Ils leur promirent des
vents
favorables …
_"Maintenant,
si tu veux, je vais te raconter, pour terminer, une autre histoire. Elle donne
une autre origine à la mortalité de l'homme :
_
" Une pirogue des îles Tonga, un jour, en revenant de Viti-Levu, fut
entraînée par les vents jusqu'à Boulotou qui, comme chacun sait, est le séjour
des dieux.
Les
navigateurs qui montaient cette pirogue, ignorant où ils étaient et manquant de
provisions, abordèrent dans cette île en la voyant couverte de toutes sortes de
fruits.
Ils
voulurent y cueillir des fruits à pain, mais, à leur grand étonnement, ils
s'aperçurent qu'ils ne pouvaient pas les toucher : On aurait dit qu'ils
n'étaient que des ombres, les doigts ne saisissaient rien du tout ... Les
troncs des arbres, de même, n'arrêtaient pas leur marche : Ils passaient au
travers comme s' ils n'avaient pas existé. Les murs des maisons, qui étaient
pourtant construites comme celles des Tonga, ne leur opposaient aucune
résistance ...
Les
dieux leur commandèrent de partir immédiatement en leur disant qu'ils ne
pouvaient leur offrir aucune nourriture qui leur convienne. Ils leur promirent
des vents favorables et un prompt retour dans leur pays.
Ils
reprirent donc la mer et, leur pirogue filant à une vitesse prodigieuse, ils
gagnèrent en deux jours les Samoa où il leur fallait relâcher. Ils demeurèrent
deux jours aux Samoa et retournèrent dans leur île.
Peu
de jours après leur retour chez eux, ils moururent tous, non pas par punition
d'être allés à Boulotou, mais par suite naturelle du séjour qu'ils y avaient
fait : L'air qu'ils y avaient respiré était mortel pour les hommes.
L'histoire
ne le dit pas de façon explicite, mais on peut penser que c'est depuis ce
temps-là que les hommes sont mortels ...
_"
Et c'est toujours la même chose : C'est l'homme qui désobéit, volontairement ou
involontairement, comme dans l'histoire du pêcheur qui s'était aventuré dans un
endroit qui était consacré au dieu ...
Et
tout comme Adam et Ève ont désobéi, ont mangé le fruit défendu ... Et ont été
punis en perdant le Paradis et en perdant l'immortalité. C'est vrai, que l'on
retrouve partout les mêmes mythes, les mêmes héros, les mêmes histoires. Tout
cela est le fruit de la condition humaine qui, en tout endroit du globe, a
besoin de vaincre les mêmes frayeurs et d'expliquer les mêmes phénomènes. Au
fond ... Il n'y a pas de sauvages, nulle part ... D'ailleurs, le mot même a
disparu de notre langage ... Et c'est très bien ainsi !"
_"
Ah ! Si on nous avait dit cela plus tôt ... Nous aurions conservé la religion
de nos pères et nos anciennes coutumes, tout en servant le même Dieu que vous
... Il ne nous fallait que corriger les abus ... Maintenant, toutes les
traditions sont perdues, ou presque ... "
_
Ainsi parlait le grand chef de l'île de Raïatea ... En l' année 1831 ...
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