LA PROVENCE
Me voilà à Lorgues, inscrit au
“Collège Moderne et Technique”. L’adjectif “moderne” était rassurant : on ne me
demanderait plus jamais d’étudier le latin ! La période qui commençait alors
s’avéra très étrange, initiatrice, inoubliable. Je fus à la fois très heureux
et très malheureux, et ces alternances ne sont-elles pas l’image de la vie ?
Comment en débuter le récit ? Quelle chronologie, quelle logique ? J’eus
des moments très forts, très sensuels, très créateurs. Ce fut un véritable, un
authentique printemps ...
Dans un contexte inimaginable,
incroyable, je vécus à la fois les aventures du “Petit Chose” et celles du
“Grand Meaulnes”. Je vécus des ivresses à la manière de “Manon des Sources”,
des rêveries à la Giono, des emballements dignes de Fabrice del Dongo. je me
trouvais dans le pays des “félibres”, je piégeais les grives, comme le petit
Pagnol..
Lorgues est un gros bourg situé
au-dessus de la cuvette des Arcs et de Vidauban. On y est dans la montagnette
et près des pins. De là-haut, on dévale vers Le Cannet-des-Maures et le Luc où
demeuraient mes parents, puis vers Saint-Raphaël ou vers Soliès. On n’est pas
bien loin de Barjols où l’on fête “les Tripettes” chaque année, en dansant dans
l’église. On n’est pas bien loin de Gonfaron ... Vous savez bien, la ville où
la population, rangée en file indienne souffle dans le derrière de l’âne avec
un chalumeau, pour le gonfler et le faire voler! Et puis le dernier qui s’est
présenté a retourné la paille pour ne pas porter à ses lèvres l’extrémité sucée
par les autres ... Ah, l’hygiène, mon cher ! Fréjus est proche, et Sainte
Maxime, Toulon ...
Lorgues s’organise de part et
d’autres d’une avenue en pente. Cette avenue, comme il se doit, est bordée des
deux côtés de grands platanes. Comme il se doit également, il y a une fontaine
qui chantonne nuit et jour, et l’eau des fontaines était potable en ce
temps-là. Comme il se doit, on boit le pastis et on joue aux boules. Vers midi,
la petite ville est écrasée de soleil. Personne ne s’y montre, pas même aux
alentours du bistrot dont le patron a fermé le rideau à demi. Il n’y a personne
aux abords du petit garage où René Viéto et ses équipiers remisent leurs vélos.
Tout en haut de l’avenue, derrière une grille, se dresse la bâtisse carrée du
Collège “Moderne et Technique”.
_”C’était hier, n’est-ce pas ?” m’a
dit la serveuse du bar ...
«SACHEZ, MES FRÈRES, QUE, DE
RETOUR À BAGDAD, JE RETROUVAI MA FAMILLE, MES INTIMES ET MES CAMARADES. JE
VÉCUS AU COMBLE DE LA TRANQUILLITÉ. DE LA JOIE ET DU REPOS. J’OUBLIAI MES
TRIBULATIONS PASSÉES
… »
Les
Contes des Mille et Une Nuits .
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