LES
JARDINS EXTRAORDINAIRES
Ayant
passé la porte par hasard … Porte voûtée d’ogive à caractère médiéval …
J’entrai dans les jardins d’un château fantastique. Ces jardins, eux aussi,
étaient fantastiques : Jardins anglais par certains côtés touffus et sombres,
jardins français par les haies bien taillées que surmontaient les boules bleues
des agapanthes.
Mais l’extraordinaire ne résidait pas là : Il était fait
de tout un peuple qui s’agitait là … Peuple d’apparence humaine, corps sveltes
et jeunes, peaux de bronze patiné.
Je
dis que ce peuple, bien que d’apparence humaine, ne peut être de même humanité
que celui que nous fréquentons communément : Toute confusion est
impossible et ces êtres, de façon évidente, appartiennent à un autre
monde : Le monde du rêve, ou bien le monde extra-terrestre !
Ce
peuple statufié, tout d’abord et à l’évidence, ne se préoccupe nullement des
visiteurs : Il est nu, absolument nu, et sa nudité ne le gêne guère … Ce
peuple est en action … Qui grimpant, qui escaladant, qui encore sautant ou se
balançant.
Et
c’est bien là que nous voyons que ce peuple nous est étranger : La
sculpture classique, habituellement vise à exhausser ce qu’il y a de purement
humain : La pensée. Le Maître, Alain, dans son « Système des
Beaux-Arts » nous en avertit : - « Puisque le costume représente
les devoirs d’obéissance, de politesse et de pudeur, sous leur forme
coutumière, le nu est la négaton de ces choses.
Le nu est donc sacrilège ;
et par là il représenterait assez bien la première audace de la pensée ;
car puisqu’il ne faut qu’un dieu, il faut toujours que la pensée soit
sacrilège. Mais comme le nu annonce aussi les plus vifs de tous les plaisirs,
le sacrilège tourne naturellement en ivresse mauvaise ; ce qui n’est donc
qu’un nouvel esclavage … »
Ce
peuple de bronze qui vit nu dans ces jardins se présente dans des situations
qui nous sont extraordinaires : Entre ciel et terre, entre les tours,
au-dessus des murs, en suspend au-dessus des vasques et des fleurs … Il
est sans pudeur, sans pitié, sans yeux, sans oreilles, sans peur et sans cœur.
Chacun se consacre à son effort … Effort concentré, dont la raison nous échappe
…
C’est
à cela que nous reconnaissons qu’il ne s’agit pas là d’êtres humains … Des
elfes ? Des dieux ? Des êtres venus d’ailleurs ? En effet, le
mouvement est rarement la caractéristique de la sculpture … L’immobilité
traduit mieux la pensée, et la pensée est l’honneur de l’homme. Ici, tout est
en mouvement, tout traduit l’effort, mais aussi tout traduit l’aisance et l’équilibre.
L’effort est évident, mais ses objectifs et ses raisons ne relèvent pas de nos
registres.
Alors,
oui, je dis que ce peuple-là est un peuple qui nous est étranger : Il vit
sa vie, indifférente à la nôtre, complètement indifférente. En cela, les
sculptures qui résident dans les jardins du château de la Napoule sont bien des
sculptures de notre temps :
-
« Le Chrétien
(au contraire) renie son corps ; il voudrait sauver son âme seule ;
ainsi il tient son corps étroitement vétu pour délivrer l’âme. » (Alain
– Le système des Beaux-Arts : De la sculpture).
Notre
temps est le temps des trangressions … Il va parfois jusqu’au blasphème … Par
besoin de croire ?
Les
figurations modernes, qui dérivent le plus souvent de l’imaginaire et prennent
pour modèles les images des bandes dessinées ou celles des films d’animation ne
sont-elles que la traduction d’un besoin maladif, mais profond de certitudes
inaccessibles ?
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