jeudi 12 novembre 2015

LES CRIQUETS





LES CRIQUETS PÈLERINS









Il faisait très chaud et, de l’Atlas ni de la mer ne venait un souffle d’air : Un coup de chergui, dit-on ici. Ici, c’est dans la vallée du Souss, au Sud d’Agadir qui n’est pas encore la ville des touristes adeptes du bronzage. 

Il devait être à peu près quatre heures de l’après-midi. Du côté du Tizzin’test, le col qu’il faut passer pour aller à Marrakech, de lourds nuages dont le teint tirait sur le violet étaient arrêtés. L’air autour de nous prit une teinte cuivrée : Une nuée montait et descendait, formant champignon, puis s’élargissant.








C’est alors que les you-you des femmes commencèrent. Ils étaient plus aigus que je ne l’aurais cru possible. Commença aussi le tintamarre des ustensiles de cuisines : Casseroles, poêles, gamelles de toutes sortes, frappées avec ce qui était tombé sous la main, attrapé au hasard … Un tintamarre invraisemblable ! Des cris, il en venait de partout, des bruits de percussion aussi, continus.

Le nuage roux s’était aplati. Il avait perdu de la hauteur. Il s’était abattu sur les terres : Les criquets ! … Les criquets pèlerins, par dizaines de milliers … Et il en arrivait encore, de tous les côtés … On percevait un bourdonnement d’ailes, un froissement, comme un chiffonnement de feuilles de papier … Les sauterelles bourdonnaient à mes oreilles, percutaient mon visage, ma bouche, mes yeux … Il y en avait partout : Sur les branches des buissons de caroubes qu’elles recouvraient entièrement, sur les rares touffes d’herbe qui avaient encore l’apparence de quelques feuilles vertes, sur le sol, sur le tronc des arganiers …









L’air s’était vraiment obscurci et les cris des femmes, le tintamarre qu’elle faisaient en frappant leurs casseroles … Rien ne les avait empêchées de tout recouvrir … Dans la toison des quelques moutons qui se trouvaient là frémissaient des ailes et des antennes …

Allons, dans quelques heures, il ne resterait rien aux alentours : rongées les feuilles des caroubiers et celle de l’arganier, rongés les épineux, rongée l’écorce des eucalyptus , rongé le moindre brin d’herbe verte ou bien sèche : Les criquets grimpaient sur tout ce qui se trouvait là … Et même ils se grimpaient les uns sur les autres, par vagues successives … Ils s’accumulaient dans chaque fente du sol, ils grouillaient partout.

Je me souviens que lors du dernier passage des sauterelles, j’avais couru en maintenant un sac de jute ouvert au-dessus de ma tête : Ma course faisait entrer les bestioles dans le sac …




Nous en avions pris beaucoup comme cela … Que nous avions fait griller au-dessus d’un grand feu et que nous avions mangées … On mange bien des crevettes ! Et je crois me souvenir que les criquets grillés avaient bon goût … demandez donc aux habitants de la plaine du Souss ou de n’importe quelle plaine fréquentée occasionnellement par les criquets!

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