LA CAMARDE
Depuis ma naissance
Une sorcière est
cramponnée dans mon dos
J’ai grandi et elle
doit avoir grandi avec moi
Je sens ses ongles
dans mes épaules
Et son haleine
chaude dans mon cou
Partout je l’emmène
avec moi
Vous ne la voyez
pas mais elle est bien là
Dans la nuit de ma
chambre elle est là
Au bout des
sentiers elle est là
Au-milieu de
l’océan elle y est
J’ai vu partout des
cimetières
Elle m’y conduit
Cimetière de mon
village
Où reposent mes
parents
Cimetières des
Antilles
Des bougies les
éclairent à la Toussaint
Cimetières anciens
des îles de l’Océan-Indien
Où les tombes ne
sont plus que débris
Croix brisées
Et trous béants
Noirs
Abandonnés
Autres cimetières
J’ai souvenir de
certaines îles
Où l’on voit des
crânes soigneusement polis
Posées dans les
lacis des racines aériennes
J’ai vu
J’ai vu dans les
villes d’Asie
J’ai vu sur des
bûchers
Au bord des routes
Se consumer des
hommes et des femmes
Et puis j’ai vu les
cheminées des incinérateurs
Chaque fois que je
prends un chemin
La sorcière rit
dans mon dos
Je t’aurai dit-elle
Je t’aurai
bientôt !
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