IL
EÛT FALLU SAVOIR LIRE, DANS CET
ALPHABET OUBLIÉ
L’angoisse
ne s’était pas encore infiltrée
Dans
les artères de la ville
Nous
n’avions pas encore appris la peur
Le
volcan avait prévenu pourtant
Il
eut fallu savoir lire
Savoir
lire dans cet alphabet oublié
Savoir
lire les racines de feu gonflées
Les
plumetis de cendres
La
déroute des serpents
Savoir
lire aux veines des ruisseaux
Les
accélérations
Les
changements de couleurs
On ne
nous avait pas appris la méfiance
Maman
Rosa partit chercher son pain
Comme
chaque matin
Coiffée
de son madras
Son
panier à la main
Quelques-uns
étaient montés voir
Ce
qui se passait là-haut
L’Etang-Sec
était plein d’eau rouge
En
son milieu un cône noir
Crachait
des fumées
Paisiblement
Mon Dieu
mon Dieu
Que
l’océan sait être bleu
Les
voiliers en attente
Dodelinaient
Il
eut fallu
Savoir
lire les battements d’ailes du coq
Qui
ne savait plus quoi chanter
C’était
à huit heures du matin
Huit
heures et deux minutes très exactement
À la cathédrale
de la ville
Le
bronze a fondu
Les
carillons se sont tus
Nul
ne saura jamais leur plainte
Ni
leur cri
Là où
ton pied se pose prends garde
Tu
marches sur la cendre des os brûlés
Murs
noircis
Sans
toits
Sans
poutres et sans chevrons
C’était
à huit heures du matin
Huit
heures et deux minutes très exactement
Les
amours se sont étranglées
Dans
un monstrueux orage
C’était
à huit heures et deux minutes très
exactement
Et le
verre a fondu
La
ville a flambé
La
rivière a bouillonné
C’était
à huit heures et deux minutes très
exactement
Le
huit mai mille neuf cent deux
Et la
terre tremblait
La
rue Monte-au-Ciel s’est fendue
La
nuée a dévalé
Les
barriques ont éclaté
Dans
les rhumeries et sur les quais
Noirs
cumulus roulant se déroulant
Explosions
de colères rouges et jaunes
Plages
noires
L’océan
seul vivant encore
Recouvre
des carcasses de navires
morts
C’était
à huit heures du matin
Huit
heures et deux minutes très exactement
Un
dimanche du mois de mai
Un
jour de premières communions
Encens
Brassards
et mousselines blanches
C’était
à huit heures du matin
Huit
heures et deux minutes très exactement
Le
huit mai mille neuf cent deux
A
huit heures et deux minutes très exactement
Et
les mots à jamais se sont tus
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