mardi 28 octobre 2014

NOUVELLES HÉBRIDES - TANNA











L’autre voie             
                  L’autre voix


Notre démarche scientifique emprunte des chemins 
balisés par ce que nous appelons la raison. 
À Tanna (et ce n’est qu’avec le recul du temps que je 
le perçois si nettement…), à Tanna régnait la poésie. 
Y règne-t-elle encore, en 2010, où bien le « monde 
blanc » est-il parvenu à planter ses balises ?

Je relis Octavio Paz :


- « La discorde entre poésie et modernité n’est pas 
accidentelle, mais consubstantielle. Ella apparaît dès 
l’aube de l’ère contemporaine au sens large, avec 
les premiers romantiques. Paradoxalement, cette 
incompatibilité est l’un des attributs de la poésie 
moderne, peut-être son élément central, qui la rend 
acceptable pour le lecteur. Celui-ci, en effet, voit en elle 
une image de sa propre situation. Seuls des modernes   
pouvaient être antimodernes de façon aussi radicale  
écartelée, que l’ont été tous nos grands poètes. 
Fondée sur la critique, la modernité sécrète 
naturellement son autocritique. La poésie a été 
une des manifestations les plus vives, les plus 
énergiques de cette démarche. Sa critique n’a été 
ni rationnelle ni philosophique ; elle a été passionnelle,
 elle s’est faite au nom de réalités ignorées ou refusées
 par l’âge moderne. La poésie a résisté à la modernité ; 
en la niant, elle l’a vivifiée. Elle a été sa réplique et son 
antidote. »


Les Men-Tanna, après avoir essuyé les coups de 
canon des premiers visiteurs européens, après avoir été
contraints à quitter leurs cases de bambous pour se 
rapprocher des églises, après s’être embarqués sur les 
bateaux des recruteurs pour aller travailler dans les 
mines de Nouvelle-Calédonie ou sur les 
plantations néo-zélandaises et australiennes, après 
avoir plié sous le joug de la « Tanna Law » 
des missionnaires presbytériens et anglicans … 
Les Men-Tanna sont retournés à la poésie. 
Certes, notre poète mexicain ne pensait guère aux 
Men-Tanna lorsqu’il s’exprimait dans « L’Autre Voix »   mais le        développement de sa pensée s’intègre  tellement  à ma réflexion 
actuelle !


Une page plus loin, n’ajoute-t-il pas :


- « La poésie est la mémoire faite image et l’image 
transmuée en voix. L’autre voix n’est pas celle 
d’outre-tombe ; c’est la voix de l’homme endormi au 
fond de chaque homme. Elle a mille ans, elle a notre 
âge et n’est pas encore née. C’est notre aïeul, 
notre frère et notre arrière-petit-fils."


Ajoutons, (je cite de mémoire), La réflexion d’une vieille 
dame dont je ne souviens plus le nom. Elle répond à Margaret         Critchlow Rodman, l’anthropologue (Houses Far from Home – 2001-University of Hawaï Press) : 


-          « Mais non, ils ne sont pas revenus à l’âge de la pierre 
polie … Le mode de pensée et le mode de vie qu’ils ont 
adoptés sont des réponses à leur environnement et à 
leur histoire … Des réponse « modernes » … D’autres réponses. »




D’ailleurs, la même anthropologue n’écrit-t-elle pas, en 
exergue du chapitre concernant Tanna :


-          « In Tanna, all stories start with rumors and end as myths. »
Ce que je traduirais par :
-          «  À Tanna, toute histoire débute par des rumeurs et s’achève sous forme de mythe. »



Et ne voit-on pas, là même, le propre de la démarche 
poétique ? - La poésie n’est-elle pas une démarche 
née de la perception, nourrie d’images, 
d’assonances, de ressemblances, de métaphores ? 


« Elle   consiste, essentiellement, dans la faculté de mettre 
en relation des réalités contraires ou dissemblables. » 

Nous rappelle Octavio Paz encore une fois.



 Elle est souvent dionysiaque, parfois frénétique et parfois 
extatique, parfois élégiaque …. Elle suit d’autres voies que la 
logique. 
Elle suit d’autres voies que celles de la raison. 
Elle s’exprime parfois par le silence. 
La poésie a ses propres voix et ses propres voies !
 Octavio Paz a écrit :

- «  La poésie est l’antidote de la technique et du marché. »
(Opus cité).





















À l’origine, avant l’arrivée des grands bateaux montés
 par les Espagnols, les Portugais, les Anglais et les 
Français, les Men-Tanna étaient, selon toute 
probabilité, des guerriers. Ils étaient organisés en clans, 
peut-être issus de migrations successives.


En 1962, lorsque j’arrivai dans l’île, on distinguait, outre 
ces clans dont la perception n’était pas claire, cinq 
groupes de population :


1 - Les "traders" qui constituaient la plus petite minorité, 
mais dont l’importance économique et politique pesait 
lourdement, et de tout son poids, sur le passé, le présent et 
l’avenir de l’archipel.

2 -Les administrateurs et les fonctionnaires européens, 
auxquels il faut ajouter les fonctionnaires indigènes 
dépendants, soit de la résidence britannique, soit de 
la résidence française, soit de l’administration condominiale.

3- Les missionnaires chrétiens, presbytériens et anglicans, 
catholiques et adventistes, dont l’influence avait été 
prépondérante, au point que, de fait, ils avaient administré 
les îles. À notre arrivée, cette influence avait quasiment 
disparu (à Tanna, mais non dans l’archipel). Les villages 
bâtis sur le littoral, autour des églises, étaient déserts et 
la population s’était dispersée dans la « brousse ».
























3- Les "Men-bush", dont les mœurs et les lois étaient 
régies par la « coutume », laquelle, dans ses règles 
aussi bien que dans son cérémonial, se tenait 
soigneusement à l’écart du code condominial. On peut 
estimer que la « coutume » avait repris les formes 
ancestrales qui étaient, à peu de choses près, les mêmes 
que celles qui avaient organisé la vie sociale avant 
l’arrivée des grands navigateurs ...
                                                                                           ( À suivre ...)





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