mercredi 18 mars 2015

MARTINIQUE - SOUVENEZ-VOUS !



                    LA MARTINIQUE

                   
































1902


CHANSON POUR CEUX DE

SAINT PIERRE DE LA MARTINIQUE ...








L’angoisse ne s’était pas encore infiltrée

Dans les artères de la ville

Nous n’avions pas encore appris la peur

Le volcan avait prévenu pourtant



Il eut fallu savoir lire

Savoir lire dans cet alphabet oublié

Savoir lire les racines de feu gonflées

Les plumetis de cendres

La déroute des serpents

Savoir lire aux veines des ruisseaux

Les accélérations

Les changements de couleurs

















On ne nous avait pas appris la méfiance

Maman Rosa partit chercher son pain

Comme chaque matin

Coiffée de son madras

Son panier à la main

Quelques-uns étaient montés voir

Ce qui se passait là-haut

L’Etang-Sec était plein d’eau rouge

En son milieu un cône noir

Crachait des fumées

Paisiblement

Mon Dieu mon Dieu

Que l’océan sait être bleu

Les voiliers en attente

Dodelinaient

Il eut fallu

Savoir lire les battements d’ailes du coq

Qui ne savait plus quoi chanter













C’était à huit heures du matin

Huit heures et deux minutes très exactement

À la cathédrale de la ville

Le bronze a fondu

Les carillons se sont tus

Nul ne saura jamais leur plainte

Ni leur cri





Là où ton pied se pose prends garde

Tu marches sur la cendre des os brûlés

Murs noircis

Sans toits

Sans poutres et sans chevrons















C’était à huit heures du matin

Huit heures et deux minutes très exactement

Les amours se sont étranglées

Dans un monstrueux orage

C’était à huit heures et deux minutes très exactement

Et le verre a fondu




La ville a flambé

La rivière a bouillonné

C’était à huit heures et deux minutes très exactement

Le huit mai mille neuf cent deux

Et la terre tremblait

















La rue Monte-au-Ciel s’est fendue

La nuée a dévalé

Les barriques ont éclaté

Dans les rhumeries et sur les quais

Noirs cumulus roulant se déroulant

Explosions de colères rouges et jaunes



Plages noires

L’océan seul vivant encore

Recouvre des carcasses de navires

Morts




C’était à huit heures du matin

Huit heures et deux minutes très exactement

Un dimanche du mois de mai

Un jour de premières communions

Encens

Brassards et mousselines blanches




C’était à huit heures du matin

Huit heures et deux minutes très exactement

Le huit mai mille neuf cent deux

À huit heures et deux minutes très exactement

Et les mots à jamais se sont tus




















Images gratuites - merci ! Texte de Michel Savatier

                                *
                              ***
                                *
"J'en ai le coeur qui saigne encore et mes yeux sont secs
                              d'avoir trop pleuré."                    

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