samedi 28 mars 2015

THAILANDE ET CAMBODGE



THAILANDE 

                      ET CAMBODGE











DES PETITS CAILLOUX, CHAPITRE VI





« LA TROUPE, EN ENTRANT, SE TROUVA DANS UN COULOIR DE MARBRE DONT LES MURS S’ORNAIENT DE TENTURES OU ÉTAIENT REPRÉSENTÉES DANS L’OR ROUGE OU L’ARGENT LE PLUS PUR TOUTES SORTES DE BÊTES SAUVAGES ET D’OISEAUX, AUX YEUX FAITS DE PERLES ET D’HYACINTHES, ET DONT LA VUE LAISSAIT PANTOIS … »

                        (Les Contes des Mille et Une Nuits).






LA PIERRE DE SAVON




De Thaïlande, où je suis resté pendant plus de six mois, travaillant pour l’Unesco dans les camps de réfugiés cambodgiens, je n’ai pas rapporté de pierres précieuses. Dieu sait pourtant s’il y en a ! À Bangkok, j’ai vu des saphirs, j’ai vu des rubis, des émeraudes, des topazes, des pierres de lune, des yeux de chat … J’en ai vu, j’en ai vu ! Certain magasin, une vulgaire baraque de bois à Bangkok, présentait, et présente encore, je suppose, de pleins éventaires de pierres précieuses : Longues tables à casiers, comme des tables de marchand de fruits … Et les pierres rangées dans les casiers, comme autant de framboises, de fraises, de pommes ou d’oranges. Des étangs de pierres précieuses …

       J’étais accompagné d’une jeune fille. Le joaillier tenta bien de flatter mon amour-propre afin de me faire offrir une pierre à ma compagne. Il avait mal compris : La jeune fille n’était guère que le guide de l’hôtel. Je passai outre. Mais le chatoiement des couleurs !




































J’ai vu les « mines » de rubis, dans la région de Trat. Pauvres gens, pieds nus, qui creusent des trous dans la terre rouge, sous le soleil, et qui  lavent cette terre à grands jets d’eau …

Je n’ai pas rapporté de pierres précieuses, mais j’ai ramené une figurine de danseuse khmère finement sculptée qui est maintenant placée dans ma bibliothèque. Elle est en « pierre de savon », autrement dit en saponite. C’est une pierre de couleur claire, légèrement verdâtre, tendre, très lisse.

































   (Garuda, avatar de Vishnu, appelé Khrouth en Thaï ... Emblème de la monarchie Thaïlandaise).


DES CAMPS DE RÉFUGIÉS CAMBODGIENS




Bambous Bambous
riz en sacs
boîtes de thon
bois fendu saignant
Citernes percées
Norias de camions rouillés déglingués
bringuebalants
Pistes rouges de terre poudreuse
Anthrax des nuages levés par les roues
Rouges feuillages
Rouges les murs
Rouges les herbes et les toits


Mares rouges
Y baignent des buffles noirs
Fleur de lotus
Pays de cuivre

Arbres brûlés vifs
crucifiés
morts debout
Bassins secs des rizières craquelées
Ruines des temples d’autrefois
Latérite
Rocs
Casemates et fusils


Les pneus crissent
La radio grésille
Les voitures vastes vaisseaux climatisés
vitres levées
Parpaings nus des rues des villages
tôles
banderoles
Toitures cornues des pagodes dorées
Sculptures de monstres ailés aux becs et aux griffes aiguisées
Dragons et serpents
Sur les bas-côtés vitrines à roulettes des marchands de canards laqués
boutiques
bassines multicolores
cuvettes d’aluminium
gelées roses
sucreries
mangues durions sapotilles pommes-cythère pommes-étoiles
mangoustans
multitude de fruits aux noms et aux saveurs inconnus

Feuilles de latex blanc qui sèchent sur un fil
comme une lessive sous les hévéas





Cages de bois où tressautent tourterelles et mainates
balais
paniers et nasses de rotin
marmites fumantes de soupe au poulet
Riz violet
Bambous

Bonzes épaule nue robe safranée en quête de leur repas quotidien
Dans la cour d’une école enfants
bleu et blanc
Qui saluent le drapeau

Haut-parleurs dans la ville
Toute circulation arrêtée à l’instant
Hymne national !




                      Comprenne qui pourra derrière les vitres fermées de nos voitures bleues frappées aux marques des Nations Unies : Un spectacle à travers le hublot d’un sous-marin !

                Étranges insectes chromés nickelés transportant hommes et sacs sur trois roues pétaradant : version moderne du vélo-pousse “sam-lô - Ne pas oublier qu’on roule à gauche !




Ce soir, nous dînerons à Chantabury
Luxe
Hôtel
béton
piscine
orchidées
climatisation
chanteuses aigres-douces
légumes-fleurs dentelés en étonnantes corolles
Galons et étoiles généraux et colonels soieries
Qu’est-ce donc qui se négocie ici ?















                             À l’aube nos vaisseaux longeront des collines écorchées sanglantes sous les griffes d’antiques installations mécaniques : Ici on lave les terres à rubis.

                             C’est ici, non loin de Pailin, que se joue la guerre, que s’échangent les armes et les gemmes. En de noirs ateliers des artisans dépenaillés polissent les pierres qui ruissellent aux présentoirs de la ville


Un pont sur le torrent
Descendre de voiture
Bambous, bambous, bambous
Claies de bambou murs et cloisons, toits, tables d’école, bancs des écoliers


Chemins râpeux
C’est ici que rôdent les loups mais il ne faut pas le dire ...
Baudriers de munitions de mitrailleuses, pistolets automatiques, casquettes vertes et treillis de même couleur, sandales de lanières taillées dans le caoutchouc des vieux pneus, écharpes

Regards de profil
Seize ans peut-être
Les soldats de Pol Pot !
Et les femmes sont aux portes entrebâillées
vêtues de noir et portant leur enfant sur un bras
Masques de cuivre
Chaleur moite de serre
Frissons dans le dos

Nous sommes là dans l’un des camps qui abritent des Khmers Rouges.
Sous la protection de l’armée Thaï et aux bons soins des Nations Unies ...

Bambous, bambous, bambous
Trois cent mille Cambodgiens réfugiés dans les camps, tout au long de la frontière thaïlandaise, depuis Surin, au nord, jusqu’à Trat, au sud .

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