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VOYAGES
Longs quais des gares, quelque part, en France ou ailleurs …
Sifflets, nuées, vapeur, fumées, chuintements, soubresauts cadencés, sifflets
encore, longues expirations … Verrières, passages souterrains, univers d’acier
… Et le cheminot qui frappe les roues des wagons, l’une après l’autre, avec sa
massette. Casquettes, vestes galonnées … Manches à eau pour remplir les
chaudières, signaux, feux rouges et verts, leviers des aiguillages, pylônes et
câbles, ponts et passerelles …
« Messieurs les
voyageurs … »
Et puis les quais, toujours, avec quelques mauvaises herbes qui
poussent entre les pavés, là-bas, tout au bout. Des pigeons picorent sur la
seconde voie, celle qui sert pour les trains de marchandises : Des wagons
contenant des céréales ont dû passer …
Le train, le voilà ! La locomotive est apparue au sortit du
virage, noire, luisante, monstre apprivoisé. Le train arrive :
« Messieurs les voyageurs sont priés de rester en deçà de la ligne de
sécurité ». – Attendre que les portes s’ouvrent, attendre la descente des
arrivants et, tant bien que mal, hisser sa valise en haut des marches .
C’est assez malaisé !
Puis les trains ont changé : Motrice diesel, motrice
diesel-électrique et, bientôt, motrice
électrique, tout simplement : Plus de vapeur, plus d’odeurs, beaucoup
moins de bruit, des wagons brillants profilés comme carlingues d’avions. Bientôt,
ce sont les trains à grande vitesse : Ils ressemblent assez à des navettes
spatiales !
Quais des ports : odeurs d’huiles et de graisses, odeur
d’épices et de savon de Marseille, odeurs d’outre-mer. Les cheminées fument
doucement. Ce n’est que lorsque le bateau largue ses amarres que les cheminées
s’empanachent. Des grues, des palans, des voies ferrées, des docks, des
hangars, des hommes qui s’activent, portent des charges … Des sifflets, des
bruits de tôles, des remorqueurs têtus, des bites d’amarrage, des filins, des
cordages, des marins qui se penchent aux bastingages. – « Avez-vous vu,
sur la dunette, le capitaine et son équipe ! ».
Mais les ports ne sont plus dans les villes : On les a
repoussés au-delà. Les dockers ne portent plus les charges. Les engins sont
partout, courant, arpentant les quais : élévateurs, grues titanesques,
monte-charges, insectes affairés …. Les voyageurs partant en croisière arrivent dans de superbes gares maritimes,
sont accueillis par des ondines au sourire avenant, conduits jusqu’aux
passerelles par des bus rutilants et confortables. Il n’y a plus de fumées …
Rien que celles des cuisines qui se diluent dès la sortie de la cheminée. Le
bateau est haut comme un immeuble de vingt étages et plus. Généralement il est
tout blanc. Il est équipé de plusieurs piscines, de luxueux salons et de
multiples attraits. On ne compte plus les bars et les salles de jeux …
Un peu plus loin, au bord d’un autre quai, un cargo se prépare à
partir. Mais on ne parle plus de cargo : On dit un porte-containers :
Son pont est surmonté d’un empilement étourdissant de « containers »
d’acier … On se demande comment un tel bateau peut bien flotter, comment il
peut ne pas basculer … comment le chargement peut bien ne pas partir à la mer.
Les aéroports … Les aéroports, au fond, sont à peu près tous les
mêmes, qu’ils se trouvent en Europe, en Asie ou en Océanie , en Afrique …
Larges baies vitrées, portails coulissants silencieux, boutiques de souvenirs,
boutiques de produits de luxe, écrans lumineux sur lesquels s’affichent les
horaires des départs et des arrivées … Ne pas les quitter des yeux ! …
Salles dans lesquelles tournent en silence des valises grandes et petites,
étiquetées, comptoirs auprès desquels des files s’allongent, haut-parleurs diffusant
des voix sucrées … Néons, escalators, ascenseurs, tapis-roulants, navettes
glissant derrière des parois vitrées, sans bruit, portiques de détection,
uniformes et pas pressés, vestales hiératiques traînant de petits bagages
roulants, légers … Jupes strictes de déesses, talons hauts, bibis crânement
portés, bas bien tirés …Pantalons bleu marine des équipages masculins,
casquettes, galons dorés sur les manches
et sur les vestes d’uniformes … Beaucoup de galons dorés … Chaises des
terrasses où l’on patiente en buvant son café, tables des restaurants …
Ectoplasmes humanoïdes poussant des chariots porte-bagages, patrouilles de
militaires en armes, l’œil aux aguets, le doigt sur la détente … Chuintements
doux, odeurs suaves … Des avions qui semblent des monstres un peu inquiétants
roulent sur le tarmac, tournent, puis s’arrêtent. Des portes s’ouvrent après le déploiement des
passerelles : tubes tentaculaires aux parois en accordéon. Les arrivants
passent directement dans les couloirs très, très longs, qui débouchent dans les
halls immenses … D’autres avions prennent la piste lentement, presque
gauchement, puis ils accélèrent et se cabrent : Ils sont partis … On n’a
rien entendu ou presque rien. Aciers inoxydables, laques, chromes, nickels,
verre … Une machine pilotée par un homme à gilet de couleur nettoie le sol et
passe adroitement entre les meubles, entre les gens …
- « Par souci de
sécurité, vous êtes priés de garder vos bagages et vos colis près de vous. Tout
paquet abandonné sera saisi et détruit ».
« Ils
sont enfin arrivés ! » – Oui, mais il reste une trentaine de
kilomètres à parcourir pour atteindre la ville : Soit en autobus, soit en
taxi … Soit par le train.
- « Vous êtes priés de vous présenter
devant les portails 5 et 6 ». Patience, patience … Vous finirez bien par
arriver !
-
« Allons Toto … Donne-moi la main et suis-moi ! »
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