lundi 24 octobre 2011

LES GALERIES D'ART





En ces jours qui nous paraissent si lointains et qui, pourtant, nous sont si proches ... En ces jours que l'on désigne sous le vocable de "Haut Moyen Âge", les gisants des églises rappelaient aux puissants, et aux autres, que l'existence est vaine.

Il suffisait, à l'occasion des offices, de passer un tombeau, pour remettre les choses en place. Mais les gisants étaient encore représentés trop souvent en majesté, personnages de pierre, vêtus de robes de pierre, plissées autant que robes de drap ou de damas.

Certains, pourtant, étaient décharnés. En ces époques où sévissaient pestes et lèpres, chacun se heurtait au réel, passant devant un gisant aux chairs corrompues, dont les tibias perçaient l'étoffe, qui n'était elle-même plus que lambeaux ! Un crâne aux yeux caves ricanait sous la mitre de l'Abbé ...

Le sel de la réalité est bien là : -"Souviens toi que tu es mortel"!

De nos jours, les pestes et les lèpres sont toujours là. Elles arborent d'autres formes. Il semble que la leçon, toujours nécessaire, soit retenue par les artistes modernes. Les peintures et les statues ne figurent pas toutes des sylphides ou des dieux. Les dieux ne sont plus tous solaires, même si les dieux solaires demeurent, qui nous permettent de rêver encore. Les dernières confrontations guerrières, les dernières "avancées"techniques, les bouleversements vécus ou promis ont ramené sur terre les dieux destructeurs : Shiva a repris le rythme de sa danse. Toute une école d'artistes anticipe la destruction complète de notre espèce et de notre monde.

"Souviens toi que tu es mortel"!

On nous avait appris que les civilisation étaient éphémères. Nous commençons aujourd'hui à apprendre que notre univers l'est tout autant.

"Eh! Quoi ? - Il ne resterait donc plus rien ?

Je passais devant une galerie d'art de la rue d'Antibes ... Des crânes en acier inoxydable, les yeux cavés .... Un "big mac" d'acier ... entre les tranches : Des crânes. L'artiste s'appelle Rémy Gingiaro, je crois. Il ne faut pas en douter : C'est un grand artiste.

Il me souvient qu'à Venise, devant le musée dans lequel François Pineau exposait ses collections, trônait un énorme crâne, composé de centaines de canettes en acier inoxydable ...
Ici, il me faut faire une courte halte pour dire que le choix de la matière n'est sans doute pas innocent ...

À Cannes, sur la Croisette, devant la galerie Bartoux ... En plein air, au bord du trottoir ... Art figuratif ... Art moderne :

Destin : la fatalité et son antidote ... Ou le dur rappel à la réalité.

Les statues de Bruno Catalino sont des statues de grandeur nature : Vincent Van Gogh cheminant, sacoche à la main, chevalet aux épaules ...

-"Vincent, Où vas tu ?"

C'est un Vincent de bronze, de bronze rongé de lèpre ... Il voyage ... Où va t il ? Il voyage, mais le destin l'a marqué, inexorablement :

" Souviens toi que tu es mortel !"

Il lui reste le génie ... Corps rongé, à moitié détruit déjà ... comme ceux des gisants des cathédrales et des abbayes ... Si Vincent marche encore, ce ne peut être que vers un anéantissement complet. Anéantissement qui est le destin de tous et de tout.


Explosion de couleurs ... Un élan de joie ... Une sculpture de Josépha.
On ne peut que songer aux "Nanas" de Nicky de Saint Phalle. Polyester poncé,lissé, formes outrées : cuisses, jambes ... Bas résille, dentelles rouges, jaunes, verts, ors .... La pose est une danse. Une main, levée vers le ciel, donne l'envol à un oiseau, l'autre tient une fleur ... Vulgaire? - Certes, les formes et les couleurs sont agressives, les parties du corps les plus intimes sont voluptueuses et exposées : Heurter, provoquer, choquer ... Cette "Nana" sort du peuple, plus encore que les blanchisseuses de Degas ou celles de Maillol. C'est le peuple qui danse là, qui exulte .... Affirmation, proclamation de joie, explosion de vie.

-"Qu'importe la mort, si j'ai la joie !"

La fleur et l'oiseau sont signes de poésie. Faut-il condamner ? - Savonarole l'eut fait, sans aucun doute ... Mais Savonarole fut brûlé vif.

Là, au bord du trottoir de la Croisette, Vincent part en voyage ... Vers son destin, qui est le nôtre. Notre époque semble avoir choisi les "Nanas" de Josépha. Je l'ai déjà dit quelque part :

-"Une plage, longue, longue, longue
Une tranche de pastèque rouge
rouge
rouge
Et cracher les pépins à la face du destin ..."

Et c'est pour cela qu'Andy Warhol peint des canettes de coca cola ! L'acier inox est une autre façon d'espérer l'éternité ... Nous sommes incorrigibles !


Le 3.11.2011





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