lundi 29 février 2016

L'APRÈS- GUERRE.



LE MAGHREB et puis ...








1939 - 44 ... ET PUIS ...

Dans le Sud marocain coulait le Souss. Les paysans foulaient la glaise avec de la paille hachée, pour en faire des parpaings d'adobe, qui sécheraient au soleil. Pendant ce temps-là, des guerres se déroulaient quelque part. L'âne aux yeux crevés, pourtant, tournait toujours la noria, dans les jardins de Rabat. Les godets déversaient l'eau claire et qui chantait. Les cigognes craquetaient sur les remparts des vieilles villes, en renversant la tête.

En Algérie, à ce moment-là,  je n'ai rien connu des passions du monde, que des instants d'ivresse et de folie : Les embrassades et les drapeaux, les foules, toutes couleurs confondues et toutes formes, célébrant dans les rues d'Oran la libération de Paris. J'avais débarqué à Toulon pour n'y voir que ferrailles tordues et prisonniers de guerre par colonnes entières, surgis d'où, allant où? À Rochefort, j'avais vu rouler des files et des files de camions américains. Les graffitis, sur les murs de nos villes n'avaient pas tardé à réclamer le "Go Home" de nos libérateurs.







J'avais joué au football avec des prêtres vendéens. J'avais sonné du clairon à la tête des processions, de reposoir en reposoir. Dans le Var, j'avais appris à "changer de peau" aussi souvent que je changeais de territoire ...

Où et quelle logique ? Quelle unité dans tout cela ?
Hors du temps !


En Provence, on ne croisait pas de camions américains. Personne ne parlait de la guerre récente. Y avait-il eu, même, une guerre ici ? On semblait plutôt craindre des guerres intestines à venir. Il y avait des grèves partout.

-"Le Communisme cherche à s'étendre et à prendre le pouvoir". Nos officiers faisaient des plans à mi-voix. On reparlait du "Grand Soir".

-"Le soir du "Grand Soir, il faudra sauter dans les camions et gagner Saint-Raphaël. Ici, la base ne pourra pas résister."


J'avais déjà entendu des choses identiques lorsque nous étions à Agadir :

-"Si les Américains débarquent ici, il faudra sauter dans les camions. Les pleins doivent être faits en permanence. Nous essaierons de gagner Dakar par le désert ..."

Il y avait si peu d'armes, si peu de marins à Agadir, autour de ce qui n'était qu'un vaste chantier de construction d'un aérodrome! Les colonnes interminables de dromadaires transportaient les pierres dans des paniers, les pierres que l'on avait concassées à coups de marteaux ! Quand un dromadaire s'agenouillait pour qu'on décharge son fardeau, il allongeait son cou d'animal antédiluvien, renâclait, dressait la tête, poussait des cris étranges, montrait ses dents jaunes, et bavait ...Nous étions, là aussi, complètement hors du temps !

L'aumônier était venu chez nous, L'abbé Souris ... C'était véritablement son nom. Il avait sorti ne bouteille de champagne ...

- " Nous ne savons pas ce qui peut nous arriver. Commandant, il faut baptiser votre fille ! Nous ne savons pas si nous parviendrons à gagner Dakar en cas de besoin !"


Et maintenant, si c'est le soir du "Grand Soir" ... Allons-nous fuir vers Saint-Raphaël ?







« … UN PÊCHEUR QUI LANCAIT SON FILET DANS LA MER POUR Y PRENDRE DU POISSON, MAIS EN RETIRAIT UNE FIOLE DE CUIVRE SCELLÉE DE PLOMB ET MARQUÉE DU SCEAU DE SALOMON, FILS DE DAVID – LE SALUT SOIT SUR EUX ! 

LE PÊCHEUR S’EN SAISIT, LA BRISA, ET IL EN SORTIT UNE FUMÉE BLEUE QUI S’ENLEVA TRÈS HAUT DANS LE CIEL … »

              Contes des Mille et une nuits.






dimanche 28 février 2016

OLÉRON - LA FAMILLE.







OLÉRON







                      Ludovic Savatier - Médecin en chef et naturaliste, spécialiste du Japon.
                                                              Membre du Muséum d'histoire naturelle de Paris.











L'été, ma famille prenait le train et partait dans l'île d'Oléron, par Toulouse et Bordeaux. Debout dans le couloir du wagon ou bien allongé sur le plancher, dans un soufflet. L'air sentait le charbon. Au gré des courbes de la voie nous apercevions la locomotive. Nous recevions des escarbilles dans les yeux. Nous arrivions épuisés.

Nous rendions d'abord visite à ma grand'mère paternelle, à Rochefort. Notre maison était louée, mais elle occupait un petit appartement dans le fond de la cour, au premier étage. Elle vivait seule, cousant, tricotant, faisant du crochet, brodant des coussins.

-"Elle a de l'or au bout des doigts. Pourquoi n'a-t-elle jamais voulu travailler ?"

J'aimais bien ma grand'mère mais je ne la voyais que rarement. Lorsque nous allions la voir, il semblait toujours qu'un malaise s'installait entre elle et mes parents. On parlait peu. On soupirait beaucoup. Ah ! les non-dits, dans les familles ! Pourtant elle m'écoutait, elle, elle me parlait lorsque nous en avions l'occasion. Mais il me semblait qu'en me parlant, elle se surveillait, comme si on avait pu la surprendre et lui faire des reproches. Ma grand'mère ne m'accablait pas, elle, sous les poids accumulés de mes "sottises" !

Oh ! Et puis quelles "sottises" ?

J’avais laissé un jour tomber le seau au fond du puits ... J'avais raconté je-ne-sais-quoi, pour essayer de me faire valoir un peu ... En fait, ce que l'on ne me pardonnait pas, c'était mon manque d'intérêt pour les études. En cela, je n'étais pourtant pas le premier dans la famille, je crois. Quant aux sottises ... D'autres ont fait beaucoup mieux depuis !

Pendant un temps, mon grand-père maternel habita au fond de la même cour que ma grand'mère paternelle, avec sa compagne qui, dit-on, avait été sa bonne. Il y eut des prises de becs homériques entre le rez-de-chaussée et le premier étage. ! Le grand-père accusait la grand'mère de balayer intentionnellement les poils de son loulou de Poméranie par-dessus son balcon.

Ma grand'mère était veuve depuis l'âge de vingt ans. Elle avait vécu très peu de temps à Madagascar, où mon père était né. Elle était revenue de là-bas seule avec son bébé. Je crois que mes parents n'ont jamais admis qu'elle demeurât chez nous sa vie entière, sans travailler.

Il y a toujours eu autour du personnage de mon grand-père paternel quelque chose qui tenait du mystère. Il était mort là-bas, à Majunga sans doute. Je comprenais qu'il n'avait guère réussi dans sa vie. Je savais qu'il avait été "Commis aux Écritures" dans l'Administration Coloniale, aux alentours de mille neuf cents ...

Un jour, je trouvai dans un tiroir une lettre dont l'enveloppe jaunie ne portait aucune mention de son auteur. J'y lisais : -"Pauvre Léon, lui qui aimait tellement son enfant" !




















                                       À Madagascar - Mon grand père paternel, Léon Savatier




En fait, le grand homme de la famille, celui qui est à la fois l'aïeul et la référence, c'est mon arrière-grand-père paternel. Je possède une photo de lui, encadrée de bois doré, veste à boutons dorés, feuilles de chêne brodées d'or, assis sur un fauteuil, l'épée sur les genoux. Il a la tête nue, mais son bicorne n'est pas loin. Il arbore de larges rouflaquettes ... Ludovic Savatier, Médecin en Chef de la Marine nationale. Il porte la médaille d'Officier de la Légion d'Honneur. Il a été l'un des tout premiers européens à pénétrer au Japon, faisant partie aux environs de la moitié du dix-neuvième siècle, d'un groupe de français installé là-bas pour y construire un arsenal. Il y resta plus de dix ans. C'est un botaniste célèbre.On raconte que, passant par la Chine, il se trouvait présent lors de la mise à sac du palais d'été. La soldatesque franco-anglaise pillait les bronzes et les porcelaines.
 Il sortit du palais, lui, avec une rose à la main ! L'histoire est belle, il faut la conserver; Elle est crédible puisque ses collections, son herbier, très important, est toujours exposé au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris. En fait, elle est fausse sans doute : les dates ne lui permettaient pas de se trouver en Chine à ce moment-là. Mais elle est si belle, cette histoire ! J'ai vu des universitaires japonais en Oléron, venus tout spécialement pour avoir accès aux archives familiales et visiter la maison de Ludovic Savatier. Cette maison a été vendue …

-" La grand'mère a tout dilapidé. Elle s'est fait escroquer par son notaire."

A dire le vrai, la grand'mère n'y a jamais été pour rien. J'ai retrouvé une reconnaissance de dettes : son mari avait emprunté une forte somme, avant son mariage et son départ pour Madagascar. La pauvre femme avait tout payé. Silence dans la famille.

- "Elle a tout vendu. Il y avait des porcelaines précieuses, des étoffes de soie" ! ... Et pourquoi pas des Bouddhas en or pendant qu'on y était ! Il ne reste presque rien ... Il n'y eut jamais rien d'autre, disent certains, rien que le portrait d'une jeune Japonaise, jouant d'une sorte de guitare ronde à cordes multiples ... Et puis des mots, il reste des mots ... Qui ne furent pas toujours tendres !

L'histoire de la succession de Ludovic Savatier est beaucoup plus compliquée que cela, je ne l'apprendrai qu'aux alentours de mes cinquante ans et je me demande encore pourquoi on l'a faite si compliquée ...


Mon grand-père maternel, lui, était un homme d'un autre genre. Quel personnage ! Il avait, disait-on, construit et dévoré plusieurs fortunes, de vraies fortunes ! Je sais qu'il avait été, à un certain moment de sa vie chef de rayon aux Grands Magasins du Bon Marché. Il avait des attaches, je crois, dans les Vosges. Il avait aussi vécu à Auxerre. Périodiquement, et je n'ai jamais su pourquoi, il déshéritait ma mère, sa fille. Il avait possédé un authentique château, peut-être deux. Il avait été zouave en Algérie et y avait construit des routes. Son beau-frère, l'oncle Pierre, disait en parlant de lui :


-" Ton grand-père, quand il n'avait plus un sou, il frisait sa moustache, il mettait son habit, prenait son chapeau ... Il allait sur les Champs-Élysées ... Il revenait riche ! C'est fou, le succès qu'il pouvait avoir auprès des femmes ! "

Époque de grands sauriens : Sur une branche collatérale de mon arbre généalogique figurent Jose-Maria de Heredia, Pierre Louÿs, Henri de Régnier et René Doumic ... Sait-on que, désargenté, Pierre Louÿs s'installa dans un hôtel de Biarritz pour y écrire un livre ... Ce livre, il ne l'écrivit jamais ... Il déménagea à la cloche de bois faute de pouvoir payer sa pension et celle de sa femme ... qu'il laissait en gage ! C'était la Belle Époque !
C'était la grande Époque !
Mon grand père et l'oncle Pierre avaient tous deux débuté comme garçons de courses chez Hachette! Les deux derniers avatars de cette vie méritent d'être racontés. Ils valent leur pesant de sous-percés !

Mon grand-père, en mille neuf cent trente-neuf, possédait une villa dans le Parc, à Royan. C'était un homme avisé : Il avait prévu la guerre. Il avait prévu (allez donc savoir pourquoi ! ) la destruction de Royan. Il avait donc vendu sa villa, dénommée "Clair-Matin". Il avait placé ses meubles au garde-meubles. L'Histoire lui donna raison : À la fin de la guerre, Royan était détruit ... Mais la villa était encore debout ! Par contre, le garde-meubles, lui, n'était plus que décombres. En tout et pour tout, accompagné de mon père, mon grand-père n'en retira qu'une commode dont il fallut refaire le placage décollé par la pluie !

Après avoir habité chez nous, à Rochefort, il perdit sa compagne. Il alla l'enterrer à Auxerre, puis il revint et compulsa son carnet d'adresses. Il en parcourut toutes les pages, s'arrêta sur un nom ... C'est ainsi qu'il reprit femme pour la dernière ligne de sa vie. La fiancée était tout juste retraitée des Postes ... Il avait, lui, quatre-vingts quatre ans !

- " Et vous savez, il fonctionne encore, le grand-père ! "

Il ne vécut pas jusqu'à cent ans, mais il s'en fallut de peu.




                                                                            Mon père - Lucien Savatier


samedi 27 février 2016

APRÈS LE MAROC - LA PROVENCE.





LA BAUXITE













La bauxite, dont le nom dérive de celui du village des Baux en Provence, où elle fut découverte, est un minerai d’aluminium. Elle est rouge, rouge sang de bœuf. Nous en voyions passer, par pleins chargements d’énormes camions, tout au long des routes de Provence. C’était en 1948. Je n’ai connu de roches aussi rouges, voyageant également par pleins camions, qu’en Nouvelle-Calédonie où l’on extrait le minerai de nickel. D’ailleurs, l’exploitation des deux minerais présentait beaucoup de similitude : C’était par pans entiers que l’on abattait les flancs des collines, terrasse après terrasse. Cette exploitation, je crois, a cessé en Provence où les gisements ont été épuisés.








Au lycée Lamoricière, à Oran, J'avais commencé à étudier le Latin ... avec autant de succès que dans mes études de solfège, ce n’est pas peu dire! Du reste cette étude de langue morte me rappelait un peu l'étude de la musique telle qu'on la conduisait dans ce temps-là : "rosa, rosa ..." C’est tout juste si le chef d’orchestre ne faisait pas danser la baguette !
J'eus tellement de succès que l'on me conseilla vite d'abandonner. Il faut dire aussi que l'haleine de mon professeur sentait plus souvent le vin que la rose ! Par contre, je continuai à étudier l'Anglais : J'aurais été bien incapable d'enfiler des mots dans le bon sens pour aller acheter une boîte d'allumettes à l'épicerie du coin ! Mais je connaissais des mots : On nous faisait apprendre des listes de mots … Ils se déposaient par couches dans ma mémoire latente. Je fus tout étonné de les voir ressurgir lorsque j'en eus vraiment besoin ... quarante ans plus tard ! Pour l'heure, il me souvient que j'étais censé traduire Peter Pan et « The Tempest », de Shakespeare.

Arrivé en Provence, c'est l'Italien que je fus obligé d'aborder comme deuxième langue, proximité de l'Italie oblige. J'aimais bien l'Italien, très musical, mais cet enseignement était encore une autre rupture pour moi car les Bons Frères vendéens m'avaient initié ... à l'Espagnol ! J'avais également aimé l'Espagnol et ses sonorités viriles. Plus tard, en un autre collège encore, je ne trouvai ni professeur d'Italien, ni professeur d'Espagnol. On me proposa l'Allemand ... que je refusai : Cela allait bien comme ça !
























À la maison, nous dansions quand les filles du Marquis venaient dîner. Après avoir mangé des brochettes sur la terrasse, nous repoussions les meubles contre les murs de la salle à manger et nous mettions en route le tourne-disques « Teppaz. ». Je dansais très mal. Et je ne danse pas mieux maintenant. Mais j'étais ... Je peux bien le dire, j'étais amoureux. De qui ? -De toutes les filles du Marquis, toutes à la fois et elles étaient cinq ! J'aimais, et je prétends que l'amour préexiste à la rencontre de son objet. Pour l'instant, il était diffus. Il n'y avait pas vraiment d'objet, mais il était bien là.

Nous dansions le paso-doble, avec des allures espagnoles et la samba brésilienne. J'aimais ... L'aînée avait une lourde chevelure châtain, elle était coiffée de rouleaux qui lui faisaient une couronne, la seconde était blonde, la troisième était la plus proche de nos âges. Le dimanche, ou bien pendant les périodes de vacances, nous faisions de longues balades à bicyclette.



























- "T'en souviens-tu, nous escaladions le massif des Maures, en file indienne ou bien par paires.

L'époque était bizarre : la guerre était si proche encore et si lointaine tout à la fois ! Elle avait laissé ici si peu de traces ... Les vignes étaient bien alignées, bien soignées, les façades étaient passées à l'ocre, les trains roulaient, crachant la fumée et tirant leurs chargements de bauxite. Le "SOIR du GRAND SOIR" n'en finissait pas d'approcher.

- " Mais De Gaulle a fait rentrer Thorez et il y a des Ministres Communistes !"

Qu'est-ce que c'était, en fait, qu'un "Communiste" ? - Il fallait les craindre.
Y avait-il eu, ici, des Résistants ?
- Il y en aurait eu.

























Le gendre du proviseur du lycée de Draguignan s'appelait François Mitterand. -" Il en parle assez pour que nous le sachions", disait mon frère aîné qui fréquentait cet établissement.

- "Mon gendre François ", disait-il. Et le proviseur, lui, s'appelait Monsieur Gouze. Ses élèves le surnommaient "Lauk", bien sûr. Pourquoi "Lauk" ? Ce mot désigne l'oie en Provençal ... Pourquoi" l'oie" ? _ À cause de "goose", en Anglais ! François ? – C’était François Mitterand, bien sûr !


Notre file de bicyclettes s'engageait dans des chemins invraisemblables, non goudronnés et caillouteux. On longeait des talus, on passait entre les oliviers et les pins. Nous finissions toujours par arriver dans un hameau. Ce n'était jamais le même, mais ils étaient tous déserts. Le foin se trouvait encore au râtelier des étables, il y avait de l'eau dans le puits et le seau pendait à la chaîne. La fontaine coulait.


























Le hameau comptait cinq ou six maisons vides aux portes et aux volets battants. Les murs étaient faits de la même pierre dont on avait construit les terrasses aux flancs des collines. Aux façades, il y avait des roses épanouies, il y avait des fruits aux branches des amandiers et des figuiers. Les vignes étaient un peu devenues folles, mais il y avait des grappes sous les feuilles.

Souvent, dans ces hameaux intacts, j'ai trouvé à terre, brisée, une plaque de marbre. En la reconstituant à la manière d'un puzzle, on pouvait déchiffrer une inscription qui indiquait que là s'était installé un Chantier de Jeunesse.

- "Maréchal, nous voilà !" - Je connaissais cela. Je savais les blousons, les pantalons de golf, les badges et les bérets. Le mât du drapeau était encore en place. On pouvait imaginer toute une animation ... J'en verrai, tout au long de ma vie, des plaques brisées, de marbre ou de bronze ! J'en entendrai, des chants de gloire!

Dans les maisons de ces hameaux, les meubles avaient disparu, les fenêtres étaient ouvertes, qui donnaient sur des panoramas éblouissants de paix, de beauté et de lumière, toujours dans le chant des cigales ! Sont-elles encore debout, ces maisons ? Je les pense habitées par de blonds Hollandais et leurs enfants, par des familles anglaises, ou par des familles allemandes, aux jours d'été. L'eau des fontaines coule-t-elle, claire encore ?
























Nous cherchions des "moines" sous les pierres des murets de terrasses. Ce sont de petits escargots blancs ou rayés de noir. La Mère Fournier préparerait la "suçarelle" à l'épaisse sauce. Vous prenez une coquille entre deux doigts, vous sucez ...Tous les parfums des herbes de Provence !

Nous étendions une nappe sur le sol. Nous sortions le déjeuner. Après avoir bien ri et bien mangé, nous partions dans la garrigue pour grappiller. Nous rencontrions ici une grappe, ici un abricot, là une pêche ou une poignée d’amandes vertes. Nous rentrions tard le soir

jeudi 25 février 2016

LE VENT LE VENT LE TEMPS ...






LE VENT LE VENT LE         

          TEMPS …











   Galerie des artistes du monde – La Napoule.










-   « Tu vas devoir t’habituer à l’éclat du soleil
     à chaque seconde de ta vie … »
                                
    (Walt Whitman – Feuilles d’herbe)

                                 

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Luminescences

Irisées

Onduleuses

Rêvées



                       Reflets

Diaphane porcelaine
Cristal
De baccarat ou bien de Bohème
Eau pure


                      Ruisseau
                      Rivière sous le pont


Aigrettes des dents-de-lions
Légères
Sur les ailes du vent
Libellules



                  Élytres frissonnantes
                  Bouffées de brume
                  Le chant d’un oiseau


Une flaque d’argent poli
La flamme d’une bougie derrière une vitre            
                                                           cathédrale
Miroir
Tes yeux


                 
Arc-en-ciel
Opale
                  Nacre de l’huître perlière
                  Escarboucles et lucioles

La lune
Dans le creux des vagues
Phosphorescences sur la mer des tropiques
Le plumet d’un roseau
L’aube
Sillages des jet liners

                                                               


 
                                                         


                     *


Le vent le vent le vent
     Vent qui se déroule
          Le vent qui court
               Le vent des marées
                    Vent des saisons

Nous en avons connu des peuples
Qui ne sont plus
Nous en avons connu des mondes
Aujourd’hui disparus !

Sur les pistes des déserts
                     Passent sans fin les dromadaires
                       Chargés d’étoffes
                       Chargés d’amours
                       Chargés de rêves
                       De myrrhe d’encens de cannelle
                         Des peuples entiers les accompagnent
                   Marchant des jours et des jours
                              Muets
                    Allant vers d’improbables villes

                                                           


Le vent se lève
Sur le sable rouge
L’étendue tout entière
Court vers l’autrefois

Routes du sel routes de la soie
                                   Caravanes d’Égypte ou bien de Chine
               Routes enneigées

Ceux de l’empire du Ghana
Et de l’empire de Gao
Peuple des Incas
Romains
Summer Babylone Ninive
Territoires indiens
Chemins des Alakaloufs et des Onas

Une couche après l’autre le sable recouvre leurs os

            Jusqu’où devrons-nous creuser
            Sous les sables et sous les laves
Sous les boues et sous la tourbe
Sous les flots
Dans la roche et dans la craie ?

Nos parents sont couchés
Des continents tout entiers ont dérivé
Des montagnes ont surgi
Des soleils ont bondi
Des étoiles se sont éteintes
Et des glaciers se sont formés

                                                     
Galerie Bartoux - Cannes 
                                                                                                                


Des villes ont été bâties
Fières
Leurs tours temples et palais
Leurs murailles
Leurs noms même ont disparu
Des fleuves se sont taris
Des lacs et des mers se sont comblés
Sel
Des flottes entières ont sombré
Des routes ont été gommées
Des peuples animaux
Des espèces et des races
Se sont éteints à jamais

Combien d’amis ont disparu
Combien de villes ont changé de nom
Combien de pays que l’on ne reconnaît plus
Nous devinons cela
Mais nous avions tracé les cartes

Que sont nos rêves devenus
Nos théorèmes
Et nos amours

              Les vents
              Les vents les ont éparpillés


Nous avions tracé les cartes
      Mais où les bornes placées ?
Poudre sont devenues
      Mêlée à la poussière
Si tu veux poursuivre ton chemin
      Fie-toi à l’étoile tant qu’elle luit

                                                             





                                      *

Ellébore
Rose de Noël dite rose des fous
Rose
Rose des sables
Rose porcelaine
          Trémière, dite passerose


Rose des trente-deux directions du vent
Rose de Jéricho
      Qui renaît de ses cendres indéfiniment
      Comme la ville du même nom
Roses de gloire
Rosace de Notre Dame
Chaque pétale est unique


Mais les enfants de Dieu sont encore plus beaux
Quand ils se rassemblent sur la terre


             
                                                   


























Gérard Stricher