samedi 31 décembre 2016

VICTORIA DES SEYCHELLES ....







                VICTORIA DES SEYCHELLES















                        Des horizontales d'ombre et de lumière sous le tamis d'une haute ramure ... Roches allongées, de granit gris, rose ou noir.
Cinq heures, sur la terrasse du " Sunset ". Bandes vertes et bleues d'intensité variable, sur la mer ... Plage blanche au fond de l'étroite crique. Des ors et des argents ... et le calme. Tables rondes, nappes aux couleurs de pastel, porcelaine anglaise ... Un bon livre.
Tout à coup, du haut de l'arbre, un oiseau laisse tomber une fiente sur ma page.
_ " N'en veuillez pas à cet oiseau ... Pardonnez-lui."


                    
L'homme qui s'adresse à moi est assis à la table voisine. Il est très grand, athlétique, de peau très sombre. Il parle en Anglais : Est-il Américain, Kenyan ?
_ Il est Seychellois :
_ " Connaissez-vous un endroit aussi calme et aussi beau ? "
_ Lorsque je lui dis que je suis Français, il rit et, avec aisance, change de langue :
_ " De quelle région de France venez-vous ? "
Je me présente. Lui, il est secrétaire principal du Ministre de l'Environnement. Nos cousins Québecquois diraient qu'il est "Sous-Ministre ". Il sirote un verre de vin blanc australien. Il me demande ce que je lis. Je lui montre mon livre.

                       

                       _ " Je ne peux pas lire le titre : J'ai mal à l'oeil ... " C'est vrai: Il a un oeil au beurre noir ... Mais, un oeil au beurre noir dans un visage noir! _  Belle tuméfaction pourtant, quand on y regarde de près !




                            _ " Dès que j'ai un peu de temps, je m'échappe et je viens ici. Tout à l'heure, j'avais mal à la tête, alors j'ai laissé ma femme à la maison et je suis venu là. Connaissez-vous, en France, un endroit plus beau et plus calme ? "
_ Nous rions.
_ " C'est çà, les Seychelles : Un petit pays calme. Nous ne demandons qu'à conserver ce calme et cette beauté. Il faut le dire partout, à tout le monde. Nous n'avons rien à voir avec la Guerre du Golf, avec l'Irak et les Etats-unis. Nous ne voulons que la paix. Pourquoi faudrait-il souffrir pour Hussein ou pour Bush ? Pourtant, le prix du pétrole va augmenter.
... Et c'est nous qui paierons la facture ! Nous allons souffrir ! Il faut que les pays occidentaux nous aident : Il faut qu'ils nous donnent de l'argent ... "

_ Le ton demeure jovial et chaleureux.






                 _ " Dites-moi, dans la région de Bordeaux, vous avez des endroits aussi calmes ? "

_ Je ne saurai sans doute jamais l'origine de cette tuméfaction de l'oeil, mais la conversation se poursuit ...
_ " Vous étiez aux Seychelles quand le Président Mitterrand est venu? " -Éclat de rire :
_ " Il y avait des gardes du corps partout. Vraiment, on dirait qu'il avait peur de mourir dans nos montagnes ! Quand il est allé dans la "Vallée de Mai ", à Praslin, il y avait même un hélicoptère ! … Deux malheureux touristes cheminaient sur une crête, ignorant ce qui se passait ... Ils ont été menacés avec des armes automatiques !

_ " Descendez, ou l'on tire ! " ...

_ " Vous vous rendez compte ! "









                    

                 Ayant vidé son verre, mon interlocuteur continue, sur le même ton :
_ " Le Président François Miterrand et son Ministre des Affaires étrangères ... Et toute sa suite ! ... J'étais là quand il a discuté avec le Président France Albert René ... Mais à l'île Maurice, Miterrand a distribué des sous ... Aux Comores aussi ...
( C'était sans doute à cause de Bob Denard ... ) ... À Madagascar, il a tout simplement effacé la dette à l'égard de la France ... Allez, zou ! ... Plus rien à payer ! ... Aux Seychelles : Rien du tout ... "

_ Un moment de silence ...

 

           _ " Vous êtes le conseiller du Directeur de l'Institut Pédagogique National ? _ Il y en a partout, des Français ! Moi aussi, j'ai un conseiller français ... Un homme remarquable, d'ailleurs ... Je connais bien votre Ambassadeur... Il joue à la pétanque ! "
_ Rires ... Geste du bras, comme lorsqu'on pointe vers le cochonnet ... Le doigt , ensuite, suit une boule imaginaire qui roulerait ...
_ " Il veut que nous parlions Français : Tous les dossiers que je lui transmets, il veut qu'ils soient écrits en Français. Il faudrait quand même songer que notre éducation est britannique. Faut-il que je reprenne ma grammaire française et que je révise la conjugaison du verbe être ? "





                     _ Encore une tirade concernant Mitterrand et la remise de la dette de Madagascar : Il ne digère pas !
_ " Et rien pour les Seychelles ! "
_ " Et les Français voudraient que nous parlions leur langue, qu'on l'entende à la radio et à la télévision ! " _ L'homme déplie ses longues jambes, se lève, me serre la main.
_ " Il faudra que je vous invite à dîner à la maison, avec mon conseiller ... "
Peut-être saurai-je tout de même un jour ... Pourquoi le Secrétaire-Général-à l'Environnement ... avait, le soir du samedi, 13 octobre 1990 ... Un oeil au beurre noir ?
Mais vous, Monsieur l’ambassadeur de France ne vouliez-vous pas connaître les échos de la visite du Président Mitterrand ?


 
                      


vendredi 30 décembre 2016

USHUAIA ! ...


                                        USHUAÏA




Au petit matin, Ushuaïa, la magique : L’Argentine.

            Énormes bateaux japonais, curieusement immatriculés en Argentine, curieux petits insectes noirs, agressifs, de la marine nationale … Un grand bateau blanc, russe, s’apprête à partir pour une base scientifique du continent polaire. Soleil sur la ville et soleil sur les pics enneigés qui forment chaîne en arrière-plan : Splendide ! (Encore cet adjectif ! … Je n’ai rien trouvé d’autre.)










            Monsieur le Consul Général de France à Rio de Janeiro, qui voyage avec moi, accompagné de Madame, a des soucis : Ils n’ont pas prévu de demander aux Chiliens un visa multiple, or nous changeons bien de pays. Le Consul de France à Ushuaïa arrangera les choses …

            Excursion dans le parc national de la Terre de Feu : Tape-cul dans un bus sur une route non goudronnée. Sur des kilomètres, des collines déboisées. Les arbres, nombreux, ont été coupés de telle façon qu’il reste les tronçons, dressés vers le ciel comme autant de dents cariées : Désolant ! … C’est, paraît-il, le résultat des travaux forcés imposés aux pensionnaires du bagne qui a longtemps fonctionné là. Traversée d’une forêt encore debout. Arrivée dans un cirque montagneux : Lacs, beaucoup d’herbe, quantité d’oies sauvages : Femelles brunes, mâles plus grands, au poitrail et au cou blancs. Quand elles s’envolent, leurs ailes sont barrées de blanc, mais on parvient difficilement à les faire s’envoler, tant elles sont confiantes. On peut les approcher à moins de dix mètres, par troupeaux.










            Un autre animal, surprenant ici : Un lapin ! – Il consent à peine à se déplacer. C’est bien le lapin, le lapin d’Europe, le lapin de garenne de chez nous ! Il a été introduit ici et il a proliféré. Les Argentins ont essayé en vain de s’en débarrasser. Même la myxomatose n’y est point parvenue !

            Nous n’avons pas aperçu le condor des Andes. Il fréquente pourtant ce cirque enneigé, paraît-il. Nous ne verrons pas non plus le castor, qui ne sort que la nuit. Mais les dégâts qu’il commet sont incroyablement visibles : Entailles dans les troncs, biseautés comme avec une hache. Ces rongeurs bâtissent des barrages de branches et de terre qui font monter les eaux : Toute la forêt, inondée, meurt sur place. Sur fond de ciel, grands bras blancs, désolés.





              Ushuaïa est en pleine expansion : On construit partout et d’immenses terrains sont réservés à l’agrandissement de la ville. Il y a là un peu plus de trente mille habitants. Demain, combien y en aura-t-il ? … Est-ce le port, qui est la cause de ce développement ? – Il se pourrait bien que l’intérêt international pour l’Antarctique y soit pour quelque chose … La pêche aussi : Pèche au « crabe royal », poisson … Mais les navires-usines japonais ne pèchent-ils que le poisson ?

             Maisons de bois, maisons de béton … Une importante base navale d’où partirent les navires impliqués dans la guerre des Malouines, contre l’Angleterre de la Reine Élizabeth.  Monument commémoratif, bien sûr !





             À Ushuaïa, évidemment, vitrines de Noël. Trottoirs en escaliers. Du bout de la rue la plus haute, on domine la rade : Les bateaux japonais … Pécheurs de poisson, ou tueurs de baleines ? … Plan incliné à l’arrière, palans … Pour tracter un filet ou pour tracter les cétacés ? Sur le quai, pancartes : « Ne pas consommer les coquillages » … Ils sont infestés par une algue brune, toxique. Leur ingestion peut causer la mort en quelques minutes, un couple de Français en a fait récemment la triste expérience.

             «  Vous voyez, à flanc de montagne, ces voies déboisées, toutes droites : Ce sont des pistes de ski. Elles servent en hiver ! »[endif]

              Ah ! J’allais oublier : J’allais oublier les milliers de fleurs formant guirlandes, formant prairies … Fleurs de printemps austral … Pieds d’alouette et fleurs de mufliers …



                          « Fin del Mundo ! » proclame orgueilleusement un panneau placé sur les quais … Ushuaïa, cité la plus australe du monde ? – Vraiment ? – Et Puerto Williams, alors ? – Et Puerto Toro ?

                       - Ah, oui ! Ces deux villes … Mais elles sont chiliennes, pas argentines … Et puis, est-ce que ce sont vraiment des villes ? … Nationalisme, quand tu nous tiens !