mardi 7 juin 2016

LA ROCHELLE








LA ROCHELLE


















                          Que dire, de La Rochelle ? – C’est une ville dans laquelle je ne me suis jamais senti chez moi. J’y ai habité pourtant, juste derrière les parcs, dans un quartier dit « La Trompette », non loin d’un autre quartier qui, lui, s’appelle « Jéricho»! 



                – Peut-être le malaise vient-il, justement, de toutes ces références bibliques : La Rochelle, place forte protestante … Richelieu et la digue qui bloqua le port, à la hauteur de la tour à bonnet rouge qui porte le nom du cardinal  … La Rochelle et les débris de ses remparts, les deux tours qui montent la garde à l’entrée du port … La tour des « Quatre Sergents » et ses relents de carbonarisme … La cathédrale, massive, balourde, pompeuse … On dirait prétentieuse : Tout ce qu’il y a de plus « Roi Soleil », sans la grâce.























«  La Rochelle, Belle et Rebelle … »  Tel est le slogan adopté par la ville. Mais de quelle ville parle-t-on là ?  D’une ville boutiquière, marchande, commerçante, besogneuse, usurière … - Rue des Merciers, rue de la Buffleterie, rue des corderies, rue des cordouans, rue des Fuseaux, rue des Gentilshommes … J’imagine une ville pleine d’échoppes, d’ateliers, d’éventaires. J’imagine sous les toits les greniers pleins de sacs : On peut voir encore, en haut des façades les crochets où se fixaient les palans. Les fenêtres sont hautes et donnent sur les combles.

























                    Ou bien parle-t-on d’une ville où des ombres se cachent sous les arcades qui bordent les rues : Les ombres vêtues de noir ou drapées dans les plis amples des capes ? Casernes de l’arsenal, églises, couvents, et la cour des « Grolles » et la cour du Temple … Hôtel de la Monnaie, bastion de l’Évangile, bastion Saint Nicolas, porte Dauphine et porte Royale, et l’arc sous la tour de l’horloge, par lequel on pénétrait dans la ville autrefois. … Rue des Dames, rue des Templiers, rue des Augustins, rue du Temple, rue des Saintes Claires, rue Saint Louis, rue Saint Yon, rue Saint François, rue Saint Nicolas … Imposants bâtiments de la Chambre de Commerce : dans la cour pavée, on imagine les pas mesurés ou pressés, feutrés le plus souvent, les bonnets carrés des scribes et des comptables. Juste à côté, sous les arcades, la prison très austère et le palais de justice : On imagine les robes noires et les jabots blancs. On imagine le va et vient des avocats et des juges.  Derrière l’hôtel de ville aux airs de palais de carton, on voit encore le balcon des échevins. Les échevins, on les voit  graves, imbus de leur grandeur et fiers de tous les secrets de la ville. On imagine les apothicaires et les alchimistes, couvant leurs secrets.













                     




                      La Rochelle est un port, c’est là l’origine de ses richesses et de ses fiertés : Trafics en tous genres sur les côtes d’Afrique, convois vers les Antilles et les Amériques … Mais c’est un vieux port : comme il y a le vieux port de Marseille. Ce vieux port, avec ses quais nus et ses fortifications, il donne son cachet à la ville : La Rochelle, c’est son vieux port. Pourtant, il est devenu bien encombrant, ce vieux port, aux siècles de l’automobile ! …
Par où entrer dans la ville ? Les terrasses des cafés et des restaurants sont toutes en bordure des rues dans lesquelles se suivent les voitures … Les consommateurs ont juste le nez à hauteur des pots d’échappement … Un vrai plaisir !













                   Le vieux port … On en a fait tant de cartes postales, tant d’aquarelles, tant de tableaux ! C’est vrai qu’il est pittoresque, c’est vrai qu’il est beau ! J’aime les ports et j’aime les bateaux. Sur les vieilles lithographies, on voit les grands voiliers qui chargent et qui déchargent au bord du quai de la Grand’Rive. Des marins vont et viennent. Des hommes roulent des tonneaux … Justement … De nos jours, les bateaux sont des voiliers de plaisance, ils ne bougent guère, amarrés à leurs pontons flottants. Personne ne roule plus de tonneaux.  Personne ne charge ni ne décharge … Deux ou trois vedettes, aux beaux jours, emmènent les promeneurs … Ô ! Le mugissement de la corne de brume, par les longues nuits d’hiver  angoissées !

























                        Il faut maintenant parler « des » ports : Les pêcheurs ont été exilés à Chef de Baie : On a construit pour eux des installations grandioses … qui restent déficitaires ! Les cargos et les navires de croisières, eux, sont exilés à La Pallice depuis le début du vingtième siècle. On ne les voit pas, mais ils remplissent d’énormes silos à grains, ils alimentent des chenilles entières de wagons plus ou moins rouillés qui passent dans les faubourgs, vers la Porte Royale et la Porte Dauphine … Ils remplissent les trémies d’engrais agricoles, ils déversent sur les quais les grumes de bois « coloniaux » .…  Aux jours de passage des paquebots, des cars prennent les touristes pour les emmener à la ville et, dans les rues de La Rochelle, on ne parle que l’Anglais … Ces touristes vont de boutique en boutique, s’intéressant tout particulièrement aux parfumeries et aux bijouteries … Il y en encore quelques unes ! Je dis qu’il y en a encore, car le commerce déserte de plus en plus le centre ville : Il faut choisir, et le choix est difficile  …  Ou bien on parvient à limiter la circulation automobile dans la ville et celle-ci deviendra vivable, ou bien on laisse aller les choses … Mais si on limite la circulation et le stationnement des voitures, les commerces ferment … Dans la vieille ville, on ne trouve plus guère que des magasins de chaussures et des boutiques de « fringues» … Allez donc contenter tout le monde !











         Nous n’entendrons plus les crieuses de sardines au retour des fileyeurs …

-« À la sans sel ! »

Le nouveau port de plaisance ? – C’est le plus grand de la côte atlantique, c’est vrai, et j’aime beaucoup les bateaux, mais ces garages à bateaux ! Combien de fois verrez vous un bateau hisser les voiles ? – Quelques uns, bien sûr, mais bien peu de bateaux qui bougent ! - Une forêt de mâts, immobiles, tristes et nus ! Un port de plaisance n’est plus un lieu de promenade ! … Ah ! Rendez-moi ces petits ports où les barques venaient s’échouer et où fleurissaient les focs parmi les mâtures !

        – « En voulez-vous, de mes chinchards ou de mes maquereaux ? » - Le mousse vendait sa part de tacots et emportait quatre sous à son foyer … Il était fier, le mousse : Il était un homme de mer !























                           Les parcs ? – Le parc Charruyer, les jardins du Mail, le parc d’Orbigny, celui de Chef de Baie, celui des Minimes … C’est vrai, il y a les parcs, ils sont superbes et vastes. Ils occupent tout l’espace marécageux qui restait autrefois hors les murs. On peut s’y promener et y faire son jogging matinal. Avouons cependant qu’ils ne sont pas aussi fréquentés qu’on pourrait le croire … Aurait on peur des marginaux qui passent la nuit sur les pelouses avec leurs chiens aussitôt les beaux jours venus ?

Comme toutes les villes du monde, La Rochelle s’est agrandie et, à la fin d’une journée de travail, tout le monde prend le volant de sa voiture pour regagner sa maison dans les villages alentour : La Jarne, la Jarrie, Lhoumeau, Esnandes, Beaulieu, Angoulins, Saint Xandre, Saint sauveur voire Chatellaillon ou même Rochefort , l’île de Ré …

Plus de magasins dans le centre ville ? – Eh ! Ils sont dans la périphérie : La grande distribution, comme partout, s’est installée hors les murs ! Pour acheter deux écrous et trois boulons, il vous faudra prendre votre voiture et vous rendre à Périgny ou à Beaulieu. Vous pouvez également vous y rendre en prenant l’autobus, mais il vous faudra presque la demi journée pour faire l’aller et retour !
























            Les maisons à colombages, les ruelles étroites, les belles pierres et les hôtels particuliers des anciens armateurs rochelais, les tours et les remparts … Ils sont en passe se retrouver dans un espace muséal, certes rénové, protégé, ravalé, nettoyé, sacralisé … Mais qui n’en sera pas moins hors du réel : Venise, la « belle et rebelle » ?
 La Rochelle sera-t-elle l’exception qui confirmera la règle ?

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