SAINT PIERRE DE
LA MARTINIQUE
J’y
suis allé. Je n’en suis pas plus fier que ça … Sentiment de malaise, comme
celui que pourrait éprouver une adolescente regardant ses parents par le
trou de la serrure : L’impression d’être un voyeur ! –
Indécent !
Là était la capitale de la Martinique et des Antilles françaises. Là, on
rencontre essentiellement des touristes en tenue légère. Ils parlent bas,
cependant. La plupart retiennent leurs pas : On marche ainsi dans les
cimetières.
8 Mai
1902, à 8 heures cinquante du matin … Le volcan de la Montagne Pelée a vomi un
nuage de boue et de vapeur d’eau bouillante … Il ne restera plus rien :
Vingt-cinq mille habitants seront morts, tous à la fois. La ville n’existe plus
et tous les navires qui étaient à l’ancre dans la baie se sont enflammés puis
ont disparu.
Que
dire de Saint Pierre ? – Je ne vais tout de même pas raconter l’histoire
de cette catastrophe. Elle s’est déroulée il y a si longtemps … C’était hier,
ou presque !
On
peut dire que la ville n’a jamais été rebâtie : Certes, on a reconstruit
l’église, certes, quelques bâtiments, peu nombreux, ont été relevés, mais la
ville est morte, et le restera. Là-haut, le volcan est toujours là. Il est muet
pour l’instant mais … Et puis, c’est mieux comme cela : J’aurais la
sensation d’un blasphème si l’on avait relevé les ruines noircies.
Ici
fut une rue, la rue principale. Elle était ce qu’étaient toutes les rues des
villes importantes, à cette époque : Des caniveaux bien tracés, des murs
de pierre, éboulés, noircis, calcinés. Plus de toits, bien sûr et la végétation
peine à reprendre ses droits. Là était le grand théâtre : Il était
construit sur le plan du grand théâtre de Bordeaux … Et partout .... Mais
pourquoi tenter les identifications, pourquoi chercher à reconstruire ce qui a
été démoli, abattu, ruiné, brûlé, soufflé, anéanti ? - La mer, voisine,
est calme. La rade est irisée. La rive est tranquille. On avance à petits pas
entre les débris de murs. On passe le pont qui enjambe le torrent. On songe. On
prie.
En
bord de mer, au bout d’un appontement de bois, accostent les bateaux qui
amènent les visiteurs : Ils viennent de Fort-de-France ou bien des Trois
Îlets : Tous font silence au débarquement.
Quelques
marchands vous proposeront des babioles à titre de souvenirs. J’ai le sentiment
que très peu d’entre eux sont vraiment domiciliés ici. – Qui passe ses nuits en
cet endroit ?
On
vous montrera des bouteilles de verre, fondues, déformées. On
vous
montrera des cloches boursouflées par la terrible chaleur : Les cloches de
l’église, les cloches qui sonnaient ce jour-là, pour les premiers communiants
…On vous montrera les cloches des rhumeries aussi, qui étaient là pour rythmer
le travail. Une usine ? – Il y en a encore une, un peu au-dessus des
ruines : On vous y montrera des fers tordus, que sais-je encore ? On
vous contera l’explosion des cuves et des fûts …
Ah !
Je ne veux pas que l’on me raconte les bûchers sur lesquels on a brûlé les
cadavres : Enfants, femmes, hommes mêlés … Et l’on en trouvait encore et encore,
dans les décombres. Combien n’ont jamais été retrouvés ?
On
vous dira bien que les épaves des navires sont toujours là, dans la baie, au
fond de l’eau. Il y aurait même un petit sous-marin pour montrer tout
cela aux touristes … Ah ! Je ne veux pas voir ! – Laissez-moi prier.
Laissez-moi pleurer … Et même si les larmes ne me viennent pas tout à fait,
laissez … Mon âme pleure.
J’y
suis allé. Je n’en suis pas plus fier que ça … Sentiment de malaise, comme
celui que pourrait éprouver une adolescente regardant ses parents par le
trou de la serrure : L’impression d’être un voyeur ! –
Indécent !
Là était la capitale de la Martinique et des Antilles françaises. Là, on
rencontre essentiellement des touristes en tenue légère. Ils parlent bas,
cependant. La plupart retiennent leurs pas : On marche ainsi dans les
cimetières.
8 Mai
1902, à 8 heures cinquante du matin … Le volcan de la Montagne Pelée a vomi un
nuage de boue et de vapeur d’eau bouillante … Il ne restera plus rien :
Vingt-cinq mille habitants seront morts, tous à la fois. La ville n’existe plus
et tous les navires qui étaient à l’ancre dans la baie se sont enflammés puis
ont disparu.
Que
dire de Saint Pierre ? – Je ne vais tout de même pas raconter l’histoire
de cette catastrophe. Elle s’est déroulée il y a si longtemps … C’était hier,
ou presque !
On
peut dire que la ville n’a jamais été rebâtie : Certes, on a reconstruit
l’église, certes, quelques bâtiments, peu nombreux, ont été relevés, mais la
ville est morte, et le restera. Là-haut, le volcan est toujours là. Il est muet
pour l’instant mais … Et puis, c’est mieux comme cela : J’aurais la
sensation d’un blasphème si l’on avait relevé les ruines noircies.
Ici
fut une rue, la rue principale. Elle était ce qu’étaient toutes les rues des
villes importantes, à cette époque : Des caniveaux bien tracés, des murs
de pierre, éboulés, noircis, calcinés. Plus de toits, bien sûr et la végétation
peine à reprendre ses droits. Là était le grand théâtre : Il était
construit sur le plan du grand théâtre de Bordeaux … Et partout .... Mais
pourquoi tenter les identifications, pourquoi chercher à reconstruire ce qui a
été démoli, abattu, ruiné, brûlé, soufflé, anéanti ? - La mer, voisine,
est calme. La rade est irisée. La rive est tranquille. On avance à petits pas
entre les débris de murs. On passe le pont qui enjambe le torrent. On songe. On
prie.
En
bord de mer, au bout d’un appontement de bois, accostent les bateaux qui
amènent les visiteurs : Ils viennent de Fort-de-France ou bien des Trois
Îlets : Tous font silence au débarquement.
Quelques
marchands vous proposeront des babioles à titre de souvenirs. J’ai le sentiment
que très peu d’entre eux sont vraiment domiciliés ici. – Qui passe ses nuits en
cet endroit ?
On
vous montrera des bouteilles de verre, fondues, déformées. On
vous
montrera des cloches boursouflées par la terrible chaleur : Les cloches de
l’église, les cloches qui sonnaient ce jour-là, pour les premiers communiants
…On vous montrera les cloches des rhumeries aussi, qui étaient là pour rythmer
le travail. Une usine ? – Il y en a encore une, un peu au-dessus des
ruines : On vous y montrera des fers tordus, que sais-je encore ? On
vous contera l’explosion des cuves et des fûts …
Ah !
Je ne veux pas que l’on me raconte les bûchers sur lesquels on a brûlé les
cadavres : Enfants, femmes, hommes mêlés … Et l’on en trouvait encore et encore,
dans les décombres. Combien n’ont jamais été retrouvés ?
On
vous dira bien que les épaves des navires sont toujours là, dans la baie, au
fond de l’eau. Il y aurait même un petit sous-marin pour montrer tout
cela aux touristes … Ah ! Je ne veux pas voir ! – Laissez-moi prier.
Laissez-moi pleurer … Et même si les larmes ne me viennent pas tout à fait,
laissez … Mon âme pleure.
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