AU MAROC
SUR
L’OCÉAN ATLANTIQUE
« CELA FAISAIT VINGT-SEPT
ANNÉES ET ILS N’AVAIENT PLUS D’ESPOIR DE ME REVOIR. AUSSI, LORSQUE JE REVINS ET
QUE JE LEUR RACONTAI TOUT CE QUE J’AVAIS FAIT ET TOUT CE QUI M’ÉTAIT ARRIVÉ,
ILS FURENT STUPÉFAITS … »
(LES CONTES DES MILLE ET UNE NUITS )
LES PETITS CAILLOUX
PERDUS
Je dois avoir douze ans. Avec notre
mère, nous nous trouvons embarqués sur un cargo mixte dont je ne sais plus le
nom. Nous sommes partis de Casablanca, si mes souvenirs sont bons. Le bateau
doit faire escale à Mogador et nous conduire jusqu’à Agadir où mon père nous
attend. C’est la guerre en Europe et l’on ne dispose ni d’automobile, ni
d’essence pour faire ce long voyage par la route …
Il fait « un temps de
curé » ! La mer est aussi calme qu’une mare d’huile. Aucun souffle de
vent. Une chaleur à crever. Dans notre cabine, nous couchons dans des
couchettes superposées : Bonne occasion pour chahuter, je fais tomber mon
frère de la couchette supérieure, il se fend le cuir chevelu. Il saigne
abondamment. Cela ne sera pas grave, mais on a dû lui bander la tête …
pansement impressionnant !
Depuis quelques jours les adultes qui
nous entourent, et particulièrement le commandant du navire, semblent
inquiets : La cargaison s’est déplacée, mal arrimée par des dockers peu
soigneux. Le bateau s’incline sur tribord ( tribord, c’est la droite
m’a-t-on expliqué … Et pourquoi les marins ne parlent-ils pas comme tout le
monde ?) Nous prenons de la gîte, de plus en plus de gîte …
Chaleur écrasante, toujours pas de
vent et pas une ride sur la mer. Le bateau se traîne. Il s’incline de plus en
plus. Il a tellement de gîte que l’eau arrive juste au-dessous du
plat-bord : La situation est sérieuse. Néanmoins, toujours à toute petite
vitesse, nous parvenons à entrer dans le port : À quai, vite ! On
décharge la cargaison, le plus vite possible, puis on la rechargera de façon
plus stable. Ces opérations prennent plusieurs jours : Un quai en plein
soleil, une voie ferrée rouillée, des grains de blé dispersé entre les rails …
Occuper le temps : Pêche à la ligne au bout de la jetée … Jamais vu autant
de poissons ! On est obligé de taper sur l’eau avec un bâton pour que
l’hameçon ait le temps de couler : Il faut éloigner les petits sars pour
que l’appât atteigne les profondeurs où sont les gros !
Mogador est une ville fortifiée
autrefois par les Portugais. Plus tard, elle s’appellera Essaouira (La bien
dessinée), et deviendra une destination recherchée par les touristes
fortunés.
-« Au loin, les îles
Purpuraires ;
En dessous,
l’océan, en dégradés de couleurs …
sardine
argentée
vert glauque
rose saumoné
jaune sablonneux
et enfin panaché de blanc à la lisière des vagues, signature du vent.
Je me pète la gueule à la force de l’intensité visuelle du spectacle,
levant mon verre à l’infini salé : c’est la mer à boire. »
Jean Edern Hallier (Carnets
inpudiques)
Nous repartirons vers le port
d’Agadir, dans lequel nous entrerons sans plus d’encombre …
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