THAÏLANDE ET CAMBODGE
LES CAMPS DE RÉFUGIÉS
“Savez-vous comment on reconnaît un
Cambodgien parmi d’autres asiatiques ?”
“-C’est celui auquel il manque une jambe, un
bras ou un œil ... Les mines !”
Les volontaires des organisations
non-gouvernementales s’affairent comme ils le peuvent : Les chirurgiens
amputent, les kiné appareillent ...
En principe, par les portes d’un camp
n’entrent et ne sortent que les camions de vivres, que les voitures des volontaires
autorisés
Organisations de toutes origines, de
toutes nationalités, de toutes confessions
On y devine des “marginaux”
idéalistes, dévoués, admirables et un peu naïfs.
On y devine aussi les rivalités, les
ambitions, les nationalismes, les projets et les supputations.
Les Australiens sont là, mais aussi
les Américains, les Français, les Belges.
Des écussons marqués de la Croix,
d’autres portent des bannières.
Une organisation offre du soja,
l’autre des métiers à tisser. Il y a ceux qui assurent la formation des polices
futures, ceux qui enseignent la mécanique automobile, ceux qui soignent et ceux
qui prient.
Les boîtes de thon arrivent du Japon.
Les sacs de riz proviennent des
Etats-Unis.
Des camps rouges,
des camps nationalistes,
des camps Royalistes.
Bambous
Bambous
Bambous
Certains sculptent dans des souches
les chimères du Ramayana.
Racines !
Un camion décharge le riz des
Nations-Unies
Un autre camion charge le même riz et
part le vendre sur les marchés de Thaïlande.
On trouve sur tous les marchés des
alentours le riz et le thon des Nations-Unies.
Des camions partent la nuit pour
ravitailler les zones de combat … S’indigner ?
Crier au scandale ?
Rester pragmatique : Qui peut croire
qu’il serait possible, pendant dix ans, de ne manger que du poisson en conserve
et du riz ?
Quant au riz pour les combattants !
Le vrai scandale, ici, ce sont les
enfances brisées. Cent cinquante mille enfants en âge d’aller à l’école !
Écoles en bambous, que disloquent les
pluies et les vents.
Écoles dont les « maîtres »
ne savent guère plus que lire.
Équipes de formateurs hétéroclites :
professeurs Thaïs, enseignants philippins, Khmers francophones, dont l’un a
sans doute enseigné, pendant un an ou deux, autrefois, avant de devenir
“aide-opérateur” d’une station d’épuration dans la région parisienne :
tourmente oblige!
Le vrai scandale, ce sont ces cent
cinquante mille enfants dont la plupart n’ont jamais vu un buffle,- … une
rivière !
Merveille ! On fit entrer un éléphant
dans un camp, à l’occasion d’une fête !
Quel avenir, pour ces enfants ? Quels
schémas psychiques ? Quels repères ? Quelle conception du monde ?
Dans le lointain
Qui s’en soucie ?
Pleuvent les roquettes sur les
cabanes de bambou.
Mais le Bouddha sourit toujours
Sihanouk
Son Sann
Sat Susakorn
Tamok, satanique général unijambiste
des troupes de Pol Pot
Ministres, Chefs, prétendants et
courtisans.
Bureaux des Administrateurs des camps
Bambous !
Plaques gravées célébrant des
fonctions vides de sens, vides de réel, ne justifiant que des envies de
survivre.
Monsieur Meak-Lean, “Ministre de
l’Éducation”, bambous, cabane, tables, chaise, tableau noir où sont portées des
listes fictives !
Un élève ajouté à la liste égale une
ration de riz supplémentaire.
Antique machine à écrire à caractères
khmers, importée de République Démocratique d’Allemagne.
Monsieur Meak-Lan accroupi sur une
claie en bambou, vêtu d’un sarong et ne pouvant pas s’asseoir pour cause
d’hémorroïdes
Monsieur Meak-Lan est mort, respect !
Il ne faut rire ni des plaques
gravées, ni des chaises vides. Il ne faut railler aucun de ces partis
“politiques”, aucun de ces clans, aucune de ces rivalités, aucune de ces
magouilles qui permettent à ces hommes et à ces femmes de survivre.
Tombent les pluies des moussons, violentes
et lourdes. Les enfants, en piaillant, roulent dans la boue des caniveaux.
Piaillent-ils ?
Tout m’a semblé si terriblement
silencieux!
Ce qui m’a semblé le plus triste,
dans ces camps, c’est qu’il n’y a pas de jouets pour les enfants : Ni jouets à
tirer, ni jouets à pousser, ni jouets à cajoler !
Celui qui, un jour, s’avisa de faire
dessiner ces enfants, sur de grandes feuilles de papier, celui-là n’obtint que
des images de flammes, de fusils, de bombes, de bombardiers !
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