LE DÉTROIT DE MAGELLAN ET LE
CANAL DE BEAGGLE
Paysage couleur de tôle
Tôle galvanisée
Terne
Étain en haut
Plomb en bas
Lévitation
Tapis volant
*
Blessures dans la roche
Blessures profondes
Nécroses
Fin du monde
Tout est gris
Rocs
Murs
Arbres rabougris
Silence
Silence à force d’accoutumance
Mon cœur bat-il encore ?
L’horreur
L’horreur d’une beauté grandiose
Faille
Failles et glaciers
Épouvante muette
Tout est gris
Des glaçons dodelinent
Se heurtent
Se saluent,
S’éloignent
Se rapprochent
Muets
Pas un être vivant
Pas un marsouin
Pas une baleine
Un phoque
Une otarie
Un poisson qui sauterait
Mais peut-on sauter hors de cette
eau ?
Pas une vague
À peine une aile là-bas
Au ras de l’eau
De ce qui doit être de l’eau
Grise
Et qui se replie très vite
Est-il vrai que quelque chose a
bougé ?
Roc
Roc
Roc
Roc roc
Basculé
Bousculé
Dressé
Griffé
Fracturé
Déchiré
Vertical
Carcasses de bateaux naufragés
Pourries
Rouillées
Rougies
Blanchies
Noircies
Muettes
Mortes
L’ange de la mort planerait-il
Quelque part ?
Même l’ange de la mort n’est pas là
et sa voix s’est perdue
Le monde est minéral et métallique
Seul le vide règne ici
Mon âme est immobile
Satan
Une glissade sur ton aile
Pour que se meuve quelque chose
ici !
Âmes des marins d’autrefois
Où êtes-vous parties ?
Achab
Capitaine Achab
La dunette est vide
Les chants des matelots étaient-ils
trompeurs ?
Aucun d’entre vous n’a-t-il abordé
à Valparaiso ?
Âmes des Alakaloufs
Avez-vous cessé de gémir ?
*
J’ai vu le condor des Andes
Mort
Desséché et racorni
Son œil était gris
J’ai vu des monceaux de pierres
De pierres et de coquilles
Vides
J’ai vu une croix de bois
Elle étendait les bras
Des bras sans couleur
Elle disait la mort
Ah ! Que vite
Très vite
On voie venir ici un autobus
De toutes les couleurs
Que vite une trompette sonne
ici !
Que vienne ici
Une troupe de clowns de pingouins
et de canards
Que sonnent tambours et
cymbales
Ou bien qu’une cloche sonne !
Au moins qu’une flûte pleure
ici !
Que nos âmes retrouvent vie
Et que nous chantions à nouveau
Les voiles qui claquent
Et les haubans qui vibrent !
Au milieu du dernier village
De tôles et de bois noircis
On a dressé une pauvre balançoire
Quand le temps le permet
Des enfants s’amusent ici
Pour l’heure, la balançoire est
vide …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire