L’autre
voie
L’autre voix
TANNA - île du Pacifique (Vanuatu - anciennement Nouvelles Hébrides - L'un des lieux les plus éloignés du modernisme - J'y ai séjourné pendant trois ans ...)
Notre démarche scientifique emprunte
des chemins balisés par ce que nous appelons la raison. À Tanna (et ce n’est
qu’avec le recul du temps que je le perçois si nettement…), à Tanna régnait la
poésie. Y règne-t-elle encore, en 2010, où bien le « monde blanc »
est-il parvenu à planter ses balises ?
Je relis Octavio Paz :
- « La
discorde entre poésie et modernité n’est pas accidentelle, mais
consubstantielle. Ella apparaît dès l’aube de l’ère contemporaine au sens
large, avec les premiers romantiques. Paradoxalement, cette incompatibilité est
l’un des attributs de la poésie moderne, peut-être son élément central, qui la
rend acceptable pour le lecteur. Celui-ci, en effet, voit en elle une image de
sa propre situation. Seuls des modernes pouvaient être antimodernes de façon
aussi radicale , écartelée, que l’ont été tous nos grands poètes. Fondée sur la
critique, la modernité sécrète naturellement son autocritique. La poésie a été
une des manifestations les plus vives, les plus énergiques de cette démarche.
Sa critique n’a été ni rationnelle ni philosophique ; elle a été passionnelle,
elle s’est faite au nom de réalités ignorées ou refusées par l’âge moderne. La
poésie a résisté à la modernité ; en la niant, elle l’a vivifiée. Elle a
été sa réplique et son antidote. »
-
Les Men-Tanna, après avoir essuyé les
coups de canon des premiers visiteurs européens, après avoir été contraints à
quitter leurs cases de bambous pour se rapprocher des églises, après s’être
embarqués sur les bateaux des recruteurs pour aller travailler dans les mines
de Nouvelle-Calédonie ou sur les plantations néo-zélandaises et australiennes,
après avoir plié sous le joug de la « Tanna Law » des missionnaires
presbytériens et anglicans … Les Men-Tanna sont retournés à la poésie. Certes,
notre poète mexicain ne pensait guère aux Men-Tanna lorsqu’il s’exprimait dans
« L’Autre Voix », mais le développement de sa pensée s’intègre
tellement à ma réflexion actuelle !
Une page plus loin, n’ajoute-t-il pas
:
- « La poésie est
la mémoire faite image et l’image transmuée en voix. L’autre voix n’est pas
celle d’outre-tombe ; c’est la voix de l’homme endormi au fond de chaque
homme. Elle a mille ans, elle a notre âge et n’est pas encore née. C’est notre
aïeul, notre frère et notre arrière-petit-fils.
-
Ajoutons, (je cite de mémoire), La
réflexion d’une vieille dame dont je ne souviens plus le nom. Elle répond à
Margaret Critchlow Rodman, l’anthropologue (Houses Far from Home –
2001-University of Hawaï Press) :
- « Mais non, ils
ne sont pas revenus à l’âge de la pierre polie … Le mode de pensée et le mode
de vie qu’ils ont adoptés sont des réponses à leur environnement et à leur
histoire … Des réponse « modernes » … D’autres réponses. »
-
D’ailleurs, la même anthropologue
n’écrit-t-elle pas, en exergue du chapitre concernant Tanna :
-
« In Tanna, all stories start with rumors and end as myths. »
Ce que je traduirais par :
- « À Tanna,
toute histoire débute par des rumeurs et s’achève sous forme de mythe. »
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