En 1865 un aventurier irlandais du nom de
Steward affréta trois navires pour recruter et ramener en Polynésie des
travailleurs chinois. Il les prit aux environs de Canton. Il voulait cultiver
le coton et la canne à sucre dans son vaste domaine d’Atimaono, sur Tahiti.
L’exploitation agricole, la plus grande et
la plus importante que la Polynésie ait jamais connue, fit faillite. Les
Chinois, à qui l’on avait cependant promis le rapatriement en fin de contrat,
furent contraints de rester à Tahiti. Ils n’avaient pas grand’chose qui leur
appartînt. Ils se mirent au travail. Les Chinois sont rarement paresseux.
Bientôt, ils maîtrisaient le colportage, puis les “restaurants chinois” se mutiplièrent,
enfin, ils dominèrent le commerce local et le commerce d’importation.
J’ai connu le temps où la famille chinoise
habitait dans son magasin, faute d’avoir une maison pour se loger et le temps
de faire autre chose que s’occuper de son commerce. Le soir, après l’heure où
il n’y avait plus de clientèle, les femmes repassaient dans la boutique les
vêtements de leurs enfants pour qu’ils aillent à l’école. Un enfant chinois,
par définition, avait une chemise blanche impeccable et un short ou une jupe bleu-marine
tout aussi impeccable.
Pendant que les femmes lavaient ou
repassaient, les enfants, sous la conduite du père, remplissaient les sachets
du riz qui serait vendu au détail le lendemain.
La mère tenait les comptes et manipulait
le boulier avec dextérité. Je crois bien qu’elle seule connaissait l’état des
finances du commerce. Le père faisait la manutention. La nuit venue, tout le
monde mangeait sur place puis arrangeait sa couchette dans le magasin.
Travail, rigueur, le sens du commerce, un
don évident pour faire fructifier son argent, la solidarité familiale, sont les
clefs de la réussite des Chinois en Polynésie. Celle-ci est passée par la
main-mise, sans trop de résistance sur les monopoles de la vente du coprah, de
la vanille, puis pratiquement sur toutes les importations. Plus tard ils se
sont lancés dans la perliculture.
Dans un famille chinoise de Tahiti, on
fait faire des études aux enfants. On en envoie un à l’université en Amérique,
l’autre en France, et s’il y en a un troisième, ou une troisième, on l’envoie
en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Ces mêmes pays d’ailleurs sont ceux où
l’on investit, souvent dans l’immobilier. On commence , depuis quelque temps à
infiltrer la classe politique et le Pays a été récemment gouverné par Gaston Tong
Sang, qui appartient à la communauté chinoise et dont les parents tenaient une
épicerie à Bora-Bora. Rien à dire : Ils ont travaillé dur !
Au départ de ce petit texte, je n’avais
pas l’intention de raconter la saga chinoise à Tahiti, quelle que soit la
sympathie que j’ai pour leur réussite. Je voulais simplement raconter une
histoire, une toute petite histoire sans importance ...
Mais, peut-être, ma petite histoire, digne
d’un album de Lucky Luke, fera-t-elle réfléchir les jeunes Chinois, dont on me
dit que certains ont oublié le travail fourni par leur parents. On me dit
qu’ils auraient tendance à dépenser et à rechercher les facilités de la vie que
leurs parents leur ont faite. Qu’ils écoutent ma petite histoire !
En 1967, à Raïatea, au pied du mont
Tapïeuil il était une ancienne exploitation agricole. Nous allions y cueillir
des citrons verts et des goyaves. Le gardien du domaine était un vieux Chinois.
Il vivait seul, pauvre comme Job, dans une pauvre case en bois posée de
guingois sur quatre pilots de pierre. Il était très aimable, très affable et ne
faisait de mal à personne. Que “gardait”-il, ce “gardien”? ... Le domaine était
à l’abandon.
Cela se passait à peu près à l’endroit où,
plus tard, on construisit le lycée professionnel de Uturoa.
Et c’est même, peut-être, le lycée
professionnel en question qui fut la cause des évènements.
Un arpenteur se montra un beau matin. Il
était équipé : alidade, piquets peints en rouge à bandes blanches, décamètre
... Il avait un assistant pour déplacer les piquets. Je ne questionnai pas.
J’observai le travail pendant un moment, puis je rentrai chez moi.
Quelques jours plus tard, je repassai par
là ...
Réellement, je ne peux que penser aux
aventures de Lucky Luke et à celles des frères Dalton !
... On avait arpenté le terrain pour
délimiter une clôture. Cette clôture était matérialisée par quatre rangs de
fils de fer barbelé ...
Les quatre rangs de fil de fer barbelé perçaient les planches du mur de la case du “gardien” et ressortaient de l’autre côté : La case était posée exactement sur la ligne de limite du terrain, alors, on avait traversé la maison, qui était, à partir de ce moment là, coupée en deux par la “clôture de la honte”.
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