mercredi 6 mars 2013

LE PRINTEMPS DES POÈTES








                          Exposition  à la galerie 30 Le Cannet.     


LE PRINTEMPS DES POÈTES



Le  printemps des poètes ne se décrète pas, il se vit … ou ne se vit pas ! C’est peut-être l’occasion de s’interroger sur la nature de la poésie et sur la place qu’elle occupe en France en ce moment.

La première question est essentielle : « Qu’est-ce que la poésie ? » … Depuis des siècles, cette question est posée. De multiples réponses ont été avancées, mais il ne semble pas que l’une d’elles ait jamais été reconnue comme satisfaisante. C’est bien normal, la poésie étant multiforme , abordant des thèmes multiples et infinis. Où se cache la poésie ?
                                      
                           Le Musicien - Sculpture de Jivko
        
              Pour aller vite, nous définirons la poésie comme étant une parole qui s’adresse aux autres ou à soi-même et qui fait naître des émotions profondes : Joie, crainte, peur, admiration, agrément, volupté, chagrin, envie, tristesse … Dans ce sens, on peut dire que tout est poésie et que nous avons besoin de la poésie : Elle est dans le message que nous adresse le poète . Elle est dans l’aspect du paysage que nous contemplons ou que nous imaginons, elle est dans la musique que nous écoutons, dans la statue, dans le tableau que nous regardons et que nous admirons peut-être, dans ce que nous lisons … Pour la ressentir et pour la comprendre, encore faut-il que nos sens soient exercés, encore faut-il que notre culture nous permette de « lire » les messages et de cultiver notre réseau émotionnel.

Or l’émotion est indispensable ; C’est en fonction de nos émotions que nous pensons et que nous construisons nos réactions, nos actions …

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Qu’est-ce que le poète ? …  Répondre à cette seconde question nous aidera sans doute à répondre à la précédente.  Est-ce un écrivain ? – Mais il n’y a pas que des poètes parmi les écrivains et ce n’est pas là une question de forme : La poésie ne se loge pas dans le sonnet ou dans l’élégie ; elle ne se loge pas dans l’ode. La versification n’est pas non plus son attribut, ni la rime, ni l’assonance. Elle fait souvent usage du rythme, mais ce n’est pas là non plus son apanage. La poésie s’accommode d’un accompagnement musical, mais elle s’en passe aussi bien … Elle n’est pas dans le choix des thèmes : « J’ai assis la beauté sur mes genoux et je l’ai insultée », dira Rimbaud … Tous les thèmes peuvent être et sont porteurs de poésie, et Baudelaire rimera sur « Une Charogne ». Elle n’est pas dans le choix des mots et il n’y a pas, pour elle, de « mots » nobles et de mots « roturiers » … La poésie moderne nous l’a bien montré …

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Mais le poète ? … Le poète, nous semble-t-il est un « Passeur » … Certains l’ont dit un « voyant » … Nous préférons dire qu’il est un « passeur » … Et ce mot, sous la langue en appelle un autre, phonétiquement très proche, qui est celui du « pasteur » … Et ce n’est peut-être pas tout à fait par hasard si, dans notre pays, les poètes et les pasteurs sont si peu nombreux et si peu entendus à notre époque. Je veux parler des poètes littéraires et particulièrement des poètes lyriques.

Les pasteurs sont les prêtres et ils se raréfient … On ne les écoute plus guère et on les croit encore moins. Prêtres et poètes sont des messagers. Le poète est celui qui, placé devant un paysage ou une scène, la contemple et tente de répondre à la question posée grâce aux sensations qu’il ressent : -     « Qu’est-ce que cela signifie ? »  Le poète est un « passeur » parce qu’il vous prend par la main, vous montre ce que, peut-être, vous n’auriez pas distingué, puis vous  aide à poser les questions et à les résoudre : - « Plus loin !», « Au-delà dans l’espace et dans le temps » … Claudel l’a bien montré dans ses « Cinq grandes Odes ».

-   « Qu’est-ce que cela signifie ? » Et la réponse à cette question vous projette dans l’espace en mettant en route votre imaginaire … Et la réponse à cette question vous projette dans le temps par le moyen de l’imaginaire …


                         Le Minotaure - Sculpture de Jivko              

Pourquoi n’écoute-t-on plus les poètes ? 
– Parce que nous avons perdu l’Espérance !

Juliette Gréco a si souvent chanté :
- "Il n'y a plus d'après
    À saint-Germain-des-Prés
    Plus d'après demain
    Plus d'après midi
    Il n'y a plus d'autrefois ..."

… Deux guerres horribles, les cahots de nos civilisations, connus de tous et à l’instant même où ils se produisent partout dans le monde,par l’intermédiaire des médias modernes nous ont fait perdre l’Espérance … Nous avons vu à peu près tout ce qu’il y a à voir sur cette terre : Les voyages et les images nous l’ont montré. Nous ne croyons plus au progrès : Les explosifs modernes nous ont avertis, la faillite des idéaux nous a avertis … L’exploration de l’univers astral, même, ne nous intéresse plus guère …

N’ayant plus de foi en l’avenir, plus de créance en l’au-delà, fût-il proche : Nous « insultons » l’imaginaire et la Beauté. Nous nous détournons de l’avenir. Il ne reste plus que le présent et l’absence de projet nous pousse à la jouissance de l’instant : Alcool, drogue, sexe, gesticulation, rythmes, musiques endiablées , images …  Les 
« passeurs » ne sont plus … ou s’ils sont encore, ce n’est pas eux que l’on suit … D’ailleurs « on ne suit » plus »,  « On est » ! – On veut "ÊTRE" !

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Et pourtant, et pourtant, peut-être n’y a –t-il jamais eu autant de poètes en France : Ils écrivent dans le secret de leur chambre, sur un coin de table … Ils conservent précieusement leurs œuvres qu’ils écrivent sur un petit carnet … Ils savent qu’on ne les écouterait pas s’ils les proposaient. Ils savent … Mais, eux-mêmes, lisent-ils les poètes ? En tout cas, aucun éditeur ne prendra le risque de les publier, sauf à compte d’auteur !
                                  *
La démarche aboutit au même résultat … S’en sont-ils aperçu ? … Pour ce qui est des poètes, trop modernes sans doute ou le voulant être, qui se sont exprimés dans une langue qui ne peut être comprise que par eux-mêmes … Poésie, certes … Mais incommunicable : Ils ont oublié qu’ils devaient être des « passeurs » … Ils « passent » seuls et en n’entraînant les autres ni ailleurs, ni 
« plus loin ».  Leur imaginaire n’est plus le nôtre...


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