mardi 10 septembre 2019
LES CAP-HHORNIERS ....
LES CAP-HORNIERS
Tu ne sais pas si tu te réveilles, si tu t’endors, si tu es malade, si tu es en train de mourir ... Tu ignores où tu es. Tu n’as même pas la volonté nécessaire pour te demander où tu es. En fait, tu n’es pas. Un vague brouillard, seul, existe. Ce n’est même pas un brouillard, c’est un entrelacs de tourbillons, de fumées, de liquides, de torons, un écheveau, une pelote de sensations nauséeuses, d’odeurs de mort. On ne démêle pas un tel ensemble. On ne distingue pas entre les mouvements, les ombres, les bruits, les sensations, les écœurements, les odeurs, les frayeurs. De tous côtés, craquements, couinements, sifflements, claquements et une mélasse de voix incompréhensibles, qui gargouillent, qui s’étalent comme de l’huile sale. De temps à autre, une vrille perce les tympans. Douleur dans la nuque, sourde, lancinante. Est-ce bien moi qui râle ? Ouvrir les yeux ! J’ai déjà essayé. Je ne sais ce qui m’environne, mais sombre, cela tourne, tourne à grande vitesse autour de moi. Est-il bien vrai que je tombe, tombe, tombe ? Je n’arrête pas de tomber, tomber, jusqu’à vomir ! J’ai dans la bouche autant d’amertume que si j’avais dévoré hier au soir, toute crue, une morue séchée et salée. Série de cahots : Cabriolet, fiacre lancé au grand galop et les essieux qui cassent d’un seul coup, tous à la fois. Les chevaux se cabrent, hennissent, chambardement, chocs, bruits !
Bon Dieu ! Ce roulis, ce tangage, ce clapot, ces sifflements, ces couinements, ces voix !
Ouvrir les yeux ! Les ouvrir !
Cette ombre, cette odeur de coaltar, cette puanteur de mort ! Ce carré de lumière taillé dans le bois, au-dessus de moi. Ce plancher de bois sous mon dos ! Ce type, qui hurle à la manoeuvre ... Bon Dieu ! Fermer les yeux !
*
Soleil. Grand soleil du moid d’août. Les pieds dans la saumure, nus, qui brûlent. Les mains qui manient le râteau. Le torse nu mais la tiédeur de la ceinture de flanelle. Les pantalons coupés aux genoux. Les oiseaux, mouettes, goélands, alouettes et cormorans. Miroirs éblouissants des marais. Fleur de sel. Tas pointus, pyramides de sel. Cristaux du sel, dont les éclats brûlent les yeux. Poids du sel, que l’on charge à la pelle dans les paniers. Poids des jours. Brûlure des jours. Patience de l’âne qui porte les paniers, patience désespérée. La gabare charge le sel. le voilier attend. Il va partir dès qu’il sera chargé. Envie de départ ...
Et puis, le soir, avec la brûlure des reins, la brûlure du dos, la brûlure des mains, la brûlure des pieds, la brûlure de l’âme, la brûlure de la gorge. Cabaret. Alcool, alcool !Moiteur. Chaleur des hommes, chaleur des voix. Musique ...
-” Je paie encore un verre ! “
Qui parle ? Qui verse, encore et encore ?
-”Raconte, mon gars, raconte. Dis les jours entiers, dès le premier rayon du soleil, les pieds nus dans l’eau, dans la saumure,les mains dans le sel, le dos au soleil ! Dis les commandements du père, les reproches de la mère, les cals de tes deux mains, la sueur au creux de l’aisselle, la sueur au creux de l’aine. Dis les courbatures de tes reins. Dis la Jeannette qui t’a refusé la danse, samedi passé. Dis tes envies. Dis tes désirs ...
-”Allez, bois encore. Tu vas voir, cela va passer !”
À qui as-tu parlé ? Qui était-ce, celui dont la voix murmurait, égale ? Tu crois vraiment qu’il t’écoutait ? Sensation à nulle autre pareille, glisser, glisser, sans heurt, glisser. C’était comme dans tes rêves, comme dans tes rêves de gosse ... À droite, à gauche, il y a d’autres marsouins, semblables à celui qui t’emporte, les mêmes, absolument les mêmes ...
Dos bleus, ventres argentés. Ils chantent, ils rient, ils t’emportent. Nous allons vers le large ! Nous filons sans autre bruit qu’un léger clapot que viennent déchirer des éclats de rire ! Bon Dieu ! Je me suis fait avoir !
j’étais pourtant prévenu :
-”Prends garde : C’est dans le fond le plus sombre des cabarets qu’ls t’attendent. Ils te feront causer. Ils te feront boire. Ils t’endormiront de belles paroles. Ils te feront déverser ton mal de vivre. Tu ne sauras jamais exactement comment tu es arrivé là, mais tu te retrouveras avec une monstrueuse gueule de bois. Trop tard ! On t’a embarqué sur un navire. Il a hissé les voiles depuis des heures et des heures déjà. Tu te réveilles et tu te demandes où tu es. Trop tard ! Les recruteurs avaient besoin de compléter l’équipage ...
-” C’est ainsi que j’en ai pris pour des mois et des mois, des années et des années, moi qui n’avais jamais été marin, moi qui n’avais jamais été que saunier. C’est ainsi que j’ai commencé à compter les vagues, à compter les jours, à compter les nuits, à entendre compter les brasses, compter les nœuds, les milles ... à entendre compter les heures, là-haut sur la dunette, chaque fois que le matelot de quart retournait le sablier.
-” Hé, d’en haut !”
Le bosco m’a appris à grimper dans les vergues, à crocher dans la toile lourde pour ferler les voiles, lorsque le vent devient trop fort. Si tu veux ta portion de lard, ta gamelle de choux salés, si tu veux ton quart de vin rouge et, de temps à autre, après l’effort, ton boujaron de tafia !
-”À ferler le perroquet !”
J’ai ferlé le perroquet. Et mon matelot, celui qui partageait mon hamac, car nous faisions couchette chaude, toutes les huit heures, l’un appartenant à la bordée de tribord, l’autre à la bordée de babord ...Mon matelot est tombé, la nuit venue, de la vergue sur laquelle il était perché. Il pleuvait, la toile était lourde, si lourde ! Il mordait dans la toile, il y plantait ses ongle pour la tirer ... Un grand coup de vent, la toile qui enfle tout à coup, qui se remplit, qui claque ! On dirait un coup de canon ! Un cri, un hurlement, un cri qui monte, s’effile puis se tait. Lorsqu’il se tait, c’est encore pire. Le vent maintenant, et les vagues.
Et toi, tu ne peux pas lâcher ce que tu fais. Il te faut bien continuer : -”O hisse !” Tu tires sur l’écoute, parce qu’il faut bien continuer à tirer !
_” Un homme à la mer !”
Va donc ! tires sur l’écoute, avec ceux de ta bordée. Le navire a pris de la gîte sur babord. Il court sur une route toute droite, éclairée par la pleine lune. Va donc, ton matelot, il est péri en mer ! Qu’aurais-tu voulu que l’on fît, de nuit, en pleine mer, alors qu’on filait dix nœuds par vent arrière !
*
Le père court après la vache égarée dans le pré du voisin. La mère tire tire l’eau du puits et la chaîne grince, la poulie grince et le seau tinte sur la pierre. L’alouette monte droit sur son fil, à la verticale, et chante, chante ! Les chardons sont fleuris sur les bosses des marais, violets. Les hautes moutardes sauvages sont nimbées de jaune d’or. L’eau de mer entre lentement par le ruisson, se chauffe au soleil d’été. Méandre après méandre, l’eau devient plus chaude, plus dense, plus chargée de sel encore. Saumure sur les berges. Fleur de sel. Sel si blanc qu’il en devient rose. L’âne brait. Il attend, les quatre pieds jonts, résigné.
*
Tu ne demandes même plus que jour on est. Tu ne sais pas très bien où tu vas. Certains ont dit qu’on se dirigeait vers les îles, les îles, de l’autre côté de l’Amérique. Avant, on touchera à Rio, en Argentine. Tu ne connais rien de Rio, mais c’est peut-ête bien le Paradis ? Les autres te l’ont dit : Il y a des filles à la peau cuivrée, lisse, des filles et des bars. Des filles douces à ceux qui ont tant besoin d’amour ! A Rio, on trouvera des fruits de toutes sortes, du vin, de l’eau fraîche. Enfin, on se lavera ! La peau est sèche et tout à la fois poisseuse, crevassée, tendue, sale ! Tout pue sur un bateau. Dans le poste d’équipage, pour dormir, il faut avoir vidé son boujaron de tafia, autrement, tu vas rester à rêvasser, le hamac se balançant de gauche à droite, le navire enfournant tout à coup, se cabrant, faisant un tintamarre, une fanfare d’apocalypse ! Gueule de bois, les reins fourbus, plus de peau sur les doigts et tu as les gencives qui saignent, les dents qui se déchaussent. On te fait boire du jus de citron tiré d’un tonneau : C’est tout ce qu’on a pour se protéger du scorbut. Il y a des charançons dans les pois.
Le vent est bon. Le ciel est bleu. La mer estt calme. Tu crois au repos ? - Va donc, là encore !
-”À briquer le pont, la bordée de babord !”
Briquer le pont ! C’est en effet avec une brique que l’on frotte les planches, jusqu’à ce que les fibres du bois blanchissent, après, on passe le faubert, et puis on arrose à grande eau. Tu balances le seau par-dessus bord en te penchant au bastingage. Il faut attraper le coup. Ton seau doit se remplir au premier essai. Tu balances ton bout, le seau attaque la mer dans le courant de l’erre. Lorsque tu ne sais pas faire, les autres se foutent de toi. Tu remontes ton seau vide ou, si tu n’as pas pris garde suffisamment, la mer te l’arrache ...
Quinze sous retenus sur ta paie, à l’arrivée !
-” À grimper dans la hune !”
C’est à toi que le bosco s’adresse. Tu en as fait, des progrès, depuis le jour où tu t’es retrouvé à bord ! Tu grimpes comme un singe, par les échelles et par les haubans. La hune, le nid du corbeau ! Veille ! Gare aux brisants. Et crie, crie de toutes tes forces, crie de tous tes poumons, lorsque tu apercevras la terre.
-”Tu verras, c’est d’abord comme un léger nuage bleuté qui s’étirerait à l‘endroit où la mer rencontre le ciel. Attends un peu, parce qu’il arrive que l’on se trompe. On a tant espéré !
Lorsque tu verras onduler les collines, lorsque le bleu virera lentement au vert, alos tu pourras crier :
-”Terre ! Terre, droit devant !”
Et tout l’équipage va crier après toi, chacun de toute la force de ses poumons, officiers et matelots :
-”Terre ! Terre, droit devant !”
-” Hourra !” Et le Commandant fera distribuer la double.
*
Rio ! Rio de Janeiro ! Des hangars gris, des immeubles blancs, des arbres dont on ignore jusqu’au nom. D’autres hommes, qui grouillent sur les quais et s’activent, roulant des barriques, traînant des chariots, portant des paquets, charriant des sacs et des ballots. Des chevaux sont là, tirant des fardiers, des billes de bois. Des wagons roulent sur des voies d’acier. Nous sommes en plein été. Il fait chaud, très chaud !
Les fumées montent droites dans le ciel, l’air est tout vibrant de chaleur. Dans les mâts, les pavillons montent et descendent, l’un pour demander la douane, l’autre le service de santé. À grand bruit, la chaîne file dans l’écubier et l’ancre tombe dans l’eau sale. On mouille dans la rade. Nous n’aurons pas l’autorisation de descendre à terre : Un homme manque à l’appel, il suffit d’examiner le rôle d’équipage. Qui peut prouver qu’il n’est pas mort de la variole ou de la peste ? Quarantaine ! Quarante jours, quarante nuits ... Les autorités nous font mouiller dans l’avant-port. Quarante jours à crever de chaleur ! Quarante nuits à écouter tous les bruits !
-”Quelqu’un rit, par là-bas . Qui appelle ? Entends-tu ces hurlements ? Qui est-ce que l’on égorge ? Musique d’un cabaret sur le quai. Portes qui claquent. Voix ! Voix de femmes. Il y a à Rio des femmes à la peau dorée, lisse et douce. Un chien hurle à la mort. O ! Ces chiens qui traînent sur le port, efflanqués, galeux ... Écoute, c’est un coup de feu !
Le jour, les chalands approchent. Ils naviguent de travers, lourdement chargés.
-”À virer !”
On vire au palan, on charge des sacs, des tonneaux de farine, des tonneaux de lard, des tonneaux de vin, des espars pour remplacer ceux que les vents ont brisés. On hisse des paniers de fruits, que l’on vide dès qu’ils arrivent au niveau des bastingages. On les redescend après y avoir placé des pièces de monnaie.
Des pièces, nous en jetons aussi dans l’eau, par-dessus bord. Des pièces d’un sou, percées en leur centre. Les gamins qui traînent là dans des barcasses plongent. Ils les récupèrent avant qu’elles n’aient plongé dans les profondeurs. Nous applaudissons leurs exploits.
Un canot s’approche à l’aviron. Il y a huit rameurs. À l’avant se tient un officier de santé, tout vétu de blanc. Les marins chantent pour s’encourager à la nage. Le canot repart à la même allure, un quart d’heure plus tard. Les marins chantent encore, plus doucement. Enveloppé dans un sac de toile, ils emportent le corps d’un gabier de misaine, mort dans une rixe la veille au soir, une lame plantée dans le cœur. Jamais on ne saura qui a porté le coup.
-”Ah ! Que cesse l’escale !”
Dormir, briquer le pont, vérifier les voiles, recoudre ... L’aiguille et la paumelle pour réparer la toile. On n’a plus d’ampoules aux mains, même pas de plaies : Les cals forment croûte ! Cet air empuanti dans les cales ! Ces cris, ces disputes, ces bagarres ! Ces désirs et ces envies que l’on ne peut satisfaire ! Soif ! Pourtant, on a de l’eau fraîche , des fruits, de la viande.
Trois d’entre nous se sont laissés glisser le long de la chaîne. Ils ont gagné le quai à la nage. Les policiers les guettaient. On ne les a pas revus !
*
Tu sais, le soir, quand il fait beau, on sort de la maison. On a le ventre garni de soupe. On a bu le vin de ses vignes. On s’est lavé à la pompe, le torse nu, à grande eau ...On marche sur le chemin. On gagne les prés, juste en bordure du marais. La forêt de pins, toute proche, s’étire. Elle mêle à l’odeur d’iode du marais l’odeur de térébenthine de son bois.
Les oiseaux pépient quelque part, non loin. La vase des marais, cela ne sent pas mauvais, cela ne fermente pas. C’est gris, et c’est argenté. Les vannes sont fermées. Tout semble dormir. En fait, rien ne dort. L’eau chauffe, retenue dans les rectangles de ce quadrillage dessiné par les diguettes, sans cesse relevées par des générations et des générations de sauniers.On ne s’en rend pas compte, mais les eaux, d’un bassin à l’autre, deviennent plus denses, plus épaisses, changent de couleur et, finalement, le sel flotte à la surface. Il fait croûte.
Deux courlis passent en sifflant longuement, sur deux tons. L’éclusier tourne la manivelle d’une crémaillère qui grince. L’étoile du Berger s’allume, toujours la première. On entend s’entrechoquer les harnais d’un cheval qui rentre à son écurie... Entends-tu au loin, la cloche de l’église ? La nature tout entière n’est qu’attente et prière.
*
Nous attendons le vent. Nous n’attendons plus que le vent. Quitter enfin la torpeur de cette rade ! Le vent devrait être là déjà. Nos voiles s’empliront et nous descendrons le long des côtes argentines, jusqu’au Cap des Onze Mille Vierges et, si nous ne pouvons embouquer le canal de Magellan, nous irons passer le Horn dans les vents hurlants. Les vagues du Horn ! Montagnes de rage et d’écume ! La marmite du Diable bouillonnant ! Les anciens disent les grands albatros à l’oeil mauvais, suivant le navire au ras des flots. Ils disent la peur, l’épuisement, la douleur, le mal aux tripes, la gorge qui se serre, les crampes dans les bras et dans les jambes, le froid, l’angoisse qui redouble lorsqu’il faut grimper dans la mâture. Le vaisseau se couche sur le flanc, les vagues montent plus haut que la corne du grand mât. Ne pas regarder en bas ! Ne jamais regarder en bas, si tu ne veux pas te laisser prendre par le vertige ! Tu sais, dans une saute de vent, le navire se cabre, s’ébroue. On dirait qu’il va se briser. Il saute. Et puis il plonge ! Il plonge dans des creux de plus de dix mètres !
En finira-t-il, de plonger ? Plongera-t-on jusqu’au centre de la terre ? Jusqu’en Enfer ? Et toi, il faut que tu prennes pied sur la vergue, que tu te cramponnes comme tu le peux dans les filières ...
-” À carguer nom de Dieu ! À carguer les huniers,
Grouille ! “
Et tu te bats. Tu te bats avec le Diable. Pourvu que les jurons du Maître d’équipage n’aillent pas nous porter la poisse ! Tu te bats avc les poings, avec les doigts, les ongles et les dents.
-” Croche “ ! La poitrine appuyée sur la filière tendue, saisis la toile. Elle bat, elle glisse, elle s’arrache, elle claque. Cent mille Diables sont dedans. Croche et ramène à toi. Amarre ! Eh ! Mon Dieu, ce navire qui se dresse, ce mât qui s’agite... Tu montes, tu montes ! La vague monte aussi. Montera-t-elle jusqu’à toi ? Oui, elle est montée jusqu’à toi. Elle explose et tu en prends plein la gueule. L’eau ruisselle dans ton cou et dans ton dos. Vas-tu être noyé en haut du mât ? Tout bascule à nouveau, dans l’autre sens. Tout descend, descend, descend. Ne pas regarder en bas ! Tu n’as pas pu t’en empêcher ? - As-tu vu les torrents qui recouvrent le pont ? On ne voit plus rien. On n’entend plus rien ! Trop de rage, trop de colère, trop de bruit, trop de fatigue et le cœur qui te remonte jusqu’à la gorge. Vas-tu lâcher ? Tout près de toi, des hommes ont lâché. Qui était-ce ? - Trois hommes. Ils ont dû crier, mais on ne les entendait pas, dans la tourmente. Ils sont tombés ensemble. Le Diable les a saisis et plongés dans son chaudron.
-” Le Horn, c’est cela, pendant des jours et des jours. On a le vent contraire. On serre au plus près. Les courants sont contraires aussi, ils te ramènent en arrière. Souvent, tu es obligé de mettre en fuite et tu perds en deux heures ce que tu avais gagné en trois jours. Le Horn, peut-être bien que tu ne l’apercevra même pas. La saison s’achève, les tempêtes se font plus rudes et plus fréquentes. Il arrive que l’on passe sans rien voir, sans voir un seul rocher. On passe au large.
Veille aux glaces !
Ces parages ont englouti plus de bateaux que tout autre lieu dans les mers du monde !
-”Allez, garçons, à vérifier les arrimages., dans les cales et dans les batteries. Cela va secouer ! Vous n’avez jamais vu un canon briser ses bragues, rouler en tous sens comme une bête folle, d’un bout à l’autre de la batterie, fauchant les hommes, défonçant la muraille, brisant les pièces ? Nous avons trente pièces de vingt quatre à notre bord. Veillez aux bragues ! C’est à vos vies qu’il vous faut songer ! Dans les cales, veille aux pièce d’eau douce, aux pièces de vin ... Que l’on vérifie tout ! Une futaille folle, c’est le Diable qui roule dans tous les sens et vous défonce la coque !
-”Les cales d’un navire ... Tu ne peux imaginer ce que c’est qu’une cale ! Noir ! On s’éclaire avec une mèche. Au fond, c’est plein d’eau croupie, qui pue la mort ! Là-haut, sur le pont, on pompe, on pompe , on s’épuise à pomper !Mais on n’épuise pas les cales ! Il y a toujours ce liquide qui n’en est pas un, visqueux, noir ! Un bateau, même tout neuf, sortant du chantier, ce n’est jamais étanche ... Dans la cale, tu l’entends couler, l’eau. Elle entre. Tu ne sais pas d’où elle vient.
Les charpentiers qui sont descendus en même temps que toi tapent à coups de mailloches sur les membrures et sur les bordés. Sons clairs ou mats, eux-seuls savent lequel révèle l’avarie qu’il faudra réparer. Tu avances à tâtons. Tu saisis les amarres, tu les suis de tout leur long. Tes doigts sentent si les torons sont fermes ou s’ils se défont. Détacher, rattacher, épisser, nouer, serrer, souquer, couper ... Le couteau, dans ta main, est aiguisé comme un rasoir. Gare au couteau ! Les crépines respirent, gargouillent, crachotent, sifflent, soufflent. Des rats filent entre tes jambes. Ils courent, ils nagent, ils grimpent. L’un d’eux, juché sur le filin que tu tiens, te fixe. Ses yeux sont deux escarboucles mauvaises. Les yeux du Malin ! Les yeux de l’Enfer ! As-tu entendu couiner un rat ? - C’est, c’est ... Je ne saurais pas dire : Cela te prend dans la nuque et cela te court partout. C’est horrible, le couinement d’un rat ! Et des rat, il y en partout dans les cales, sur tous les navires.
Ils remontent le soir, par les écoutilles, entrent par les sabords, Tu les as sur les poutres auxquelles on accroche les hamacs ... Tu les as dans ton hamac ! On en meurt, d’une morsure de rat ! Cela s’infecte, cela ne guérit pas. Le Coq, l’autre jour, devant son fourneau, était obligé de se battre contre les rats qui voulaient entrer dans sa cambuse.
Nous avons appareillé pendant la nuit.
“Hisse et Ho ! Vire au guindeau !”
Bon plein, bon vent, tout dehors. La navire taille sa route. Nous n’avons plus rien à faire. A l’arrière, un bouquet de sternes nous suit, blancs, silencieux. Un bouquet qui se déforme et se reforme. L’un d’eux, de temps à autre, s’écarte, crie, plonge et rejoint, d’un coup d’ailes. Le sillage est clair, il chante. Léger roulis, brise fraîche. Nous laissons sans regrets, loin derrière et du plus vite qu’il nous est possible la cloche d’air chaud et moite, miasmes, torpeur de la baie de Rio. Rio, où nous n’aurons même pas pu prendre terre !
Ah ! Que le vent chasse nos angoisses et que nos poumons se revivifient ! Léger roulis. On prend le rythme.
Le bosco m’a raconté ... C’est lui qui m’a embarqué après m’avoir enivré dans l’estaminet ... Il m’a tout raconté.
C’est ainsi qu’ils font, les recruteurs, lorsqu’il faut remplacr quelqu’un de l’équipage. Notre navire sortait juste des chantiers de Rochefort. Il avait mouillé en rade de l’île d’Aix, attendant les barges pour compléter le chargement : On a trop de tirant d’eau pour descendre la Charente à plein chargement. Deux hommes ont déserté la veille du départ. Il a fallu en trouver deux autres pour les remplacer. J’ai été l’un d’eux ! Comment protester ? Cela ne fait rien, je l’aime bien, le bosco. C’est un brave type, au fond. C’est lui qui a fait de moi un marin...Dur, dur ! Mais sans lui, je n’aurais jamais résisté aux vagues, aux vents, aux ardeurs du soleil. Je n’aurais jamais échappé aux drisses qui coupent, aux écoutes qui fouettent, aux poulies qui cognent. C’est à lui que je dois de savoir tenir la paumelle, l’aiguille, le couteau. Et c’est lui encore qui m’a appris à tailler des clippers dans le bois, à les gréer, à les armer, à les faire entrer dans des bouteilles. C’est lui qui m’a appris à graver à l’aiguille les dents de cachalots.
Dents de cachalots ... Je suis en train d’en graver une, assis sous la dunette. Le temps ne coule pas. Sur tribord, on aperçoit la côte. Collines molles, vastes plaine arides, paraissant bleues à l’horizon.
On dit que c’est la Pampa, où se pressent les moutons, où errent les guanacos hiératiques, où courent ces petites autruches qu’on appelle des nandous. Les gauchos, paraît-il, portent des chapeaux à larges bords. Parfois, de hautes montagnes paraissent en arrière-plan, leurs sommets sont blancs de neige. Plus bas, dit-on, nous passerons au pied des glaciers. Nous naviguerons entre les glaçons et les énormes icebergs.
-”Tu sais, lorsque c’est comme ça, lorsque le navire marche bien, lorsque les voiles sont tendues et l’allure portante, quand la brise chante dans les étais et dans les haubans, alors, tu prends ton accordéon si tu sais en jouer. Tu chantes si tu n’as pas d’instrument. Tu fumes ta pipe. Tu tresses des cordages ou tu fais des nœuds. Tu sculptes du bois ou tu graves l’ivoire d’une dent. Je grave un brick. J’imagine qu’il me ramènera chez moi. Je chante. Je chante cette chanson, toujours la même ... Cette chanson que chantait la Jeannette, le soir, quand nous nous retrouvions sous les tamaris, au bord des marais ...
-”Mets ta main dans l’eau,
Dans l’eau, dans l’eau de la rivière,
Mets ta main dans l’eau,
Dans l’eau du ruisseau ...”
Où est-elle, la Jeannette, ma brunette ? Où est-elle, en quelle compagnie ? Tu sais, lorsque le bateau file ses dix ou douze nœuds, sans tangage et presque sans roulis, lorsque le vent l’appuie bien sur les flots et lorsque le ciel est bleu ... Tu peux regarder derrière. Tu vois le silage blanc qui s’étire, qui s’étire. Tu peux regarder par-dessus bord. Les daurades sautent, puis filent en se couchant sur le côté. Éclairs d’argent, d’acier, d’or. Devant l’étrave, tu vois parfois glisser les dauphins. Ils vont souvent en bandes. Is nous précèdent. On dirait que ce sont eux qui tirent le bateau, restant toujours strictement à la même distance devant la proue. De temps en temps, ils montent à la surface, leurs dos bleus basculent et ils plongent à nouveau. Ils sautent parfois, en vrille!
Si tu penses à ta belle, c’est dans le creux de la grand’voile que tu verras son visage, dans le creux de la voile tendue qui tressaille à peine. Tu regardes bien fixement, longtemps. C’est là que tu la vois paraître. Elle te sourit et elle te dit qu’elle t’attend. M’attendras-tu, Jeannette ? - Eh ! comment m’attendrais-tu, et pourquoi ? Tu ignores où je suis et tu ne sais même pas pourquoi je suis parti. Qui te mène jusqu’aux tamaris, qund il fait beau le soir ?
Bon sang, c’est ton boulot qu’il faut regarder ! Regarde ton aiguille et ton ivoire ! Cela empêche de penser !
Tu sais, on regarde parfois derrière, parfois devant, ou sur le côté ... Mais c’est toujours très proche. Tu penses à ton passé ? - Il est révolu maintenant , irrévocablement ! Tu t’absorbes dans le temps présent, tout entier concentré dans ce que tu traces et ce que tu creuses. Mais l’avenir ! L’avenir ne se prolonge pas au-delà de la grand’voile ! Demain, nous serons devant le Cap des Onze Mille Vierges. Embouquerons-nous le canal ? Le Capitaine préfèrera-t-il passer par le Horn ? Quel temps trouverons-nous demain ? Depuis que nous descendons en latitude, le froid devient plus vif. Il semble qu’il y ait plus de neige, plus de glace sur les collines.
Que nous passions par le canal de Magellan, que nous allions doubler le Horn, c’est l’Enfer qui nous attend. Alors, tu penses ! Personne encore ne songe à ce que nous allons trouver de l’autre côté, dans le Pacifique, en remontant vers le nord le long des côtes du Chili ...
“Nous irons à Valparaiso ! “
Pour nous, il y a le passage à effectuer. C’est cela l’avenir, et nous ne pensons à rien d’autre qui se trouverait au-delà, à rien qui se situerait après. Passer !
Sentez-vous le vent qui fraîchit ? Voyez : la mer se hérisse de crêtes qui s’agitent en tous sens, secouant l’écume. La lame nous prend par babord, longue, de plus en plus onduleuse et de plus en plus forte.
Les lames viennent de loin. Elles accourent de l’Antarctique. Elles ont passé le Horn.
-”Tout le monde en haut ! À carguer les huniers, les cacatois et les perroquets ! Deux ris dans la grand’voile et dans la misaine !”
Tout le monde est en haut en moins de temps qu’il n’en a fallu pour le dire ! Le sifflet du bosco module ses trilles. Nous conservons les focs.
-”Trente à la barre !”
-” Trente” répète le second.
-”Trente” crie le timonier.
La roue a grincé, ayant fait plusieurs tours.
-"À border !"
Nous sommes au cabestan pour tendre les écoutes. le navire, qui avait ralenti sa course pendant un instant, court sur son erre puis reprend sa marche en avant : droit sur la terre ... Là, vois-tu ? Ce doit être le Cap des Onze Mille Vierges ... Nous allons essayer d’entrer dans le canal. Tant mieux, cela nous évitera les bouillonnements du Horn !
-" Mets la main dans l’eau,
Dans l’eau du ruisseau,
Je te chanterai les amours fragiles
Qui font trois couplets dans les chansons ..."
Quatre noeuds au plus près. Le cap sur le milieu de la baie !
-" Elle souffle ! "
C’est Etchebarne qui a vu la première. Bien sûr, les Basques ! Ils ont toujours chassé la baleine. Non pas une, mais quinze, vingt baleines ! Des bêtes de vingt cinq à trente mètres de long. Tu imagines ! Elles soufflent ! Plusieurs sont accompagnées de leur petit. Rends-toi compte : La mère doit bien peser cent cinquante tonnes ! Les petits, qui viennent de naître, mesurent six mètres et doivent peser déjà plus de cinq à six mille kilos. Certaines passent à toucher le navire, l’accompagnent un instant, puis elles sondent , elles plongent à pic. La dernière chose que tu vois, c’est la queue, horizontale, noire, assez large pour briser une chaloupe d’un seul coup ! C’est quand elles remontent à la surface qu’elles soufflent : un puissant jet de vapeur et d’eau qui monte très haut ! Et puis tout à coup l’une d’elles, énorme masse, saute au-dessus de l’eau, tout entière ! On voit ses nageoires, et même les coquilles collées à sa peau !
Elle saute, puis elle retombe, de tout son long, de tout son poids, dans une gloire de gouttes et de jets d’eau. C’est un spectacle à couper le souffle. Je le disais tout à l’heure, un marin vit dans le présent et, particulièrement, une pareille scène vous prend tout entier. Il n’y a plus pour vous ni passé ni avenir : Elle souffle !
-” Pare à virer. Tout le monde en haut !”
On passe au beau milieu d’un petit grope de glaces à la dérive. Pas des icebergs, mais enfin, il y a des blocs importants, découpés en formes fantômatiques. l’un ressemble à un château médiéval, l’autre à un énorme canard, le troisième semble avoir une tête de cheval sur un corps qui serait celui d’un ours.
-" Oh d’en bas ! Deux icebergs droit devant, juste dans le mitan du chenal !"
-" À virer ! Vire !"
Nous ne savons pas si les baleines sont toujours là. Pas le temps de les regarder ! Les sifflets commandent la manoeuvre. Le Commandant connaît son affaire : Il n’en est pas à son premier passage. C’est un vieux cap-hornier !
Le bateau vire lof pour lof, prend le vent arrière. Mauvaise allure qui fait rouler la coque. Les vagues courent aprè la proue, l’atteignent, y montent, se retirent. L’eau n’a pas le temps de se vider que la suivante vient. Cela s’appelle mettre en fuite. La nuit approche, de toute façon. Il faudra essayer de ne pas se laisser entraîner trop loin avant le lever du jour. C’est seulement lorsqu’on y verra clair qu’on pourra tenter l’entrée dans le canal.
Tu sais, le canal ... Ce n’est pas la même chose que si nous passions par le Horn, mais c’est du sport ! Un sacré sport ! Il y a les passes, qui ne sont pas tellement larges. Il y a les îles, qu’il faut éviter, et on les distingue à peine, plates, tapies à la surface des eaux. Il y a les récifs et les roches. Le Canal de Magellan est jalonné des carcasses des bateaux naufragés. Il y a les glaces à la dérive, il y a les fronts des glaciers, sous lesquels on passe et, parfois, des blocs énormes se détachent , tombent à grand bruit. Au moins cinq glaciers, tous plus anciens les uns que les autres, tous plus monstrueux ! Derrière, les montagnes montent à l’assaut du ciel , recouvertes de neige. Tu navigues au milieu d’un couloir étroit, entre des falaises de plusieurs centaines de mètres de haut. On mouile tous les soirs : Impossible de naviguer de nuit !
De jour, c’est l’horreur : Il faut sans cesse tirer des bords, pour composer avec le vent. Et le vent ... Il est terrible parfois. Il prend le canal en enfilade, il se rue, il hurle ! On ne peut rien dire de plus : il hurle ! Le vent hurle, mais quels hurlements ! À te faire dresser les cheveux sur la tête ! Et le vent, il est froid : des milliers de lames qui te coupent le visage, qui t’arrachent ton ciré et ta vareuse ! Mets de la laine sur ta peau, sans quoi tu vas geler. As-tu entendu parler de cette épave, vers le Cap Froward, qui tournait sur elle-même, qui tournait dans le vent ... Son Capitaine était demeuré à bord. Il était gelé sur la dunette. Il tendait le bras et pointait le doigt en avant. Il a fallu couler l’épave à coups de canon !
Tu louvoies sans cesse, tribord amures puis, dès que l’autre rive approche, tu prends les amures à babord. C’est incessant. Cela oblige tout l’équipage à rester sur le pont et dans les mâts. C’est épuisant !
Trente à quarante jours, pafois,pour passer de l’autre côté ! Un seul point de repos : Punta Arenas, petite agglomération de tôles rouillées. Quelques barques, des pêcheurs de moules et des pêcheurs de crabes, quelques estancias et leurs troupeaux de moutons. Après Punta Arenas, tu rencontres encore plus de rochers, plus de récifs, plus de glaciers. O, la glace bleue qui descend des falaises ! Superbe ! Effrayant !
Et cela craque, cela se fend, cela gronde comme des tonnerres ! O les cascades de glace dévalant les pentes ! Attention, de la glace, tu en trouveras partout en cette saison. Les blocs viendront se frotter sur les flancs du bateau en grinçant. Veille aux glaçons ! Les paysages, si tu as le temps de regarder, sont grandioses. Le sud du continent américain a dû subir une énorme série de cataclysmes. La terre s’est fendue, la roche a éclaté, le isthmes se sont étirés, les blocs se sont dressés, les schistes se sont effeuillés. Les eaux se sont précipitées dans les canaux ... C’est un véritable labyrinthe de canaux, tout en embranchements, en culs-de sacs, en rétrécissements, en élargissements. Les îles sont recouvertes de mousses et de lichens; ce sont de véritables éponges sur lesquelles il est impossible de marcher. Elles s’échancrent de lacs, de mares, de bras-morts. Les arbres bordent les canaux. Ils cherchent la lumière. ils montent très haut. Leurs troncs sont droits et blancs. Le plus souvent, ils sont si serrés que les arbres morts restent debout et pourrissent sur place, dans l’humidité ! En haut des falaises, tu ne vois rien, rien de rien ! C’est une splendeur mais une splendeur de mort. C’est inhumain. Tu ne vois pas un guanaco sur les rochers. Il y a des phoques, ici ou là, mais il est rare qu’on les aperçoive. ils se réfugient dans les îles et les écueils. Tu verras des pingouins sur l’île Marguerite, avant Punta Arenas, des milliers de pingouins en habit de soirée.
Le soir, ils rentrent de leurs lieux de pêche, en file indienne. C’est trop drôle, de les voir grimper la dune, l’un derrière l’autre, en se dandinant. Au-dessus, les stercoraires planent et crient. Ils guettent les terriers sans gardiens, pour y dérober les oeufs. Mais je ne sais pas si tu auras le loisir de regarder les pingouins ... Non loin de l’île Marguerite, tu verras ce qui reste d’un grand clipper. Il n’en reste que la quille et les membrures. peut-être le timonier regardait-il les pingouins au lieu de veiller aux récifs ?
Après le Cap Froward, ce ne sont que des centaines d’îles et d’îlots, des dédales de canaux étroits. Il est probable que tu ne croiseras pas un canot. Le plus terrible, c’est le vent ! Le vent et le courant ! Ils te prennent par le travers. Ils tourbillonnent. Ils te chassent vers la rive. Ils te poussent sur le roc. Ils te tirent dans les impasses. Parfois, ils font tourner le bateau comme une toupie ! Plusieurs tours sur soi-même ! Et toi, tu es en haut, dans la mâture ! Tes doigts sont gelés, et tes oreilles, et ton nez. la neige est partout, épaisse, drue, entrant dans ta bouche, dans tes yeux. Tu t’accroches là où tu peux, comme tu le peux. Le vent secoue le navire, branle le gréement avec l’évidente intention de te précipiter en bas, s’acharne. Tu en pleures de rage parfois et, le soir, quand les ancres sont affourchées, tu es si moulu que tu ne parviens même pas à dormir.
Les matelots, souvent, cherchent le sommeil en jouant aux cartes, en jouant aux dés ... Attention aux dés ! La partie, souvent, se termine à coups de couteaux. Et puis veille, la nuit : une ancre, cela peut bien chasser !
"Je t’aurai aimée
Le temps d’une chansonnette,
Faut bien trois couplets
Pour faire l’amourette ! "
.........." Nous irons à Valparaiso ! "
*
Madame, Monsieur,
J’ai la grande tristesse de porter à votre connaissance la disparition de votre fils, Matelot volontaire à bord de la frégate dont j’assume le commandement au nom de Sa Majesté.
Vous trouverez ci-joints, rassemblés par le Commissaire du bord, les papiers et les menus objets que nous avons trouvés dans son coffre. Ses effets ont été, comme il se doit, vendus aux enchères. La vente a produit une somme de quatre francs et vingt quatre centimes. Je vous adresse un mandat de quatre vingt quatre centimes et quatre sous, représentant ce qui revient aux héritiers après déduction des dettes à la cantine du bord.
Monsieur le Ministre de la Marine, vous fera parvenir en sus la somme de vingt sept francs et cinq centimes, représentant les arriérés de solde, qui devront être perçus après avoir recueilli le visa du Bureau des Affaires Maritimes du Quartier dont relève votre résidence.
Veuillez croire, Madame, Monsieur, en l’assurance de nos vifs regrets.
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