lundi 17 octobre 2016

LE VENT ... LE VENT ...



LE VENT ... LE VENT ...






















Le souffle du suroît s’installait, rapide, 

régulier. Il n’y eut ni rafales, ni sautes. 

Sans raison apparente, le vent était là, 

tiède. Il nous poussait dans le dos, 

fortement … Il fallut rentrer la tête, plier 

l’échine. Le monde changea. Nous eûmes 

tout de suite l’impression que tout 

bougeait, que tout courait … Notre 

environnement, tout à coup, était devenu 

virtuel en quelque sorte. Plus rien n’avait 

de forme. Il n’y avait plus rien de stable … 























Nous ressentions un peu la même 

impression que si nous nous étions

trouvés subitement et sans l’avoir voulu

debout au beau milieu d’un fleuve rapide.

Le sable s’était soulevé dans son ensemble 

Il partait vers le Nord … Il coulait. Nous 

marchions nous aussi vers le Nord, 

beaucoup plus lentement, bien sûr.

                            








Le sol était toujours aussi ferme sous nos 

pieds, mais il n’était plus visible … Ainsi le 

fond du lit d’un cours d’eau. Le sable sec, 

en grains serrés, courait à hauteur de nos 

mollets. Il atteignit bientôt nos genoux. Il 

s’était fait fluide, léger, rapide, agressif, 

nous harcelant de mille aiguilles. Le corps 

du dauphin mort n’était plus visible. Sans 

à coups, le vent forcit encore. Nous 

titubions comme des pêcheurs à la

mouche au milieu d’une puissante rivière























… Un gros buisson d’épinette passa près

de nous; 

… Ce n’était qu’une boule de branchages 

noirâtres, totalement effeuillée … Il

roulait dans le flux. Alternativement, ses

branches apparaissaient, disparaissaient.

Il s’éloigna très vite, sans cesser de rouler.

                            



L’univers entier était en mouvement. 

Pendant quelques minutes, nous avons 

couru derrière le buisson … Nous étions 

trop essoufflés pour en rire plus

longtemps. 

La mer, qui devait monter maintenant, se 

couvrit de hachures et s’orna de crinières 

blanches. Les oiseaux avaient dû partir se 

mettre à l’abri ou bien ils s’étaient blottis 

dans un creux … 





















                                        Cette mise en

mouvement avait envahi tout l’espace.

C’était le temps qui envahissait tout … Le

temps, le temps qui courait … Le seul

choix possible était de le regarder passer …

Regarder passer le temps, fluide,

impalpable, invincible, vainqueur.


                         




À bien y réfléchir, ce qu’il y avait de 

parfaitement surprenant dans un tel 

spectacle, c’est que le temps, au lieu de 

venir au-devant de nous, arrivait de 

derrière et s’enfuyait dans le même sens 

que notre marche … Aussi vite que nous 

allions, il allait plus vite que nous. C’était 

totalement dérangeant …


                          






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