Hier, nous sommes allés au cimetière du Grand Jas (Je me demandais pourquoi il porte ce nom et s'il fallait le mettre en rapport avec l'avenue du Petit Juas qui n'est pas très éloignée de là ... Eh bien non, le mot "jas" qualifie tout simplement en Provençal un gîte, une bergerie, alors que "Juas" est tout simplement un patronyme.)
J'étais parti dans l'intention de prendre quelques clichés et de vous les proposer, mais à l'entrée du cimetière, une inscription sur une plaque interdit de prendre des photos ou de tourner des films ... Après tout, ce n'est pas tout à fait anormal et on peut comprendre que le champ du repos soit réservé à la sphère de l'intimité.
Vaste champ du repos ... Dire que l'agglomération ne date que d'un siècle et demie ! Le cimetière est implanté sur une colline, qu'il occupe entièrement et dont il descend les pentes. Les allées sont bétonnées ou goudronnées, les tombeaux sont accolés les uns aux autres : Pas la moindre place pour laisser pousser de l'herbe. Chez moi, les cimetières réservent des pelouses et des massifs de fleurs ... Ici, l'univers est entièrement minéral : Monuments de marbres dépolis par le temps, mais marbre tout de même .... Plus bas, les tombes plus récentes sont de granit.
Mais je m'aperçois que je parlais de tombeaux lorsque je me trouvais en haut de la colline ... Je parle de tombes lorsque je regarde sur les terrasses du bas .... Monuments divers, souvent somptueux, parfois étranges, parfois démesurés, parfois prétentieux : Nous sommes dans les hauts, les sépultures y sont familiales, nous nous trouvons dans des allées bordées de monuments sur lesquels s'inscrivent les noms et prénoms de plusieurs générations successives ... Parmi ces noms, certains sont accompagnés de l'indication des fonctions : Un Maire de Cannes, un Capitaine de la Marine Marchande, un Notaire, un Consul de la république Argentine, un Général signalé par une photo et toutes ses décorations, des Comtes et des Marquis, des princes et des princesses, de nobles Anglais, de nobles Russes ... Que sais-je encore ? ... Un tombeau collectif pour une confrérie de soeurs catholiques ... Une pyramide plus grande que celle du Louvre à Paris, un tombeau que l'on prendrait pour une boutique de luxe : Verre noirci et acier, des statues de pleureuses ....
Plus bas, les tombes sont plus petites, plus modestes ... Le plus souvent on n'y lit que deux noms : Un couple ... Leurs enfants, s'ils en ont eu, seront partis ailleurs ... Où ? ... Les hommes et les femmes sont devenus tellement voyageurs instables et les familles sont tellement dispersées dans l'espace ! Il n'y aura plus de tombeaux, rien que des tombes.
Carré de la Marne ... Carré militaire ... Tombes entretenues par le Souvenir Français : Soldats musulmans ou Chrétiens, soldats tout simplement : "Morts pour la France" pendant la Guerre de Quatorze ... Il y avait tellement d'hôpitaux sur la Côte d'Azur, pour soigner ceux qui avaient été blessés sur le front !
Malaise ... Malaise dans ces allées de pierre, entre ces rangées de pierres, entre ces rangées vides et si peuplées cependant ... Malaise devant ces nécropoles où rien ne bouge, où rien ne pousse ... À peine une voiture glisse lentement dans une allée : Une veuve âgée que l'on accompagne sur la tombe de son époux ... Mais une seule ... Deux employés aux gestes lents, au loin, sur les terrasses du bas ... Pas vraiment un parterre de fleurs ... et l'allée que je suis s'appelle "l'allée des Immortelles"!
Dans le cimetière du Cannet, au moins, il y avait des chats ... Et deux braves femmes qui venaient nourrir les chats ..
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