Exposition à la galerie 30 Le Cannet.
LE PRINTEMPS
DES POÈTES
Le
printemps des poètes ne se décrète pas, il se vit … ou ne se vit
pas ! C’est peut-être l’occasion de s’interroger sur la nature de la
poésie et sur la place qu’elle occupe en France en ce moment.
La première question est essentielle :
« Qu’est-ce que la poésie ? » … Depuis des siècles, cette
question est posée. De multiples réponses ont été avancées, mais il ne semble
pas que l’une d’elles ait jamais été reconnue comme satisfaisante. C’est bien
normal, la poésie étant multiforme , abordant des thèmes multiples et infinis.
Où se cache la poésie ?
Le Musicien - Sculpture de Jivko
Pour aller vite, nous définirons la poésie comme étant une parole qui
s’adresse aux autres ou à soi-même et qui fait naître des
émotions profondes : Joie, crainte, peur, admiration, agrément,
volupté, chagrin, envie, tristesse … Dans ce sens, on peut dire que tout est
poésie et que nous avons besoin de la poésie : Elle est dans le message
que nous adresse le poète . Elle est dans l’aspect du paysage que nous
contemplons ou que nous imaginons, elle est dans la musique que nous
écoutons, dans la statue, dans le tableau que nous regardons et que nous admirons peut-être, dans ce que nous lisons … Pour la ressentir et pour la comprendre,
encore faut-il que nos sens soient exercés, encore faut-il que notre culture
nous permette de « lire » les messages et de cultiver notre réseau
émotionnel.
Or l’émotion est indispensable ; C’est en
fonction de nos émotions que nous pensons et que nous construisons nos
réactions, nos actions …
*
Qu’est-ce que le poète ? … Répondre à cette seconde question nous
aidera sans doute à répondre à la précédente. Est-ce un écrivain ? – Mais il n’y a pas que des poètes
parmi les écrivains et ce n’est pas là une question de forme : La poésie
ne se loge pas dans le sonnet ou dans l’élégie ; elle ne se loge pas dans
l’ode. La versification n’est pas non plus son attribut, ni la rime, ni
l’assonance. Elle fait souvent usage du rythme, mais ce n’est pas là non plus
son apanage. La poésie s’accommode d’un accompagnement musical, mais elle s’en
passe aussi bien … Elle n’est pas dans le choix des thèmes : « J’ai
assis la beauté sur mes genoux et je l’ai insultée », dira Rimbaud … Tous les thèmes peuvent
être et sont porteurs de poésie, et Baudelaire rimera sur « Une
Charogne ». Elle n’est pas dans le choix des mots et il n’y a pas, pour
elle, de « mots » nobles et de mots « roturiers » … La
poésie moderne nous l’a bien montré …
*
Mais le poète ? … Le poète, nous semble-t-il est un
« Passeur » … Certains l’ont dit un « voyant » … Nous
préférons dire qu’il est un « passeur » … Et ce mot, sous la langue en appelle un
autre, phonétiquement très proche, qui est celui du « pasteur » … Et ce n’est peut-être pas tout à fait
par hasard si, dans notre pays, les poètes et les pasteurs sont si peu nombreux
et si peu entendus à notre époque. Je veux parler des poètes littéraires et
particulièrement des poètes lyriques.
Les pasteurs sont les prêtres et ils se raréfient … On ne
les écoute plus guère et on les croit encore moins. Prêtres et poètes sont des
messagers. Le poète est celui qui, placé devant un paysage ou une scène, la
contemple et tente de répondre à la question posée grâce aux sensations qu’il
ressent : -
« Qu’est-ce que cela signifie ? »
Le poète est un « passeur » parce qu’il vous prend par la
main, vous montre ce que, peut-être, vous n’auriez pas distingué, puis
vous aide à poser les questions et
à les résoudre : - « Plus loin !», « Au-delà dans l’espace
et dans le temps » … Claudel l’a bien montré dans ses « Cinq
grandes Odes ».
- « Qu’est-ce que cela
signifie ? » Et la réponse à cette question vous projette dans
l’espace en mettant en route votre imaginaire … Et la réponse à cette question
vous projette dans le temps par le moyen de l’imaginaire …
Le Minotaure - Sculpture de Jivko
Pourquoi n’écoute-t-on plus les poètes ?
– Parce que nous avons perdu l’Espérance !
Juliette Gréco a si souvent chanté :
- "Il n'y a plus d'après
À saint-Germain-des-Prés
Plus d'après demain
Plus d'après midi
Il n'y a plus d'autrefois ..."
Juliette Gréco a si souvent chanté :
- "Il n'y a plus d'après
À saint-Germain-des-Prés
Plus d'après demain
Plus d'après midi
Il n'y a plus d'autrefois ..."
… Deux
guerres horribles, les cahots de nos civilisations, connus de tous et à
l’instant même où ils se produisent partout dans le monde,par l’intermédiaire des médias modernes nous ont fait perdre
l’Espérance … Nous avons vu à peu près tout ce qu’il y a à voir sur cette
terre : Les voyages et les images nous l’ont montré. Nous ne croyons plus
au progrès : Les explosifs modernes nous ont avertis, la faillite des idéaux nous a avertis … L’exploration de l’univers
astral, même, ne nous intéresse plus guère …
N’ayant plus de foi en l’avenir, plus de
créance en l’au-delà, fût-il proche : Nous « insultons » l’imaginaire
et la Beauté. Nous nous détournons de l’avenir. Il ne reste plus que le présent
et l’absence de projet nous pousse à la jouissance de l’instant : Alcool,
drogue, sexe, gesticulation, rythmes, musiques endiablées , images … Les
« passeurs » ne sont plus
… ou s’ils sont encore, ce n’est pas eux que l’on suit … D’ailleurs « on
ne suit » plus »,
« On est » ! – On veut "ÊTRE" !
*
Et pourtant, et pourtant, peut-être n’y a –t-il
jamais eu autant de poètes en France : Ils écrivent dans le secret de leur
chambre, sur un coin de table … Ils conservent précieusement leurs œuvres
qu’ils écrivent sur un petit carnet … Ils savent qu’on ne les écouterait pas
s’ils les proposaient. Ils savent … Mais, eux-mêmes, lisent-ils les
poètes ? En tout cas, aucun éditeur ne prendra le risque de les publier,
sauf à compte d’auteur !
*
La
démarche aboutit au même résultat … S’en sont-ils aperçu ? … Pour ce qui
est des poètes, trop modernes sans doute ou le voulant être, qui se sont
exprimés dans une langue qui ne peut être comprise que par eux-mêmes … Poésie,
certes … Mais incommunicable : Ils ont oublié qu’ils devaient être des « passeurs »
… Ils « passent » seuls et en n’entraînant les autres ni ailleurs, ni
« plus loin ». Leur imaginaire n’est plus le nôtre...
« plus loin ». Leur imaginaire n’est plus le nôtre...
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