UN INSTANTANÉ
Un héros anticolonialiste, autonomiste, et même, peut-être,
indépendantiste, trône sur un piédestal devant l’Assemblée Territoriale.
Naguère, il fut emprisonné, jugé, condamné, exilé. Lui,
maintenant, il s’en moque éperduement, parce qu’il est mort depuis pas mal de
temps ...
Il n’y a ici que son buste. On lui a accroché autour du cou une
pancarte qui proclame son innocence. C’est sa réhabilitation que l’on demande.
Près de là un quidam est assis sur une chaise. Il a le ventre nu
et bien rond.Il s’accoude à une table de camping. Un grand parasol bleu lui
fait l’ombre.
“GRÈVE DE LA FAIM”
C’est dimanche aujourd’hui. Aucun passant. Il est près de dix
heures, tout le monde est à la plage. Plus loin, un second parasol, rouge
celui-là. Il est installé sous un arbre : Le gréviste déménagera quand il fera
trop chaud.
Un grand escogriffe en paréo, les cheveux ébouriffés,les épaules
et le torse puissants, sonne de la conque à intervalles réguliers : c’est le
cri des Polynésiens. On l’entend de très loin, un peu comme une corne de brume.
Une alarme et tout à la fois une lamentation ...
Le héros, sur son piédestal, tout cela, il s’en moque : Cela ne
lui fera pousser ni des bras, ni des jambes ...
Une chienne passe, rousse,
traînant ses mamelles dans la poussière ...
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