MA CHÈRE YVETTE ...
femme qui pétille d’intelligence et d’humour. Elle raconte :
-” Je suis née à Huahiné, sous les cocotiers. J’ai pataugé dans
-” Je suis née à Huahiné, sous les cocotiers. J’ai pataugé dans
le lagon comme tous les enfants. Tous les dimanches matin on
me mettait une robe à volants et je partais vers le temple, mes
chaussures à la main."
"Et puis on me met en pension à Papeete. C’est une capitale. Je
"Et puis on me met en pension à Papeete. C’est une capitale. Je
m’y fais."
"Alors voilà : J’ai douze ans. Il paraît qu’il faut que je poursuive
"Alors voilà : J’ai douze ans. Il paraît qu’il faut que je poursuive
mes études en France. Comme je sors du collège protestant,
on m’envoie à Strasbourg ... C’est où, Strasbourg ? Et puis j’ai
un petit peu peur de ne rien comprendre là-bas ! Je sais très
bien qu’en France, on ne parle ni le Tahitien, ni le véritable
"Le véritable Français ... Tu penses ! Quand j’ai passé le
Certificat d’Études à Papeete, le professeur qui lisait la dictée
... On ne comprenait rien à ce qu’il disait !"
"Quand j’arrivais à comprendre un mot je l’écrivais à la hâte et
"Quand j’arrivais à comprendre un mot je l’écrivais à la hâte et
je laissais tout le reste en blanc, en espérant comprendre
mieux à la relecture ..."
"Nous qui étions habitués à des intonations standard et à des
prononciations bien nettes, détachant bien les syllabes ...
Les copains, dans la classe, me faisaient des signaux
désespérés.
J’étais la plus dégourdie. C’est donc moi qui devais expliquer
J’étais la plus dégourdie. C’est donc moi qui devais expliquer
ce qui se passait ... Je lève le doigt. J’explique. Le professeur
éclate de rire ... Nous avons repris la dictée avec quelqu’un qui
mobiles. Tout le visage est expressif. Les sourcils se lèvent ou
bien se froncent, les narines palpitent,les yeux, les lèvres ...
Une véritable conteuse professionnelle !
"Alors, tu comprends ! J’avais douze ans. Me voilà dans l’avion.
"Alors, tu comprends ! J’avais douze ans. Me voilà dans l’avion.
Bon, l’avion, ça va : On m’en a tant parlé que je ne suis as trop
impressionnée. Je sais que quelqu’un va m’attendre à Paris.
mais c’est qu’il y a une escale à Los-Angelès ! Il faut descendre
de l’avion, entrer dans l’aérogare, passer des contrôles ..."
-” Tu regardes bien : C’est fléché. Tu suis les panneaux sur
-” Tu regardes bien : C’est fléché. Tu suis les panneaux sur
lesquels il y a marqué “Transit” ... Tu ne peux pas te tromper !"
"On monte dans un autobus, je fais comme les autres. J’ai une
valise dans une main, un sac dans l’autre : -”Ne pas les quitter,
tu risquerais de te les faire voler !”
Quelqu’un me donne un ticket ... “Transit” ... C’est bien, c’est
par là ! Couloir, long, long couloir ... Sans fenêtres, éclairé par
des lampes invisibles. Moquettes ... Je marche sur la pointe
des pieds. Un coude à droite, à angle vif. Un autre coude. Long,
long, le couloir !"
"Plus de panneaux ! Affolement.
Le monsieur qi est devant moi. Il parle Français. Il va donc à
"Plus de panneaux ! Affolement.
Le monsieur qi est devant moi. Il parle Français. Il va donc à
Paris. Je le suis. Il marche vite. J’accélère ... Pas une seconde
je n’ai pensé qu’un Français pouvait descendre aux États-Unis!
Nouveau coude ... Plus de monsieur !"
montent toutes seules jusqu’à l’étage au-dessus. Mon
monsieur est là, tout en haut. Comment faire pour monter sur
ces marches qui défilent ? J’ai les deux mains occupées par les
bagages. Je saute à pieds joints ... Me voilà partie !"
"Mais à l’arrivée ? ... A l’arrivée, je me prends les pieds dans
"Mais à l’arrivée ? ... A l’arrivée, je me prends les pieds dans
mon sac et dans ma valise. Je culbute. J’arrive à plat-ventre.
bout du couloir. Je cours ...
J’arrive. Il n’y a plus de porte ! Il n’y a pas de poignée ! Il y a
J’arrive. Il n’y a plus de porte ! Il n’y a pas de poignée ! Il y a
seulement une cloison vitrée, continue."
"Pourtant, mon monsieur a passé, lui ... Je le vois à travers la
"Pourtant, mon monsieur a passé, lui ... Je le vois à travers la
vitre. Arrive une dame. La cloison de verre s’ouvre en deux, la
dame passe, tout se referme."
"Mon monsieur ! Je vais le perdre ! Je fonce dans la vitre. Je
baisse la tête. Je protège mon visage avec mon bras, comme je
peux.
Ça s’est ouvert ! Je ne sais pas comment ..."
"C’était en mille neuf cent cinquante sept. J’avais douze ans.
Ça s’est ouvert ! Je ne sais pas comment ..."
"C’était en mille neuf cent cinquante sept. J’avais douze ans.
J’allais à Strasbourg ."..
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