PARIS
PARIS
… Encore ! … Eh bien, quoi, Paris ?
Les
quais de la gare Saint Lazare, à huit heures du matin ? – Ou mieux encore,
toujours à la gare Saint Lazare … mais à Montparnasse, c’est pas mal
aussi … À dix-huit heures ou dix-huit heures trente !
Les
couloirs du métro, à peu près aux mêmes heures et à peu près dans toutes les
stations, les bouches de métro, les escalators du métro, les escaliers, les
tapis roulants … Tiens, allez donc voir à la station Châtelet !
Les
voitures du R.E.R. aux heures d’affluence, et leurs portes coulissantes qui
n’ont de cesse de chercher à vous coincer lorsque vous passez. Dans le R.E.R.
ce n’est pas mieux que dans le métro et vous voilà ballotté de droite et de
gauche, vous agrippant à votre barre verticale d’acier chromé,
lorsque vous avez eu la chance de pouvoir en cramponner une ! L’épuisement
des voyageurs après leur journée de travail, les odeurs de transpiration, les
contacts, les palpations, les pieds que l’on ne sait pas où poser … La
nécessaire attention qui ne doit pas faillir, sous peine de se faire voler son
sac ou son porte-monnaie !
La
place de la Concorde est très belle, mais l’ennui, c’est qu’on ne peut que
l’apercevoir, à travers le défilé des voitures de toutes sortes et de toutes
couleurs. Des voitures ? – Allez donc voir sur les Champs-Élysées ou,
mieux, au rond-point de l’Arc de Triomphe …. Elles tournent, elles tournent, se
suivent, se croisent, se coincent puis se décoincent, virent à droite, virent à
gauche, s’accumulent et puis leur file repart et jamais ne s’arrête. Les feux
passent au vert, puis à l’orange, au rouge, puis encore au vert … Les piétons
passent entre les clous, les cyclistes font ce qu’ils peuvent. Les motos font
du bruit, le plus de bruit possible !
La
tour Eiffel … Il nous faut bien parler de la tour Eiffel : Elle est si
célèbre ! Il faut avouer qu’on la voit de loin. On est heureux quand on la
regarde : On ne sait pas très bien pourquoi, mais on est heureux, et les
touristes courent pour monter à son dernier étage …. Quand le personnel chargé
des ascenseurs n’est pas en grève !
Grève !
Le mot est lâché : De la Bastille à la Nation, vous pouvez rencontrer le
cortège des revendications de tout genre : Drapeaux et banderoles,
chapeaux grotesques et mascarades. Des ballons gonflés au gaz survolent
l’avenue des Invalides … Avenue impraticable, bien sûr et, si vous voulez vous
rendre à la tour Montparnasse, vous avez intérêt à prendre un autre itinéraire,
au risque d’arriver en retard à votre rendez-vous.
Paris !
Paris encore ! … Paris et ses musées, ses grandes expositions :
Manet, Monnet, Toutankhamon … Que sais-je encore ? – C’est merveilleux et
c’est pour cela qu’un monde fou vient du Japon, des Etats-Unis, du Royaume-Uni,
d’Abyssinie, du Canada et de Moldavie …. Ah ! Les autobus à deux étages
transportant leurs touristes amidonnés, casquette sur le crane, oreillettes de
chaque côté de la tête ! Ah ! Les émanations de gaz
d’échappement : Autobus et automobiles, le tout confondu, mais les autobus
de tourisme présentent cette particularité de laisser tourner leur moteur
tout aussi longtemps qu’ils demeurent à l’arrêt : Il faut bien faire
fonctionner la climatisation ! … Vous en prenez plein les narines !
…. Vous en prenez plein les narines, pendant que vous faites la queue pour
essayer d’atteindre les portes du musée que vous voulez visiter … Et cela a des
chances de durer pendant des heures. Après, si c’est une grande exposition, que
vous voulez visiter, il vous faudra, coûte que coûte, suivre le troupeau. Vous
aimeriez vous arrêter un peu devant tel ou tel tableau, devant tel ou tel
objet ? – Pas question : Il faut suivre ! – Cela ne vous
empêchera pas, d’ailleurs de dire à vos amis que vous y êtes allé et que
c’était « super » … « super », c’est beaucoup plus
« in » que superbe, qui fait très « ringard » !
Vous
aimeriez aller écouter un concert à la Salle Pleyel ? – Avez-vous
réservé ? - Dans le cas contraire, il ne vous restera qu’à faire
demi-tour. Même chose à l’Opéra Garnier ou à l’Opéra Bastille … Où vous auriez
pourtant bien voulu aller pour admirer les danseuses étoiles et les petits rats
… Les danseuses étoiles et les petits rats ont fait, d’une certaine manière, la
gloire de Paris … Au dix-neuvième ou au vingtième siècle … Depuis, la gloire,
c’est Versailles qui l’assume, en exposant dans les chambres de Louis XIV des
« installations » et des ballons rouges venus du Japon ou des U.S.A, (Je
vous demande pardon, il faut dire des « States »).
Le
Trocadéro ? – On y va pour manifester sur le parvis des
« Droits de l’Homme ». On y manifeste aussi pour … Non, plutôt contre
… Contre la déforestation, contre l’exploitation des gaz de schiste,
contre … Contre ce qui est pour ! Avec de la chance, il n’y aura pas de
manifestation aujourd’hui et vous pourrez entrer au musée de l’homme … Le musée
de l’homme ? … Toute une partie de son patrimoine a émigré vers le Quai
Branly, au musée des Arts Premiers. Le musée de la Marine a échappé de peu à
l’exil.
Je
trouve assez curieux que Paris, le Paris tant vanté, tant aimé, le Paris des
poètes … Je trouve assez curieux que, justement, les poètes aient surtout
chanté les petits coins qui font Paris, mais qui, au fond, sont ceux qui sont
préservés de Paris! - Les petits jardins de l’île Saint-Louis, le
jardin du Luxembourg, celui des Buttes-Chaumont, tel petit coin qui a échappé à
l’urbanisation et à l’envahissement automobile, tel banc le long d’un quai, tel
étal de bouquiniste, telle terrasse de bistrot où l’on peut encore se réfugier
et avoir l’impression d’être en sécurité. Avez-vous eu la chance de pénétrer
dans l’église Saint Julien Le Pauvre un dimanche après-midi, ou même,
tiens : dans la nef de Notre Dame? – Un dimanche après-midi … Ou
mieux : en soirée … Il n’y a personne, les bruits de la rue ne pénètrent
pas jusque-là et, comble de l’extase, il se pourrait bien qu’un organiste
s’essayât sur son instrument … Ah ! Les orgues de Paris, les grandes
orgues !
Paris-Plage !
Paris est une ville riche ! – Paris fait, dès que les beaux jours
approchent … Paris fait déverser des milliers de tonnes de sable et les
parasols fleurissent … Comme si on se trouvait au bord de la
Méditerranée ! Passent des péniches, de temps en temps … Leur passage fait
revenir la poésie … Mais le bateau qui suit est un
« bateau-mouche » : de tous ses hauts parleurs, il conte à ses
passagers l’histoire des palais de Paris. Quelques pêcheurs à la ligne,
peut-être … Mais l’eau est si polluée qu’il n’est pas question de consommer
leurs prises … Les plus « in » d’entre eux, les plus
« écolos » décrochent le poisson, puis le rejettent à l’eau pendant
qu’il est encore vivant …. « Attrapez la queue du Mickey ! »
« La
queue du Mickey » ? Même la Foire du trône, on fait aussi bien en
province, surtout l’été ! Et puis, un vide grenier, c’est aussi amusant,
et il y en a partout en province, des vide greniers !
Les
grands restaurants de Paris … On connaît leurs noms et ceux de leurs grands
chefs étoilés. On connaît aussi les prix qu’ils pratiquent, mais … Allez donc
tenter d’y dîner ou d’y déjeuner : Si vous n’avez pas réservé longtemps à
l’avance, vous pourrez toujours aller vous restaurer à la brasserie qui fait
l’angle de la rue … Elles ne sont pas si mauvaises que cela, les brasseries de
Paris, et elles pratiquent des prix qui sont presque abordables …
Une
fois de temps en temps ! - Dame, vous serez sans doute obligé de faire la
queue là aussi, pour attendre qu’une tablée se décide à partir après avoir bu
le café. Si vous êtes impatient ou si vous êtes par trop désargenté, vous aurez
toujours la ressource des « fast food » … ou bien vous achèterez un
sandwich … Les « Parisiens » consomment beaucoup de sandwichs au
jambon. En moins grand nombre, ils consomment aussi des sandwichs au fromage ou
au pâté (avec ou sans cornichons) … Il y a aussi les pizzerias et je ne
sais quoi d’autre où l’on vend je ne sais quelle nourriture enveloppée dans un
papier ou présentée dans une barquette de matière plastique.
Non,
moi, ce que j’aime, à Paris, c’est que, presque partout, on peut s’asseoir, sur
un banc, sur une chaise, dans un fauteuil … S’y asseoir et regarder … Regarder
passer les gens … qui, très souvent, ne sont pas des Parisiens, parce que, les
Parisiens, ils n’ont pas le temps de flâner : Ils courent tout le
temps ! Du reste, si les gares sont pleines à craquer, le soir et le matin,
c’est que les vrais Parisiens ne sont pas nombreux. Paris se vide et se remplit
en quelques heures, ou en quelques minutes, au même rythme que Venise …
À
dire le vrai, ce que j’apprécie le plus, ce sont les commerces de
proximité : L’épicerie du coin, qui est tenue par un Maghrébin ou par un
Chinois, et qui reste ouverte jusqu’à des heures impossibles … En province, on
ne trouve plus de commerces de proximité !
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