mardi 18 août 2015

LES CHINOIS À TAHITI




























En 1865 un aventurier irlandais du nom de Steward affréta trois navires pour recruter et ramener en Polynésie des travailleurs chinois. Il les prit aux environs de Canton. Il voulait cultiver le coton et la canne à sucre dans son vaste domaine d’Atimaono, sur Tahiti.

L’exploitation agricole, la plus grande et la plus importante que la Polynésie ait jamais connue, fit faillite. Les Chinois, à qui l’on avait cependant promis le rapatriement en fin de contrat, furent contraints de rester à Tahiti. Ils n’avaient pas grand’chose qui leur appartînt. Ils se mirent au travail. Les Chinois sont rarement paresseux. Bientôt, ils maîtrisaient le colportage, puis les “restaurants chinois” se mutiplièrent, enfin, ils dominèrent le commerce local et le commerce d’importation.

J’ai connu le temps où la famille chinoise habitait dans son magasin, faute d’avoir une maison pour se loger et le temps de faire autre chose que s’occuper de son commerce. Le soir, après l’heure où il n’y avait plus de clientèle, les femmes repassaient dans la boutique les vêtements de leurs enfants pour qu’ils aillent à l’école. Un enfant chinois, par définition, avait une chemise blanche impeccable et un short ou une jupe bleu-marine tout aussi impeccable.











Pendant que les femmes lavaient ou repassaient, les enfants, sous la conduite du père, remplissaient les sachets du riz qui serait vendu au détail le lendemain.
La mère tenait les comptes et manipulait le boulier avec dextérité. Je crois bien qu’elle seule connaissait l’état des finances du commerce. Le père faisait la manutention. La nuit venue, tout le monde mangeait sur place puis arrangeait sa couchette dans le magasin.

Travail, rigueur, le sens du commerce, un don évident pour faire fructifier son argent, la solidarité familiale, sont les clefs de la réussite des Chinois en Polynésie. Celle-ci est passée par la main-mise, sans trop de résistance sur les monopoles de la vente du coprah, de la vanille, puis pratiquement sur toutes les importations. Plus tard ils se sont lancés dans la perliculture.

Dans un famille chinoise de Tahiti, on fait faire des études aux enfants. On en envoie un à l’université en Amérique, l’autre en France, et s’il y en a un troisième, ou une troisième, on l’envoie en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Ces mêmes pays d’ailleurs sont ceux où l’on investit, souvent dans l’immobilier. On commence , depuis quelque temps à infiltrer la classe politique et le Pays a été récemment gouverné par Gaston Tong Sang, qui appartient à la communauté chinoise et dont les parents tenaient une épicerie à Bora-Bora. Rien à dire : Ils ont travaillé dur !










Au départ de ce petit texte, je n’avais pas l’intention de raconter la saga chinoise à Tahiti, quelle que soit la sympathie que j’ai pour leur réussite. Je voulais simplement raconter une histoire, une toute petite histoire sans importance ...

Mais, peut-être, ma petite histoire, digne d’un album de Lucky Luke, fera-t-elle réfléchir les jeunes Chinois, dont on me dit que certains ont oublié le travail fourni par leur parents. On me dit qu’ils auraient tendance à dépenser et à rechercher les facilités de la vie que leurs parents leur ont faite. Qu’ils écoutent ma petite histoire !

En 1967, à Raïatea, au pied du mont Tapïeuil il était une ancienne exploitation agricole. Nous allions y cueillir des citrons verts et des goyaves. Le gardien du domaine était un vieux Chinois. Il vivait seul, pauvre comme Job, dans une pauvre case en bois posée de guingois sur quatre pilots de pierre. Il était très aimable, très affable et ne faisait de mal à personne. Que “gardait”-il, ce “gardien”? ... Le domaine était à l’abandon.

Cela se passait à peu près à l’endroit où, plus tard, on construisit le lycée professionnel de Uturoa.




Et c’est même, peut-être, le lycée professionnel en question qui fut la cause des évènements.

Un arpenteur se montra un beau matin. Il était équipé : alidade, piquets peints en rouge à bandes blanches, décamètre ... Il avait un assistant pour déplacer les piquets. Je ne questionnai pas. J’observai le travail pendant un moment, puis je rentrai chez moi.

Quelques jours plus tard, je repassai par là ...
Réellement, je ne peux que penser aux aventures de Lucky Luke et à celles des frères Dalton !

... On avait arpenté le terrain pour délimiter une clôture. Cette clôture était matérialisée par quatre rangs de fils de fer barbelé ...





Les quatre rangs de fil de fer barbelé perçaient les planches du mur de la case du “gardien” et ressortaient de l’autre côté : La case était posée exactement sur la ligne de limite du terrain, alors, on avait traversé la maison, qui était, à partir de ce moment là, coupée en deux par la “clôture de la honte”.

Je n’ai pas entendu dire que le “gardien” chinois ait émis une plainte. Il continua d’habiter sa maison ... Et personne ne trouva rien à redire.




 

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