CAR IL Y A
UN CHIEN, SUR L’ÎLE …
Des atolls, il y en a
qui sont tout petits. Vus d’avion, on dirait qu’un ange a laissé tomber une
alliance sur l’eau. L’île Maria, quand on va vers l’archipel des Gambier, est
un anneau parfait. Son lagon est versicolore.
De temps à autre la
goélette mouille son ancre près de chaque atoll pour embarquer la récolte de
coprah. Si l’océan est trop profond pour qu’on puisse y mouiller une ancre, le
bateau fait des ronds dans l’eau pendant que les chaloupes font le va et vient.
Mais sur ces petits atolls, il n’y a pas de résidents permanents. On n’y vient
que pour la récolte.
L’atoll dont je vais
vous parler est tout petit, mais il est habité toute l’année et ceci depuis
longtemps. Il y a eu deux familles, installées ici depuis des lustres et des
lustres. L’une demeurait à l’extrémité sud de l’atoll, l’autre à l’extrémité
nord. Je ne connais pas l’histoire de ces deux familles, toujours est-il que le
temps a passé ... Il ne reste plus, au sud, qu’une vieille seule, bien vieille.
Au nord, il ne reste plus qu’un vieillard, bien vieux.
Il faudrait connaître
leur histoire pour savoir pourquoi ils sont fâchés : Ils ne se parlent plus,
ils ne se voient plus, ils ne se rencontrent plus ... Et ce n’est pas facile
sur un atoll si petit ... Il faut y mettre du sien!
Bien entendu, sur
l’île, il n’y a pas d’eau, pas plus que sur toutes les îles ... Il y a une
ancienne citerne en béton, que les hommes de La Légion Étrangère ont construite
il y a longtemps ... Du temps où les deux familles n’hésitaient pas à se
rencontrer. Cette citerne collecte les eaux de pluie, qui ruissellent sur son
toit de tôles. Il manque d’ailleurs des tôles : Elles ont rouillé et puis le
vent les a plus ou moins arrachées, un jour où le vent d’un cyclone a soufflé.
Le vieux, la vieille,
vont jusqu’à la citerne, quand ils ne peuvent pas faire autrement. Mais alors,
qu’il s’agisse du vieux, qu’il s’agisse de la vieille, on emmène le chien avec
soi. Car il y a un chien sur l’île. Un grand diable de chien efflanqué. C’est
le seul qui n’a pas été mangé.
Il n’a pas été
mangé parce qu’il rend des services : Quand on va jusqu’à la citerne, on emmène
le chien. Il fréquente indifféremment l’un et l’autre des habitants et ,
semble-t-il, il n’a rien à faire de leurs vieilles querelles. Mais quand on va
à la citerne ... Si “l’autre”y est déjà, le chien se met à japper. On sait
alors que ce n’est pas le moment d’y aller !
Quant à sa nourriture
... Quand il ne pêche pas assez de poissons sur le récif, ( car les chiens
savent pêcher dans les flaques du récif!) il fait le chemin entre le nord et le sud, le chemin qui est sa
trace et n’est rien d’autre que sa trace. C’est lui qui assure la seule liaison
entre la vieille et le vieux !
Et cela fait des
années que cela dure ! Ne me demandez pas le nom de ce petit atoll, je l’ai
oublié. Je le regrette.
Les deux vieillards sont-ils
toujours là ?
Et le chien ?
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