LES BANDES DESSINÉES
Ce matin encore nous passions sur la Croisette. Il faisait beau, mais
sur l’Esterel, de lourds nuages s’étaient accumulés.
Nous nous sommes assis sur
un banc, près du bassin autour duquel des chevaux marins crachent des filets
d’eau claire auxquels les pigeons se désaltèrent
Non loin de nous s’alignaient toute une ribambelle de biches … Ou bien étaient-ce des isards ou des
chevreuils ? Ces animaux féeriques étaient en polyester et chacun était
peint de vives couleurs : Sortis tout droit d’une bande dessinée et venus
d’Azerbaïdjan (Pas moins !).
Et je réfléchissais, tandis que passaient devant moi de fraîches
minettes aux longues jambes, le téléphone portable collé à l’oreille ou bien la
tablette tenue à deux mains à hauteur de la poitrine …
Depuis deux ans que j’habite à Cannes, j’en ai vu, des extra-terrestres,
atterrir et se planter sur les esplanades et sur les trottoirs !
… J’ai vu
débarquer des loups, des caïmans,
des gorilles, d’étranges chiens, des monstres
à l’allure de chats,
des éléphants à peau de caoutchouc, des panthères en
aluminium,
des hommes étranges à peau de bronze, des êtres sortis d’on ne sait
où et couverts de poils de couleur verte, des êtres encore, à quatre visages ou
huit bras, à trois jambes ou à multiples yeux
… J’ai vu s’installer des bonbons
acidulés de plus d’un mètre cinquante … Ils étaient enveloppés dans les
drapeaux aux couleurs de pays suffisamment nombreux pour que l’on fasse entrer
dans le Palais des Festival tout l’ensemble des pays représentés à l’O.N.U.
…
J’ai vu se dresser des piles de violons et autres instruments de musique …
-«Mais c’est tout un album de B.D. que vous me décrivez là ! »
En effet, et les gens adorent ça … Je crois que nos vies sont devenues
tellement chargées d’angoisses que nous éprouvons le besoin de créer d’autres vies,
plus douces :
Notre imagination nous transporte vers d’autres formes, d’autres
couleurs, d’autres personnages qui nous sont tout à fait étrangers ou qui ne
nous ressemblent que de loin, plus gais, plus sûrs d’eux-mêmes et de leurs
lendemains, plus attendris et plus attendrissants …
Et ces jeunes filles qui
passaient, que regardaient-elles sur leurs écrans portatifs, sinon des
.B.D. ?
C’est ainsi que nous créons une autre ville dans la ville : Nous
cachons les murs en y projetant nos rêves et nos envies :
C’est un peu
Dysneyland et tout à la fois un monde dont les excès ne nous font plus peur,
parce qu’on ne peut le prendre au sérieux, celui-là !
Ils ne sont créés que pour tenter d’effacer nos angoisses ! Nous avons besoin des artistes
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