu’attends-tu dans la nuit noire
C’est le cheval du malheurQu’attends-tu dans la nuit noireL’entends-tuL’entends-tu
Chant 2
Treize sont partisCompagnonsTreize qui chantaientLe huit septembre dans le soir tombé
La marée reflueLe huit septembre dans le soirNotre Dame de la NativitéEt le vent qui chantait
Huit septembre à minuitLa marée remonteQu’attends-tu sous la lampeDans ce silence de malheur
Qu’attends-tu sous la lampeQu’attends-tuTreize sont partisDouze à minuit entreront dans la nuit
Cloche du clocherCombien de coups faudra-t-il sonnerSaint Michel lavera sa chemiseAvec du bleu de lessive
Chant 3
Quand l’océan se retireSans à-coups et sans bruitQuand le vent se taitEt quand la mer est lisseLa mer ne laisse sur le sableQue des torrents infimesBranchus comme des arbresSans effort l’eau retourne à la merQuand l’océan se retireSans aucun bruitNuit sans luneBelle nuitNuit tièdeNuit pleineCaresseEt l’envie d’un baiser
Chant 4
O mon amour !Mon amour, mon amourAmour de mes yeuxAmour de mes papillesDe mes mainsAmour de mes oreillesAmour de ma peauAmour de mes cuissesAmour de mon ventreAmourAmourAmour de mes instantsQue rythment l’horlogeLes battements de mon cœurTic tacTic tacTic tacLes mouvements de la merEt que faire maintenantQue faire de mes yeuxQue faire de mes papillesQue faire de mes mainsDe mes oreillesQue faire de ma peauDe mes cuissesQue faire de mon ventreQue faire de l’horlogeDes battements de mon cœurDes mouvements de la merQue faire de la houleDes maréesHautesbasseshautes et puis bassesQue faire du sableQue faire de l’eau saléeQue faire du souvenirSouvenir mouilléInertefroidO mon amourMon amourMon amourQue faire de la vie
Chant 5
Huit septembre à minuitLa marée remonte Qu’attends-tu sous la lampeDans ce silence de malheur
Qu’attends-tu sous la lampeQu’attends-tuTreize sont partisDouze à minuitEntreront dans la nuit
FouFou le cheval noirBattant l’air des deux piedsFou le cheval noir
L’océan est aveugle et sourd
Fou le cheval noirLes naseaux ensanglantésSes yeux sont vertsDu vert des feux-folletsTreize sont partisCompagnonsTreize qui chantaientle huit septembre dans le soir tombé
Chant 6
DouceurO douceurTiédeurTiédeur des chairs humidesPas même un frissonLes feux qui s’éteignentÉtoiles phares lanternes et falotsRouges verts ou blancsFixes ou mouvantsClignotantsScintillantsLénifiante douceur de la mer en gésineL’air qui s’endortCœur qui batCœurCœurCœurLe cœur d’un bateau tout prèsOu bien très loinTacata tacata tacataContinuRégulierTacata tacata tacataCœur cœur cœur désorientéCœurTac tac tacata tacTacMon cœur affoléSoudain dans le brouillard épaisMon cœurMon corpsMes yeuxEt mon âme qui ne sait où aller
Huit septembre à minuit marée montanteTreize sont partisUn seul reviendra
Chant 7
Fou le chevalLes naseaux ensanglantésSes yeux sont vertsDu vert des feux-follets
Entends-tuEntends-tuCrissant sur le pavéLes roues cerclées d’acier
Cloche du clocherCombien de coups faut-il sonnerSaint Michel lavera sa chemiseAvec du bleu de lessive
Chant 1
Il y a des bouées rougesBlanches et vertesIl y a des mouettesL’eau est calme dans le portLes pavillons s’agitentLes mâtures doucementSe balancentLes façades sont blanchesLes volets sont vertsIl y a un pinPresque noirOdeurs de varechmais aussi de pralinesIl y a des marchandsDe chapeauxDe lunettesDe maillotsDes marchands de barbe-à-papaDe beignets
Au carénage un chalutierComme un gros sabotIncongru sur son ber
Chant 2
Les grosses vagues éclatentAu musoir obstinéL’une après l’autreEn gerbes de lumière
Embrassons-nous mon amieNous irons lancerA l’océanUne couronnePour les péris en mer
Chant 3
C’est le quinze aoûtNoces du soleil et de la merFanfaresGlaces en cornetsLe surplis du CuréLa cravate de Monsieur le MaireIl y a des filets sur le quaiAllongésIl y a un cerf-volantQui monte et qui descendUn carrouselDe chevaux de boisQui tourne lentementAu son De l’accordéon
Chant 4
Il y a cinq ansPeut-êtrePeut-être sixOu bien dix ans déjàPeut-être plus
C’était le quinze aoûtLes fêtes de la merC’était hier assurémentAssurément c’est toujours aujourd’hui
Chant 5
Il y a un phareA tête rougeDeux pêcheurs à la ligneDes coques d’acierDes coques de boisDodelinant
Embrassons-nous mon amieNous irons lancer à l’océanUne couronnepour les péris en mer
Chant 6
Chapelle des marinsCroix de boisCroixCroixCombien étions-nousSur le pontQuand le bateau chavira ?CroixCroixCroix de bois
Chant 7
Entendez-vousEntendez l’accordéonEntendez-vous pleurerEntendez pleurer l’accordéon
Chant 8
Un goélandLentementSur un cercleToujours le mêmeLes ailes immobiles
Une âme ...Toi l’oiseau ?
L’éternité
La vie est un désirQuand le désir n’est plusLa vie s’en va ...
Chant 1
Car vois-tu, mèreC’est mon fils que voiciTu voisQuand la mer se retireEt remonteA nouveau se retireSur le sableQuand le flot se retireC’est mon filsQui court à la laisseQuand l’océanVient bêcher les œilletsChardonsChardons et tamarinsC’est mon filsC’est mon fils que voiciDans la vagueLa vague douce douceQui déferleDéferle et murmure
Chant 2
Le vieux pin n’est plusQue père plantaO Mère !Le vieux pin torduÉtêtéEt ni le grand cyprèsAu tronc creuxSi moussu si penchéVents oragesLe temps les a tous prisL’oiseau a fuiLa palombe est partieO Mère !Le puits même est tariAsséchéLe cyprès est coupéLe vieux pinOn a coupé le pinEt la ronceLa ronce a tout caché ...
Chant 3
Roches rouléesDe la jetée briséeRompueO Mère te souviens-tu ?Ce bateauDont les os blanchissaientEnfoncésLe port tout ensabléImmobileLe canal engorgéPoisson crevéLes grands bras du carreletCassésL’air vibrait sur le murDe crochesEt de quadruples crochesSilencieusesLa musique de l’étéAu soleilEt l’odeur de marée ...
Chant 4
Goémons goélandsLe craquement d’un cônePaillettes au soleilL’air immobile et chaudLa mer vivante encoreMais la mer assoupieQui se rassemble et prie ...
Chant 5
Sur le rocherPrès duquel nos filetsDormaientSur le rocher aux huîtresAux patellesAux congres et aux crabesLe rocherAu cormoran tout noirCou tenduAiles demi offertesAu plein soleilLa balise a rouilléPenchéeSa tête en triangle est tombéeLe cormoran partiParti dans mon passéImmobileImmobile et muet ...
Chant 6
ÉcarquillésLes cônes sont tombésÀ terreDu sommet des grands pinsD’autres pinsQui sont pourtant les mêmesOnt pousséLes voici aussi grandsQu’autrefoisNous ne trouverons plusLe mousseronAux bords des maraisSalésD’autre ont bouleverséPiétinéD’autres ont achetéOnt venduOu bien tout ensemencé ...
Chant 7
Si vois-tu MèreLa dune s’est écrouléeGomméeSi la mer a montéDescenduLes arbres ont basculéEmportésSi la maison d’étéLa maisonPrès de l’eau et des boisN’est plus la nôtreSi j’ai mis mes filetsPliésTout en haut du grenierC’est qu’iciLe temps a tout changéCoquilles videsOù furent coquillages ...
Les terriers sont bouchésLes coquilles vidéesLe laurier a brûléEt la mûre a séchéLa charrette est casséePourtant près du fosséLa trémière est éclose ...
Chant 8
Me voici MèreQuand roulent la houleLourdeLa vigne et la vagueEt voilàLes enfants de juilletPar voléesDans les bois et dans les prèsDans les vignesEt aussi dans les blésTant de voiliersTant de voiliers partisPartisNe reviendront jamaisEn septembrePasseront les courlisLes courlisPasseront-ils encore ?Me voici devant toiMe voici ton enfantTant d’amis sont partisSur tant de blancs voiliersMe voici ton enfantEt voici mon enfantLe raisin gonfleraMoi je n’ai rien compris ...
CHANSON POUR CEUX DU CRISTINA RUEDA
Chant 1
Quand fleurit le chrysanthème de la merViolet sur gris et vertQuand fleurit le chrysanthème de la merLe vent souffle tantTant écume la vague courant courantLe vent hurle tantUn soir de février s’ouvrit le chrysanthèmeCarême prenantLe chrysanthème de la merFleur de mortLe vent souffle tantÉcume la vague courant courantCorolle effeuillée par le ventEntends le vent le vent le ventEntends le vent carême prenantLong beuglement porteur de misèreLe vent hurle tantFanée la fleur du chrysanthèmeNuages lourds courant dans le ciel noirCourant vers le couchantÔ courant !
Fanée sur la mer la fleur du chrysanthèmeLongues lames déferlantCoups sourds sur les sablesLe vent le vent le vent au goût du selLong beuglement annonceur de misèreD’où venu ?Beugle dans le vent taureau blessé à mortHurlement du ventD’où venu ? Dans la nuit des chrysanthèmesLongs beuglements annonceurs de misèreO le vent !
Chant 2
La mort n’est rien vois-tuEntends-tu bien le vent ?O le cri de la sirène !Au jour du grand mauvais temps
S’en va passer le goélandTout blancIndifférent
Aux allées du cimetièreS’en vient marcher le goélandD’où venu Sur l’aile du vent ?
Chant 3
Dans le mauvais temps le navireHaletant frémissantNavire livré au vent tout vivantO dans la nuit les déferlantes !La roue de barre ne gouverne plusSous les pinceaux des phares naissent des fleursS’éteignent et se rallumentChrysanthèmes violets ou blancsFleurs de la mer fleurs de la mortEt ces longs beuglements qu’on entendDu taureau qui va mourir et qui le saitO le vent le vent le vent !Le vent pousse à la côte inexorablementLe navire halète et frémitLivré vivant au vent au courantJosé-Maria Marcelino Léandro RemigioBénito José JoséAlvaro Grégorio PerfectoClaudio Antonio EugénioMatias le mousse qui n’a que dix sept ansD’autres encore dont rien n’a recueilli les nomsDix neuf hommesDe San Sébastian en CorogneFleurs de la mer fleurs de la mortO ce long beuglement du taureau blesséQui va mourir et qui le sait !
Chant 4
Ô le cri de la sirène !Au jour du grand mauvais tempsS’en va passer le goélandTout blanc
La mort n’est rien vois-tuQu’un grand poisson froidEn cotte d’argent
Il glisse invisibleIndifférentInfiniment
Le vent le vent le vent dans les voletsEntends sur le toit claquer les tuilesEntends craquer les arbres dans les boisEntends sonner la vagueEntends fouetter la pluieLe Malin frappe chez nousCelui qui fait les malheureux
Chant 5
Sainte Marie mère des marinsNous te prions par Saint JacquesNotre patronQu’une barque porta jusqu’à Iria FlaviaEn Galice près de PadronLa première baleinière Emportée par le ventDans la seconde nous grimpâmes deuxQue la vague arracha et jeta dans les flotsSang du Christ !Comment garder son souffle entre les gorgées d’eau ?Arracher les bottes et les habitsNager nagerRoulé tout nu sur le sableJ’ai couru dans la duneJ’ai couru dans les champsJ’ai couru dans les vignesSainte Marie mère des marinsL’aurore ne fleurissait pas encore
La mort n’est rienQu’un grand poisson froidEn cotte d’argentInvisible il glisseInfinimentIndifférent
Au jour du grand mauvais tempsEntends-tu bien le vent ?S’en va passer le goélandTout blancChant 6
Sainte Marie mère des marinsNous te prionsPar Saint jacques notre patronJ’ai couru dans les vignesJ’ai couru dans les champsJusqu’à cette lumière là devant
Arrivé devant la porteNu et les pieds sanglantsSang du Christ ! Une femme m’ouvreSainte Marie mère des marinsPar Saint Jacques notre patronQu’une barque porta jusqu’à Iria FlaviaEn Galice près de PadronVeille sur mes dix sept compagnonsAssiste mes amis sur le bateauDans le vent et dans les flots
Le chrysanthème refleurit sur la merAu jour levéDe la dune on voit l’épave penchéeL’océan gronde et le vent souffleAh ! Le vent souffle !Les embruns et la pluie !Les nuages courent !Les marins dans les haubansHissent un lamentable pavillon
Chant 7
Premier canotSafran briséSecond canotPas assez d’eauLe troisièmeOn le traîne sur un chariotPour le quatrièmeTrop de vent beaucoup tropFracas de l’océanÔ le cri des marins là-bas !
Au jour du grand mauvais tempsEntends-tu bien le vent ?S’en va passer le goélandTout blancAux pertuis il accompagneUn grand poisson d’argent
Ô le cri de la sirène !La mort n’est rien vois-tuQu’un grand poisson froidEn cotte d’argentIl glisse invisibleInfiniment
Au jour du grand mauvais tempsEntends-tu bien le vent ?Aux allées du cimetièreS’en vient marcher le goélandD’où venu
Sur l’aile du vent ?