dimanche 11 décembre 2016

BORDEAUX ...



                 
                                       BORDEAUX … 
                                                             un dimanche de 1989


































 Quelle est donc cette ville vide
Ville de notaires
Ville à vendre
Pas de portes
Et l'église des Carmes déchaux
Par appartements

Ville qui tourne le dos
Se ferme entre ses murs
Se clôt derrière ses mots
On la dit née du fleuve
On n'y peut jamais tremper la main dans l'eau









Mémoire du lotus
Parti à la dérive
Îles en escale
Au bout du cours du Chapeau Rouge
Place de la Comédie
Images en miroir
Îles de mémoire






Il est interdit de marcher sur les pelouses
Sous peine de poursuites
Ah ! Je veux qu'on me poursuive
Autour des magnolias ...

                                                   *

 


                       C'est fou, ce que l'on peut mettre dans mon verre, vous savez, un beau verre de l'INAO (Institut National des Appellations d'Origine ... ) ! ... C'est un verre à pied, un verre élancé, tulipé. C'est un verre qui se gonfle et puis dont les bords se resserrent, pour conserver au vin tout son arôme et tout son bouquet ... Ah ! mais ! ... C'est que ce n'est pas la même chose, l'arôme et le bouquet ! Le premier est dû au cépage et le second se développe au cours du vieillissement. Si vous ne parvenez pas à distinguer toute la subtilité des différences, plongez le nez dans votre verre et humez ...



                



Mais avant de humer ainsi, et si vous ne voulez point déchoir dans l'estime des connaisseurs, vous devez saisir le verre par le pied, le lever à hauteur de vos yeux, à contre-jour, apprécier la robe du vin : Rouge sombre, rouge-rubis, grenat, grenat brillant, grenat-pourpre, grenat-violet, grenat-sombre, noir, grenat-noir, robe flamboyante à reflets violets ... C'est fou ce que les vins de Bordeaux peuvent apporter comme nuances aux galbes de mon verre : En se vidant, la bouteille le remplit de fleurs ou de gemmes en fusion.






               
        Après avoir admiré, vous pouvez sans crainte prendre l'air d'un connaisseur. Mais à ce moment précis, les choses se compliquent : L'instant est venu d'apprécier le nez ... C'est le vin, au bout du compte, qui a un nez, ce n'est pas vous ! Il vous faut saisir le verre par le pied, entre deux doigts. On pourra vous expliquer que, si le verre a un pied, c'est pour vous éviter de transmettre au vin, par l'intermédiaire des flancs du verre, la température de votre paume. Car il vous faut déguster chaque vin à une température spécifiquement adaptée. Il y a des thermomètres pour cela; on en vend dans les caves bien fréquentées. Bon, tenant votre verre entre deux doigts, par le pied, vous devez le faire tourner, pour imprimer à la liqueur une rotation qui va créer en son coeur un tourbillon, un Maëlstrom en réduction. Cela s'appelle aérer le vin.C'est indispensable pour lui permettre de développer ses arômes et son bouquet. Attention, regardez bien comment s'y prennent vos voisins avant de faire tourner votre propre verre : Le petit Maëlstrom se creuse aisément et il arrive qu'un tsunami en réduction se crée, vous arrosant les pieds ou le gilet ... Ou bien, tout à la fois, les pieds et le gilet de votre voisin ! Vous avez réussi ? - Parfait ! Conservez un air parfaitement dégagé et humez ...
 
                   Nez de fruits rouges ou de fruits noirs, de cerises, de cerises confites, de griotttes, de cassis, de fraises ou de framboises, de myrtilles, de gelée de mûres, de pruneaux, nez de prunes rouges, de fruits compotés, nez de rose rouge, d'épices douces, de pain d'épices, nez de grillé, nez de cuir (oui, de cuir, et Jean de Lavarende n'y est pour rien là-dedans; n'en faisons pas un oenologue averti ! ), nez boisé, nez cacao, nez café, nez de vanille, nez de poivre, nez de poivron, nez de violette, de pivoine, de thym grillé avec des notes de truffe et de muscade, beau nez réglissé, nez assez frais, explosif aux arômes délicats, nez de fumée de bois ... Et si tout cela vous laisse pantois, ne perdez pas votre air assurément compétent, dites : " Ce vin a un caractère très expressif ! ", cela n'engage à rien.

 
                    Au goût ... Mais encore faut-il savoir s'emplir la bouche, faire passer le vin sur et sous la langue, lui faire baigner la luette et la gorge, le mâcher puis, éventuellement, le cracher dans le bac à sable ... Regardez comment font les autres ! Au goût, il faut apprécier d'abord la constitution générale du vin : La finesse, le corps ... Le vin est corsé, charnu, charpenté, plein, équilibré, élégant, racé ... Ensuite, on doit juger la douceur : Le vin est souple, moelleux, rond, coulant, velouté, soyeux, tendre, gras ... Enfin il reste à évaluer la "vinosité" : Le vin est nerveux, capiteux, chaud, généreux, puissant ... Autrefois j'entendais dire que le vin avait " de la cuisse "... Ah! Ces vins qui avaient " de la cuisse" ! Mais aujourd'hui, je crois que les vins n'ont plus de " cuisse ", et je trouve que c'est bien dommage ! ... Il y a bien encore un vin qui se dénomme " Cuisse de Nymphe "... Mais ce n'est pas un grand vin paraît-il, et puis je crois que c'est un rosé !

 
                         
De nos jours, on verse dans mon verre INAO tant de couleurs, tant de gemmes, tant de fruits, tant d’épices ... J'y trouve tant de gras, tant de tannins, l'attaque est si friande, la bouche est si serrée, si racée, la finale si longue est si fruitée ! ... Il n'empêche, je regrette la " cuisse " !



                  ... Tout cela à propos des grands Bordeaux ... Mais une piquette bien fraîche, bue à la régalade sous le jet d'une gourde en peau de chèvre ! Cela aussi vous a un goût de petit bonheur !


                                    



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