lundi 25 avril 2016

LES BAINS-DOUCHES À ROCHEFORT.





LES BAINS-DOUCHES


À ROCHEFORT - SUR - MER.







































C'est un beau bâtiment, qui se veut néoclassique en quelque sorte. Il se trouve place "Pique-Mouche", ainsi appelée parce qu'autrefois, c'était là, tout autour, que se trouvaient les remises à chevaux de la ville. À l'heure actuelle, il abrite un théâtre mais au fronton figure toujours l'inscription :

" SOIS PROPRE " --- Caton.

De mon temps, comme disent toutes les personnes de mon âge, ce bâtiment abritait les bains-douches. Tous les dimanches matin, nous allions là pour nous laver. Notre mère nous remettait à chacun une serviette et un morceau de savon, un peu de monnaie pour payer l'accès en ce paradis.


























On traversait le terrain des "fortifications" et, dès que l'on atteignait les premiers platanes du square, on entendait monter, confuse mais éclatante, la clameur des bains-douches. C'était au-milieu de cette clameur amplifiée que l'on passait la porte. La responsable avait là son poste, dès l'entrée du hall. On la distinguait encore assez bien, malgré les volutes de buée qui s'enroulaient et se déroulaient. Ici, on pouvait encore distinguer des formes, et même quelques couleurs. L'employée était moins qu'avenante.
On payait, elle donnait un ticket, arraché d'un carnet à souches. On passait alors la deuxième porte. Là, on ne voyait plus rien : Le brouillard était plus épais que dans les marais écossais, en automne au bord du Loch Ness ! En se baissant un peu on réussissait à apercevoir les portes des cabines. Il fallait en trouver une qui soit vacante. Je ne sais trop où se trouvaient les chaudières, mais on les entendait ronfler. On entendait siffler la tuyauterie. On entendait gicler les pommes de douches. On entendait surtout les chants et les sifflements des gens qui étaient en train de se laver ... On ne les verrait pas, chacun arrivant dans le brouillard, s'enfermant dans sa cabine, repartant dans le même brouillard.

Comment dire ? _ Aller aux bains-douches, c'était s'enfoncer dans une fête barbare : Des voix de stentors hurlaient des airs d'opéras ... Airs différents les uns des autres ! D'aucuns chantaient la Marseillaise, d'autres l'Internationale, certains parvenaient, au milieu de tout cela, à faire entendre une romance de Tino Rossi. Il y avait parfois des hurlements sauvages d'Indiens des Montagnes Rocheuses, modulés, prolongés. Il y avait aussi des Yodlis tyroliens, que sais-je encore ! Des portes claquaient. La responsable criait et tambourinait des deux poings sur les portes :

_ " C'est fini ! C'est l'heure ! Il y en a qui attendent leur tour ! "

Protestations de ceux qui affirmaient qu'ils venaient juste d'entrer ... On avait droit à dix minutes. En fait, si l'on restait sourd aux vociférations et aux tambourinements, on parvenait à faire durer le temps, un peu ...






















Une fois refermée la porte de la cabine, le verrou tiré, on était chez soi. Dans le brouillard toujours, mais on était chez soi. On pouvait se déshabiller, accrocher aux patères les vêtements et la serviette, ouvrir les deux robinets l'un après l'autre, en se tenant de biais pour ne pas recevoir les premiers jets, ou bien trop chauds ou bien glacés. L'eau coulait, en véritable cataracte. On hurlait quand la savonnette nous glissait des mains. On frottait, frottait. On chantait la Marseillaise, comme les autres ... Et on faisait, avec délices et ardeur, mousser le savon. Dans nos pays, le sauna est une introduction moderne. Les nuages de vapeur qui envahissaient nos douches devaient bien avoir sur nos corps et nos esprits les mêmes effets toniques que ceux d'un sauna. En tout cas, sortant de là, on avait vraiment l'impression de faire partie d'un peuple et d'avoir communié avec ceux qui le composaient : L'établissement des bains douches comme temple d'une république ... La République de Caton !

_ " Allez, c'est fini ! Il y en a d'autres qui attendent ! Il faut sortir !

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