dimanche 30 novembre 2014

LA MADELON









LA MADELON































On nous en a tant montré
Des casquettes et des tricornes
Des médailles et des galons
Des panaches de plumes d’autruche

On en a tant fait sonner
Des cors et des trompettes
On en a tant frappé
Des tambours et des cymbales

Nous avons tant chanté
Les glorieux lendemains
Nous avons tant hurlé 
De vivats et de hourras !










On nous en a tant montré
Des guêtres
Des bottes et des baudriers
Des images et des couleurs

On nous en a tant conté
Que nous avons oublié nos coeurs
Qui battaient


Je verse aujourd’hui
Quatre poignées de cendres
A la mer

C’était tout ce qui me restait
De toi.




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samedi 29 novembre 2014

DANS L'OCÉAN PACIFIQUE







AUX ABORDS DE LA NOUVELLE CALÉDONIE



      L'ODYSSÉE DE LA CORVETTE L'ALCMÈNE
               
(D'après un journal de bord authentique)

DÉCEMBRE 1850




"Nous larguerons les amarres avant le quinze juillet si tout va bien. L'armement du navire a déjà commencé : Nous faisons embarquer les vivres frais, les salaisons, les tonneaux de vin et ceux de poudre à canon ... Nous descendrons ensuite le cours de la Charente ... Le plein des réserves d'eau douce sera fait au fort Lupin où se tient la pompe. Le navire, alourdi, gagnera l'estuaire de la Charente, puis la rade de l'île d'Aix
. Le quinze, nous devrions lever l'ancre." 

                                                                                       ... /...








... Le jour venu, rien de suspect ne s'étant produit, ils abordent à nouveau afin de préparer le café, au même endroit que la veille et, plus confiants, ils amarrent le canot en lieu sûr et débarquent sans armes, imaginant à tort que la réputation de barbarie des indigènes était surfaite.
Mais ceux-ci avaient profité de la nuit pour prévenir leurs pareils des îles voisines de la présence des nôtres.
Nos matelots, en attendant leur café, se divertissent avant de reprendre la mer lorsque, tout à coup, ils se trouvent entourés par une horde de sauvages entourés de flèches et de casse-tête, armes dont n'étaient pas pourvus les indigènes rencontrés la veille au soir. Malheureusement, il est trop tard maintenant pour faire quoi que ce soit.






Au moment où ils tentent de regagner leur embarcation une immense clameur s'élève de la foule barbare qui s'élance à leur poursuite. Bientôt ils sont rattrapés et succombent sous les coups. Seuls, trois marins qui nettoient le canot ont le temps de se jeter à l'eau. Sur la rive, des cris de rage éclatent. Les trois fugitifs s'éloignent à la nage vers un banc de corail, mais ils sont rejoints par des naturels montés sur des pirogues.
A la surprise de ces malheureux aucun mal ne leur a été fait en abordant les lieux qu'ils venaient de fuir. Un triste spectacle se présente à leurs regards horrifiés : Leur douze camarades, déchirés en morceaux encore palpitants, baignent dans le sang. Des sauvages chargent sur leurs épaules ces quartiers de chair humaine sanguinolente pour se rendre sur les lieux du festin.






Arrivés en cet endroit, de grands feux sont allumés en des trous assez vastes où des cailloux plats sont disposés à chauffer. La viande, couverte de feuilles d'arbres est posée dessus, puis de la terre enfouit le tout.
Une demi-heure après les cannibales déterrent la chair et, rassemblés par groupes, ils se distribuent les morceaux à moitié cuits sur de grandes feuilles en guise d'assiettes. Leur voracité satisfaite, les restes encore fumants ainsi que les trois hommes encore vivants sont répartis selon les différentes îles afin de les réserver pour un autre repas.





Trois jours après leur départ du bord, des bruits sur leur sort parviennent à la Corvette, colportés par les naturels d'une tribu où nous sommes en partie de chasse et également pour faire de l'eau. Mais, ne comprenant que vaguement leur langage, au début, nous n'en faisons aucun cas. Cependant la persistance des indigènes finit par intriguer notre Commandant à qui ces nouvelles sont rapportées. Il envoie à terre un missionnaire qui se trouvait à bord pour nous servir d' interprète.





Le chef de la tribu de Canala lui affirme que nos matelots étaient retenus par les Bélèpes et que, si nous ne partions pas à leur secours au plus vite, ils couraient le risque d'être dévorés par les naturels de ces îles si redoutés pour leur cruauté.
Le missionnaire rend compte à notre Commandant de sa mission dont le résultat ne tarde pas à être connu de tout le monde. Ces nouvelles provoquent pas mal de commentaires et nous n'entendons plus raison : Tout un chacun veut aller immédiatement au secours de nos compagnons.
Le Commandant fait réunir l'équipage sur le pont pour nous dire que les bruits n'étaient pas si alarmants qu'on pouvait l'imaginer, qu'il ne fallait pas croire outre-mesure les indigènes, qui ont toujours tendance à exagérer, mais que, cependant, s'il était arrivé malheur aux nôtres, il ne serait pas le dernier à venger la mort de nos compagnons et il termine en nous exhortant à patienter quelques jours.





Le neuvième jour, impatientés par l'inaction, nous allons voir le Commandant pour le prier d'organiser immédiatement une expédition. C'est alors que, voyant l'équipage animé au plus haut point d'un besoin de savoir, il promet enfin que le grand canot partirait le lendemain matin à l'aube.



Au levé du jour, la chaloupe, composée de quinze hommes sous les ordres d'un officier et d'un missionnaire en qualité d'interprète, part à la recherche. Une belle brise d'est les dérobe bientôt aux regards de la Corvette.
Le soir même, ils abordent l'île que le premier canot avait abordée également au début de son voyage. Des sondages sont effectués tous les quarts d'heures afin de permettre, le cas échéant, à la Corvette de s'acheminer sur ces lieux. Le lendemain, la petite expédition visite plusieurs îles de différentes importances sans trouver trace de notre premier canot.







Enfin, le troisième jour, inquiets de ne rien découvrir, ils décident d'aborder une île semblant séparée des autres et très peu peuplée.
Mais quelle n'est pas leur surprise de constater qu'au fur et à mesure de leur approche vers le rivage, des sauvages apparaissent de plus en plus nombreux ... La présence de ceux-ci, aussi importante, leur laisse à penser qu'ils touchent au but de leur mission. Cependant, en raison du nombre toujours croissant des indigènes, le canot change sa route. Cette initiative ne semble pas plaire aux cannibales, dont les plus hardis se jettent à l'eau pour rejoindre notre embarcation qui ralentit, se laissant rattraper quelque peu afin d'en capturer quelques uns et de les interroger.
Les nageurs étaient maintenant assez éloignés de la plage ... Le canot vire de bord et se dirige vers eux. A ce changement de manoeuvre si inattendu et prenant brusquement conscience de leur petit nombre, les indigènes tentent de fuir, mais déjà la chaloupe est si proche d'eux que des matelots sautent à l'eau, le sabre d'abordage au poing et s'emparent de deux imprudents.




Dès qu'ils sont à bord, nous repartons vers le large. Une fois hors d'atteinte, le missionnaire les interroge. Se croyant perdus, ils se refusent tout d'abord à parler mais, avec de la patience, on arrive à leur faire dire où se trouvent nos camarades. C'est ainsi que, consternés, nous apprenons la mort de douze d'entre eux.
Ils insistent sur le fait qu'ils étaient eux-mêmes esclaves des Bélèpes depuis leur enfance ... Ils n'avaient pas pris part au festin. Puis, reprenant confiance, ils s'engagent à tout raconter en détail si nous leur promettons de ne pas les débarquer dans l'île qu'ils venaient de quitter, craignant de payer cher leurs indiscrétions. Évidemment, on les tranquillise à ce sujet. C'est alors qu'ils nous déclarent que trois hommes ayant échappé au massacre sont répartis en différentes îles et que, de ce fait, il est difficile de les retrouver mais, cependant, ils ont aperçu l'un d'eux sur l'île que nous avons eu l'idée d'approcher. Enfin, ils nous proposent leurs services pour libérer nos compagnons, renouvelant leur condition que nous ne les débarquerons pas sur l'une de ces îles mais sur la "Grande-Terre" de Nouvelle-Calédonie.






SI VOUS VOULEZ LIRE L'ENSEMBLE DE CETTE HISTOIRE, INÉDITE, ALLEZ DANS :



http://odyssee-de-l-alcmene-michel-savatier.blogspot.fr/






vendredi 28 novembre 2014

C'EST LA VIE









C’EST LA VIE …
(à François et Louise Castaigne)







On vous a mis dans une cabine
Le siège est confortable
Qui a refermé la portière ?
Doucement …

*

Une voix suave a susurré sur un ton monocorde :
«- Attachez votre ceinture
Vous pouvez saisir le volant
Mais ce n’est pas indispensable
Nous nous occupons de tout
Et nous dirigeons la cabine
Vos manœuvres personnelles sont inutiles »

*
Quand la portière a été fermée
Qui l’avait poussée ?
De petites lumières ont clignoté
Sur le tableau de bord
Des rouges, des vertes et des blanches
Elles devaient se parler entre elles
Sur des rythmes incompréhensibles

*

Dans la cabine la lumière était très pâle
Surnaturelle
Légèrement bleue
J’ai essayé de faire tourner le volant
Il tournait dans le vide
Au plancher les pédales étaient inactives
Une petite musique se faisait entendre

*

Puis la voix a de nouveau sussuré :
-« Ne vous inquiétez pas : Nous nous occupons de tout
Dans l’accoudoir de droite vous trouverez des boissons
Dans les accoudoirs de gauche de quoi vous restaurer
Quand vous aurez faim 
C’est réfrigéré … »











J’ai senti que la cabine glissait
Elle devait glisser dans un tube
Je pense 
Un tube transparent
Car je voyais à ma droite et à ma gauche
D’autres cabines identiques
Qui avançaient elles-aussi
Silencieusement
J’entendais maintenant une musique de jazz
En sourdine
Et c’était très beau
Très reposant
Les tubes voisins devaient s’être séparés maintenant
Il n’y avait plus personne
Ni à droite
Ni à gauche
Chacun avait pris sa propre direction

  *


Devant
Pas très loin
Mais suffisamment loin pour que je ne puisse pas  l’identifier
Quelque chose glissait aussi
Sans un bruit
Même pas un seul chuintement
Glissait exactement à la même vitesse que ma cabine
Maintenant les distances très exactement
Quelque chose,
Quoi ?
Trop loin
Et mal éclairé
Mais entouré d’un halo tout de même
Je glissais derrière ça










Les parois de mon tube n’étaient plus transparentes du tout
Mais le tube était éclairé par un halo lénifiant
La trompette se tût
Le piano seul jouait
Il jouait doucement
Je crois que c’était un mouvement
De la Symphonie Fantastique
J’appuyai sur les pédales
Mais pas de freinage
Pas d’accélération non plus
Pas de débrayage
Je commençais à m’inquiéter
Pourquoi m’avait-on mis dans cette cabine
Sur ce fauteuil ?
Où est-ce que j’allais ?
Qu’est-ce que j’allais y faire ?
Que me voulait-on ?


*

Sur les murs gris
Étaient alignés des masques
Des masques de porcelaine blanche
Peints de sourcils noirs et de bouches rouges
Des masques qui me semblaient tous identiques
Impassibles
Hermétiques
Qu’est-ce que cela voulait bien dire ?
Des masques
Des masques
Des masques
Certains la bouche ouverte
D’autres bouche fermée
Il me semblait qu’ils avaient tous les yeux clos
Des centaines
Des milliers de masques
Avec des bouchons dans les oreilles
Le piano poursuivait sa mélodie
Suave maintenant



























J’eus quelques soubresauts
Quelques tressaillements
Quelques sursauts
Alors la voix reprit en susurrant
Venue de je ne sais où

*
- « Détendez-vous, dit-elle
 Vous êtes bientôt arrivé »
Les masques ricanaient

jeudi 27 novembre 2014

EXPOSITIONS

 
Concomittences ...














Jaz - Mon arbre - Aux Bernardins

Dans la vieille ville du Cannet, juste à côté de l'église Ste. Catherine, la municipalité a transformé une ancienne chapelle des Bernardins en salle d'expositions. Pour le moment elle est affectée à l'Association Com2Art qui ouvre le 2 du mois de décembre une exposition remarquable d'Art contemporain.

Ci-dessus : "Mon arbre" , de Josyane Allibert-Zambetti, qui signe (Elle ne pouvait faire moins ... Jaz !)




En même temps, le Musée Bonnard ouvre sa nouvelle exposition et la présente ... Sous le signe de l'arbre !

















Influence ... ? 
- En tout cas, concomittence !

Notons l'évolution de l'Art de "Jaz": Touches rapides, lumière, légèreté, joie !









L'affiche diffusée par l'association Com2Art nous annonce des "petits formats" ... Les fêtes de Noël approchent ... Il faut courir à la chapelle des Bernardins et ... Dans la même foulée ... Courir au Musée Pierre Bonnard ... Ce dernier est facile à trouver : 
             Il se trouve à côté de la Mairie du Cannet ! Pour ce qui est de la chapelle des Bernardins, il vous faudra sans doute vous renseigner : La signalétique est déficiente, nous ne cessons de le dire ! Nous suggérons un tableau des principaux sites et événements culturels qui pourrait être placé près de l'Office du Tourisme. Ce tableau pourrait être complété par un flêchage.











Le prospectus de présentation de l'exposition au Musée Pierre Bonnard.








"Le sous-bois" : Josyane Allibert-Zambetti. (Aux Bernardins)



















Pescott : Lumière d'Automne. ( Aux Bernardins)












                                 Jaz : L'incendie. (Aux Bernardins)






















Pontieri Doris : Poppys 3 - Aux Bernardins







                                         Jaz : Dream - Aux Bernardins







                                Anne- Karine Derenne - Aux Bernardins.










Et .... Nous retournerons au Musée Pierre Bonnard ... Mon Dieu, mon Dieu que de belles choses à voir !

mercredi 26 novembre 2014

NAUFRAGE DES "SIX SOEURS" OCÉAN INDIEN


LES NAUFRAGÉS DES SIX SOEURS ....


























_" Vers midi, une nouvelle observation nous situa par 2°59 de latitude sud. La même ration que la veille fut distribuée. Au milieu du jour, le temps s'était mis au beau, mais, malheureusement, les vents s'étaient mis à nous pousser vers le sud ... Avec des vents pareils ... ( Et il était à craindre qu'ils ne perdurent) ... Nous n'avions plus aucune chance d'atteindre les Seychelles. Tout le monde se repentit alors de ne pas avoir suivi mes conseils lorsque j'avais proposé de mettre le cap sur les Maldives ... La côte d'Afrique, elle, se trouvait à une telle distance que l'idée de l'atteindre ne nous vint même pas à l'esprit ... Je fis maintenir le cap à l'ouest. 

_" A huit heures du soir, il tomba un grain. Nous abattîmes les voiles, les détachâmes de leurs vergues, puis nous les étendîmes sur le pont pour recevoir la pluie ... Ce que nous avions recueilli représentait à peu près la valeur de quatre bouteilles. Nous versâmes précautionneusement cette eau dans le pot. 




_" Quant à nous, Monsieur ... C'était vraiment une grande pitié que de nous voir aspirer de tous nos pores cette humidité, ouvrir la bouche pour y recevoir quelques gouttes, et lécher nos vêtements avec avidité ... Ah ! Notre sort était bien affreux et notre soif était bien grande !

_" Le cinq août, à cinq heures du matin, le vent cessa de souffler, aussitôt, nous couchâmes les mâts que nous avions remis en place la veille au soir. Nous nous mîmes aux avirons, mettant le cap au sud pour monter en latitude. Je fus parmi les premiers à prendre les avirons, avec le Second et quelques passagers. Ensuite, à tour de rôle, chacun se mit à ramer de bonne grâce. Un passager, un seul, refusa de ramer, prétendant ne pas savoir s'y prendre parce qu'il ne l'avait jamais fait ... Je lui demandai de se placer auprès d'un rameur et, au moins, d'essayer de l'aider ... Il refusa de nouveau ... Je lui dis résolument que, puisqu'il ne voulait pas nous aider, il nous était impossible de garder parmi nous une personne aussi inutile qu'embarrassante ... Je le menaçai de le faire jeter à l'eau ... A l'instant, il saisit un aviron, et s'en débrouilla aussi bien que les autres !



























_" Notre observation de midi nous donnait une augmentation de quatre milles en latitude. Monsieur Lesage procéda à la distribution d'eau ... Chacun en reçut un boujaron. On tua deux moutons, dont le sang fut recueilli dans un pot que vidèrent avec avidité plusieurs personnes. La chair fut partagée de façon équitable. On la mangea crue.





-"Malgré ces périls et malgré ces angoisses, l'amour parvenait encore à trouver sa place. Mademoiselle Palmas était très attachée à Monsieur Moreau, notre Second ... Nul ne l'ignorait. Bien qu'elle fût elle-même très affaiblie par la faim, je la vis obliger celui-ci à accepter la moitié de sa ration d'eau et la moitié du pain qu'elle avait reçu.







_" Monsieur Moreau repoussa cette offre, mais je crus cependant devoir intervenir dans ces délicats débats en déclarant que quiconque recevait une ration était tenu de la consommer ou de la restituer à Monsieur Lesage afin d'augmenter la part commune.

_" Nous recevions parfois du ciel quelques secours inespérés ... Des poissons-volants, poursuivis par des bancs de bonites ou des dorades fendant l'air et, heurtant nos voiles, retombaient dans le bateau ... Ils devenaient, de droit, la propriété de celui qui s'en saisissait le premier. Ce soir-là, c'est moi qui fus favorisé : Un fou s'était imprudemment posé sur l'espar qui nous servait de gouvernail _ Je réussis à l'attraper _ J'en bus le sang et je partageai la chair avec le Maître d'équipage.




























_" Le six, le temps était beau et nous avions gagné 38 minutes en latitude depuis la veille. Monsieur Lesage nous distribue notre ration d'eau et notre part du troisième mouton, que nous avions tué et qui fut mangé cru comme les deux premiers. Le manque de sommeil nous faisait cruellement souffrir. Après beaucoup d'essais et avec beaucoup d'efforts, nous avons fini par trouver une solution ... Tout le creux du bateau était occupé par les marins et les passagers, le tillac l'était par les femmes et les enfants ... Sur les trois bancs de l'arrière nous étions installés : trois des passagers, le Second, le maître d'équipage qui tenait la barre et moi-même. Les jambes repliées, le dos sans appui, nous étions obligés, pour soulager l'inconfort de notre posture, d'appuyer notre tête tantôt sur les genoux du voisin, pendant qu'il posait la sienne sur notre dos, tantôt de nous étreindre à bras-le-corps comme lorsqu'on s'embrasse et de placer notre tête sur l'épaule l'un de l'autre. Pitoyable repos, continuellement troublé, interrompu sans cesse, à chaque secousse infligée par les vagues à notre bateau ! Aussi nous faisions d'affreux cauchemars ... Tant d'affreux cauchemars que l'insomnie nous paraissait encore préférable au sommeil !

_" Le sept le temps était toujours beau. Les vents étaient toujours favorables. En frottant deux morceaux de bois l'un contre l'autre, nous réussîmes à faire du feu ... C'était un événement considérable ! Nous apportâmes tous nos soins à la conservation du feu.










_" Il fut placé dans la seule marmite que nous possédions. Nous l'alimentions avec le bois que nous arrachions aux caissons de la chaloupe. Nos deux petits cochons furent immédiatement saignés et débités en tranches. On les fit cuire en les appliquant sur les parois extérieures de la marmite. 


























CETTE HISTOIRE A ÉTÉ RECUEILLIE AUX ARCHIVES NATIONALES DES SEYCHELLES?
ELLE A ÉTÉ ÉCRITE PAR LE CAPITAINE HODOUL.


POUR LIRE L'HISTOIRE TOUT ENTIÈRE, ENTREZ DANS :

           http://marine-a-voiles-m-savatier.blogspot.fr/

mardi 25 novembre 2014

LES SIX SOEURS





























_" Nous nous comptons ... Nous sommes encore trente huit. Ce chiffre est énorme, si l'on considère que notre embarcation ne mesure que vingt huit pieds de long sur cinq de large et n'a que vingt six pouces de creux ! Elle est tellement chargée qu'elle n'émerge pas de plus de cinq pouces !


_" Nous avions cent quatre vingt lieues à parcourir comme cela pour espérer atteindre la terre la plus proche, l'île Frégate, l'une des Seychelles ... Il faut considérer, de plus, que dans ces parages les brises sont souvent très fortes, la mer très grosse. A ceux qui, comme moi, savaient ce qu'est la mousson, il restait très peu d'espoir ... Par ailleurs, il était évident que le peu de vivres et la petite quantité d'eau récupérés ne pouvait suffire aux besoins de tant de monde pendant tout le temps qu'exigeait le trajet que nous avions à faire...

_" D'une part, le risque de couler ... D'autre part, la crainte de mourir de faim ou de soif ... Aucune autre perspective ne s'offrait à nous. 






























_" Tout ce que nous possédions se résumait à fort peu de choses : Une bouilloire pour l'eau chaude, une marmite de bouillon, récupérée dans la cuisine, un pot de terre contenant la valeur de quelques bouteilles d'eau et dans lequel on vida le bouillon, trois agneaux, deux tortues géantes, deux petits pourceaux, six régimes de bananes. C'était tout. La fumée avait été si épaisse que tous ceux qui avaient essayé d'entrer dans la cabine ou dans la soute aux vivres avaient été immédiatement suffoqués ... Monsieur Lesage fut choisi comme responsable de nos faibles provisions. C'était lui qui en ferait une répartition équitable. Chacun promit de ne pas demander à boire avant la fin du quatrième jour et nous fîmes promettre à Monsieur Lesage qu'il refuserait l'eau, impitoyablement, à ceux qui auraient la faiblesse de lui en demander avant le moment convenu ...










_" Pour équiper notre chaloupe, nous avions sept avirons, un prélart, une voile et plusieurs bouts, un compas de route, le sextant du Second et le nécessaire pour mesurer le temps qui s'écoulait. Deux avirons en croix et la voile nous tinrent lieu de misaine. Je taillai le prélart et en fis une grand-voile. Ayant coupé les extrémités des plus petits avirons, je fis un capelage pour installer les haubans et les étais du grand mât ... Pendant ce temps-là, une place au fond de l'embarcation fut assignée à chacun. Sur chaque banc fut placé un homme de confiance à qui fut donnée la consigne de frapper sans merci celui qui aurait l'air de vouloir bouger de sa place !










_" Nous n'avions pas encore choisi notre cap. Lorsqu'on en fut là, j'insistai pour que l'on se dirigeât vers les Maldives : Nous pouvions y aller en courant toujours grand-largue. Nous profiterions d'abord des vents du sud-est, qui règnent au sud de l'équateur, puis de ceux du sud-ouest, qui soufflent au nord de celui-ci. Je pense toujours que c'était là le meilleur choix. Ile ne prévalut pas : C'est une route vers les Seychelles qui me fut imposée. Je n'insistai pas, parce que, de toute façon, j'étais intimement persuadé que nous étions tous destinés à la mort ... À moins d'un miracle ... Dans cet état d'esprit, je considérais qu'il n'était point utile de rendre notre situation pire encore, en provoquant des disputes inutiles ...












_"Le temps était couvert ... La brise était faible, soufflant du sud-sud-est. Barrant avec deux avirons, nous maintenions le cap au sud-ouest. Nous avancions à peu près d'un mille à l'heure. Il était dix heures du matin. Notre navire en flammes avait dérivé vers le nord depuis que nous l'avions quitté ... Nous avions vu successivement tomber ses trois mâts. Il ne nous apparaissait plus qu'à travers un épais nuage de fumée sortant de sa coque en feu. En tombant, chaque mât avait déclenché une explosion, faisant jaillir des morceaux de bois comme autant de langues de feu déchirant le nuage ... Mes yeux, bien malgré moi, ne pouvaient se détacher de ce spectacle. Ah ! Monsieur ! Qu'elles étaient tristes, les pensées qui m'assaillaient ! Par combien de sophismes, imaginant quelque miraculeux sauvetage, n'ai-je pas lutté contre la certitude de notre perte !