vendredi 4 novembre 2016

LA POÉSIE VIVANTE





L’autre voie             
           

          L’autre voix
 TANNA - île du Pacifique (Vanuatu - anciennement Nouvelles Hébrides - L'un des lieux les plus éloignés du modernisme - J'y ai séjourné pendant trois ans ...)







Notre démarche scientifique emprunte des chemins balisés par ce que nous appelons la raison. À Tanna (et ce n’est qu’avec le recul du temps que je le perçois si nettement…), à Tanna régnait la poésie. Y règne-t-elle encore, en 2010, où bien le « monde blanc » est-il parvenu à planter ses balises ?
Je relis Octavio Paz :
-   « La discorde entre poésie et modernité n’est pas accidentelle, mais consubstantielle. Ella apparaît dès l’aube de l’ère contemporaine au sens large, avec les premiers romantiques. Paradoxalement, cette incompatibilité est l’un des attributs de la poésie moderne, peut-être son élément central, qui la rend acceptable pour le lecteur. Celui-ci, en effet, voit en elle une image de sa propre situation. Seuls des modernes pouvaient être antimodernes de façon aussi radicale , écartelée, que l’ont été tous nos grands poètes. Fondée sur la critique, la modernité sécrète naturellement son autocritique. La poésie a été une des manifestations les plus vives, les plus énergiques de cette démarche. Sa critique n’a été ni rationnelle ni philosophique ; elle a été passionnelle, elle s’est faite au nom de réalités ignorées ou refusées par l’âge moderne. La poésie a résisté à la modernité ; en la niant, elle l’a vivifiée. Elle a été sa réplique et son antidote. »
-    
Les Men-Tanna, après avoir essuyé les coups de canon des premiers visiteurs européens, après avoir été contraints à quitter leurs cases de bambous pour se rapprocher des églises, après s’être embarqués sur les bateaux des recruteurs pour aller travailler dans les mines de Nouvelle-Calédonie ou sur les plantations néo-zélandaises et australiennes, après avoir plié sous le joug de la « Tanna Law » des missionnaires presbytériens et anglicans … Les Men-Tanna sont retournés à la poésie. Certes, notre poète mexicain ne pensait guère aux Men-Tanna lorsqu’il s’exprimait dans « L’Autre Voix », mais le développement de sa pensée s’intègre  tellement  à ma réflexion actuelle !

Une page plus loin, n’ajoute-t-il pas :
-   « La poésie est la mémoire faite image et l’image transmuée en voix. L’autre voix n’est pas celle d’outre-tombe ; c’est la voix de l’homme endormi au fond de chaque homme. Elle a mille ans, elle a notre âge et n’est pas encore née. C’est notre aïeul, notre frère et notre arrière-petit-fils.
-    
Ajoutons, (je cite de mémoire), La réflexion d’une vieille dame dont je ne souviens plus le nom. Elle répond à Margaret Critchlow Rodman, l’anthropologue (Houses Far from Home – 2001-University of Hawaï Press) : 

-   « Mais non, ils ne sont pas revenus à l’âge de la pierre polie … Le mode de pensée et le mode de vie qu’ils ont adoptés sont des réponses à leur environnement et à leur histoire … Des réponse « modernes » … D’autres réponses. »
-    
D’ailleurs, la même anthropologue n’écrit-t-elle pas, en exergue du chapitre concernant Tanna :
-          « In Tanna, all stories start with rumors and end as myths. »
Ce que je traduirais par :
-   «  À Tanna, toute histoire débute par des rumeurs et s’achève sous forme de mythe. »

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