NOCES À SAINT-VALLIER
- « Je ne sais pas très bien
- « Qu’est-ce que tu nous racontes ? …
Il te suffit de
décider … »
Il y a de la myrte et du romarin, des phlox,
des colchiques et des asphodèles, de l’origan
que l’on nomme aussi marjolaine …
Il y a de la menthe et du basilic, de la
verveine et du serpolet, de la sauge et de
l’estragon. Il y a des canneliers, des
eucalyptus et des
lauriers : Lauriers-sauce,
lauriers-tin, lauriers-cerises et laurier-roses…
« Il
ne peut y avoir tout cela, dis-tu ? …
-
Si, puisque je le décide : Il
suffit de
-
-
décider » …
Montagnettes, collines en amphithéâtre …
L’une des collines écorchée … Pourquoi
celle-là ?
- Pelée par
le vent – Cailloux et terre rouge.
Les autres douces, rondes, revêtues de
garrigue. Toits d’un village, tassés au détour
du chemin.
Je
sais que, vers le Sud, il y a la
Méditerranée …
Le bleu du ciel s’en échappe sans doute …
Il aura débordé les pentes.
Près du village, une mer de lavandins
violets. Je sais qu’au-delà, maintenus à
distance, il y a des platanes, mais des
girofliers aussi, des mahoganis …
(Que pensez-vous de ce nom-là ?).
Il y a aussi des magnolias, flamboyants,
tulipiers,
micocouliers et arbres de Judée !
- « C’est un tableau du Douanier
Rousseau ! »
-
« Cela est ! »
Un petit nuage rond, gros comme une fleur
de cotonnier … Il sert de lustre. Il réfléchit
la lumière du soleil. Le soleil, lui, il a
déjà roulé de l’autre côté des sommets.
Lumière douce, très douce et claire.
Odeurs et parfums.
Les âmes sont légères.
Une perdrix rappelle …
C’est ainsi … Je le veux …
Appelez la
bartavelle si vous le désirez.
Arrivent les mariés.
Ils flottent au-dessus des lavandins,
mariés de Peynet, portés par les airs,
se tenant par la main. Elle tient un
bouquet. Lui une rose.
Le bonheur forme traîne et les accompagne.
Les violons sont là, au nombre de trois, venus
d’un pays très lointain, si l’on en juge par
leurs gilets chamarrés.
Ils glissent par-dessus les mimosas.
Une musique chante, elle-aussi venue
d’ailleurs, d’autres espaces et d’autres
temps de mémoire.
Le nuage-lustre illumine la chapelle des
bergers, minuscule., blanche, entourée de
pâquerettes et de bluets.
Je choisis de faire grimper une clématite
au-dessus du porche. À côté, il y a un cyprès.
La noce est entrée. On s’est assis sur des
bancs de bois. La porte est ouverte à deux
battants.
Un pinceau touche les voilettes, capelines,
Echarpes et foulards. Parfois il pose ses
couleurs un peu à côté : Elles se
prennent alors à exister pour
elles-mêmes, indépendamment des formes.
C’est pourquoi on les perçoit un peu décalées.
Voix profonde, grave, chantant l’Ave Maria
…
D’où venue cette voix ? … Elle déroule des
idées, des images, de larges fleuves et de
longues plaines … On y perçoit tout
aussi bien des prières que
des larmes,
aussi bien des flammes que des regrets …
des espoirs aussi.
Mireille et Philippe se sont choisis devant
Dieu et devant les hommes, j’en témoigne.
Ils se sont posés un instant devant l’autel,
le temps d’échanger leurs promesses et leurs
anneaux.
Mères attendries, pères gauches un peu …
Couple nimbé de lumière. Flamme d’un
grand cierge. Nouvelle lévitation …
Les mariés flottent dans l’allée centrale, à
hauteur des têtes.
Instant palpable, et tiède … L’aïeule essuie
une larme. Le voile s’accroche à la clématite,
un peu.
Le couple débouche en pleine lumière : Photo!
Sonne la cloche. Les violons s’envolent à
nouveau.
S’envolent les écharpes, les chapeaux, les
cravates et les pochettes, en mouvante
guirlande.
S’envolent les couleurs … Bleus, rouges, verts,
violets, ors … Le champ des lavandins
lui-même s’étire, se déroule, flotte à
mi-pente. Alors arrivent les bruants,
les alouettes et les bouvreuils, roitelets,
rouge-gorge et gorge-bleue. Il y a
même, je le veux, le colibri-topaze,
l’oiseau-lyre, le sifilet,le couroucou …
Mais ceux-là arrivent juste au moment où
les mariés passent sur les toits du village ….
Le couroucou … Splendide, non ?
Mille ans de bonheur aux nouveaux mariés !