lundi 1 août 2016

LE CHEMIN D'ARLES ...








COMPOSTELLE
– LE CHEMIN                     D’ARLES …




                                                                   ARLES 


CHANSON



La meilleure façon de marcher,

Qui doit être la nôtre

C’est de mettre un pied devant l’autre

Et de recommencer …











                                                                                                            TOULOUSE


Tu marches sur les os du temps






                 La ville tragique a disparu dès le premier tournant. Le mas qui gère la manade se nomme le mas des bernacles. Passent canards en vol. Fleurissent les aigrettes blanches. Le héron est aussi immobile qu’un bois mort. Va ! Passe les ponts ! La voie solitaire rectiligne est sûre : Un fossé à droite, un fossé à gauche, des barrières et des clôtures. On a fauché les roseaux. Il pleut, ou plutôt il bruine, et cela suffit sans doute pour laver les avant-hier sur ton visage et sur tes mains. Tu pars vers des aubes plus anciennes, sans doute pour de nouveaux lendemains. Va ! D’autres sont passés avant toi, beaucoup d’autres, et d’autres encore passeront, sac au dos, le cœur ouvert. Tu n’es pas d’ici, va donc voir ailleurs !


Où donc, si ce n’est là-bas où se dresse je ne sais quoi de blanc, château d’eau peut-être, ou bien silo? … Un clocher encore ? Dans cette contrée fluviale, bateliers et rouleurs ont bâti des sanctuaires de pierre. Allons, va, longe les canaux de béton, traverse ponts et passerelles. Ce n’est point là ton domaine : Ici se sont établis les marchands de fruits, marchands de céréales, marchands de vin. Tu n’es pas établi : Va plus outre dès demain, dans le petit matin ! … C’est toujours au petit matin que s’ouvrent les fleurs.



                                                  TOULOUSE  - LES JACOBINS.



               Tu chemines sur les os du temps, anguleux et durs. La borne milliaire n’est pas une limite, elle compte les pas… Il faut la dépasser, elle est là pour ça. Les chars romains ont creusé de profondes ornières sur les dalles, autre mesure du temps ! Il faut remonter encore plus avant, fouler les thyms en fleurs, les romarins, passer entre les près où piaffent les chevaux gris, longer les ruchers actifs, les vergers empanachés … Essaie de ne pas trop approcher la blessure de l’autoroute, évite les contrées envahies par les zones industrielles et commerciales et, si tu dois cependant t’y aventurer, fais-le en chantant. Cela fait partie du jeu, cela et le goudron… On finit par s’en extraire, va !



Mais la ville est là, monstrueuse, sillonnée en tous sens par des véhicules clos de toutes formes, de toutes tailles, bruyantes et sourdes. Vois ce qu’il y a à voir, peu de choses au reste, mais certaines admirables. Le plus vite possible, sors de là.

                                                                    

                                                      St. Jean Pied de Port 


              Je sais qu’un enfant assoiffé est passé par là. Il a échappé aux pendaisons et aux fusillades. Ses poches sont pleines de cailloux et ses poings sont fermés. Sale gosse ! Il a usé ses semelles sur les ossements qui jonchent tous les chemins du monde, crachant vers le ciel des blasphèmes et des injures : Autant de cris d’amour ! Il va droit devant, marchant vers des palais de cristal que l’instant détruit l’un après l’autre, dès le franchissement des portes : Tordeur de chaînes, porteur de torche, allumeur d’images … As-tu vu le lac bleu dans la vallée ?


Au long de l’étroit sentier, il t’a bien fallu pousser devant toi les moutons égarés, jusqu’à ce qu’ils trouvent dans la clôture le trou qui leur a permis de rejoindre le troupeau. Va ! La gourde est vide, mais tu finiras bien par trouver de l’eau !






                                                              Pampelune          



             Il y a plus de mille ans, le Diable a construit le pont… L’eau … L’eau et le temps ont creusé les falaises, gorges, gouffres, précipices. Combien de millions d’années a-t-il fallu pour que le fleuve en rut, saison après saison, s’enfonce dans ces cavernes et dans ces grottes ?  Ô cascades claires, ruissellements, bouillonnements, brillances, éclairs, calmes et brusques mouvements ! Dans la fente du roc, l’homme a bâti le sanctuaire … Faut-il y croire ? … Ô, touristes, promeneurs traînant les pieds, montant la ruelle en mangeant des hamburgers ! Sous la voûte très ancienne, des vierges chantent des vêpres solennelles.


Les chemins en lacets montent aux falaises. Les caillasses roulent sous les pas ? Ah ! Le lézard vert serti sur la dalle de craie ! Immobile, les yeux d’or, paupières battantes, ocelles bleus sertis de noir … Mon frère le lézard aux flancs haletants … C’est rêver ! Il faut pourtant que tu montes. Ivresse da ns le ciel où moutonnent les collines vertes pressées. Le lac te regarde encore ; Il faut aller plus haut, plus loin, remonter l’espace et le temps. Ici, il reste des tertres de pierres empilées. Il faut aller ailleurs.
Pointe sonore du bâton…










                                                                Burgos


          Pur. Ah ! Pur ! Où, dans la roche ; où, dans le ciel ; où, le pur diamant ? Sur le tranchant des pierres, que l’on nous conduise aux déserts du sel, aux portes des monts de cristal !

Asphodèles, épines, le goût du fer et de l’anthracite à la fois … Pur et seul, et chantonnant tout bas des chansons très simples, des chansons d’innocents. Ah ! Très pur ! Lame claire !













                                         Leon 


              Ce sera ensuite pays plus humain et plus civilisé, plus tendre. Il se révèlera sous la pluie. Après l’essor des flèches et des ogives, c’est retour vers le sol par l’arcade romane, vers le cœur de l’homme, retour sur soi. Marche dans tes pensées … Les terres sont peignées, apprêtées, les forêts ne sont plus les mêmes. Contrastes des couleurs… Ors des colzas … Vert frais des semis de maïs ou de blé, glauque des forêts de mélèzes puis ceux, plus légers, des bois de hêtres ou de chênes … Bruns et rouges des labours minutieux … Pour l’instant, la terre est à sa première toilette ? Ô, formes de l’esprit, semblables à ces jardins japonais, où à ces cloîtres d’antan, toujours peignés, toujours ratissés de neuf ! …
Caque chose à sa place et la place pour l’esprit ! Méditation, promesses de fenaisons très belles, de lourdes moissons, d’abondantes vendanges …




Puis c’est encore une très vieille cité, que domine sa cathédrale, vaste vaisseau dont la proue laboure depuis cinq siècles les mêmes vagues de pierre au flanc de la colline. Cité chargée d’histoire et de houles, garderas-tu la piété ? … En ce dimanche de printemps, un archevêque consacre un prêtre nouveau. Rare cérémonial, par les temps qui vont ! Pourpres, ors, blancs immaculés, onctions et chants … Le nouveau vicaire nous enseignera-t-il la jolie fleur de l’ancolie, celle du « dicentra spectabilis », dite « cœur de Marie ? Saura-t-il, par la création, nous conduire au Créateur ? Ô, Seigneur, donnez-nous des poètes et des prêtres, donnez-nous des poètes qui soient des prêtres, donnez-nous des médiateurs, des intercesseurs, des introducteurs ! … Ô, que le prêtre nous apprenne à voir ! … Mais, pour nos enfants, y aura-t-il encore des prêtres, y aura-t-il encore des poètes ?
                                                                               Compostelle


Dans les travées de la cathédrale, exceptionnellement remplies, se presse une foule de vieillards. Les officiants sont plus vieux encore, quoique nombreux. Nos enfants connaîtront-ils encore les noms des Saints, les noms des fleurs, ou bien inventeront-ils d’autres voies, d’autres chemins ? … Il est temps encore, mais que l’anabase, vite, s’accomplisse ! Que l’on assure la fondation de villes neuves et pures !



De la vieille cité, il te faudra sortir encore. Tu reprendras le chemin que les pluies ont noyé. Tu peineras, tu glisseras, tu chuteras. Un matin, pourtant, le voile se déchirera, le nuage s’ouvrira. Alors, au détour d’un champ, à la sortie d’une forêt, à la crête d’une colline, au sortir d’une pensée surprise, la beauté de toute une chaîne de montagnes encore couronnées de neige se manifestera, remplie de lumière. Elle s’impose à l’évidence. On ne la discute pas ? Ombres et clartés … On admire !

Peut-être bien que tu auras alors trouvé ce que tu cherchais dans ce long voyage ?













Marcheras-tu jusqu’au champ des étoiles ? Qu’y trouverais-tu, autre qu’une très vieille légende ?


-  «  Eh ! Qu’importe ! … Croire ou douter, c’est exactement la même chose, après tout, n’est-ce pas ? … Seule l’indifférence est impie.









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