samedi 31 mars 2018

COMPTINE




   

COMPTINE




DRESDE
                                                                               B 17
BOMBARDIERS
                                  CENT TRENTE-CINQ 
                                  MILLE MORTS

SIX AOÛT MILLE NEUF CENT  QUARANTE-CINQ

B 29
QUATRE MILLE CINQ CENTS KILOGRAMMES
LITTLE BOY

NEUF AOÛT MILLE NEUF CENT QUARANTE-CINQ
B 29
CINQ TONNES
FATMAN

ENOLA GAY
ÉCLAIRS À SIX CENTS MÈTRES D’ALTITUDE
SIX MILLE DEGRÉS CENTIGRADES
SIX AOÛT MILLE NEUF CENT QUARANTE-CINQ
HUIT HEURES QUINZE DU MATIN
B 29
SUPERFORTERESSE












BOCKSCAR
CINQ CENTS MÈTRES D’ALTITUDE
SIX MILLE DEGRÉS CENTIGRADES
NEUF AOÛT MILLE NEUF CENT QUARANTE-CINQ
ONZE HEURES ET DEUX MINUTES
B 29

HIROSHIMA 
DÉSINTÉGRÉE
DANS UN RAYON DE TROIS KILOMÈTRES

NAGASAKI
À QUATRE KILOMÈTRES DE LÀ S’ENFLAMMENT LES NAVIRES
LE SOUFFLE DE LA BOMBE SE PROPAGE À MILLE KILOMÈTRES À L’HEURE



HIROSHIMA
SOIXANTE-DEUX MILLE BÂTIMENTS DÉTRUITS
VINGT-CINQ MILLE MORTS
OU SOIXANTE-DIX MILLE
QUI SAURA ?
NAGASAKI
DEUX MILLE MAISONS SOUFFLÉES
SOIXANTE- QUINZE MILLE MORTS
OU VINGT MILLE
QUI LES COMPTERA ?







DRESDE
TRENTE-CINQ MILLE MORTS
À L’HEURE DE COUCHER LES ENFANTS
OU TROIS CENT CINQUANTE MILLE
QUI LES DÉNOMBRERA ?



CANCERS
LEUCÉMIES
BRÛLURES
MALFORMATIONS GÉNÉTIQUES
COMBIEN ?
POURRIEZ-VOUS CHIFFRER ?

B 17
B 29
B 29
BOMBARDIERS LANCASTER

1937
Nankin
DEUX CENT MILLE

1945
CENDRES SOUS LES FOURS
SIX  MILLIONS ?

1979
KAMPUCHEA DÉMOCRATIQUE
UN MILLION ET DEMI







Ô   MA BIEN AIMÉE !
VOICI QU’ UN PETIT ENFANT  NOUS EST NÉ…

                 



vendredi 30 mars 2018

L'OLIVIER ...




L’OLIVIER

Vieux sorcier de l’olivier
Membres  noirs  et noueux
Moignons et chicots 
Troncs multiples tressés torsadés
Muscles saillants
Serpents pythons pétrifiés
Ridés
Écailles rugueuses
Mais dans le feuillage  scintillent des millions de sequins
D’argent 
Et de bronze vieilli 
La moindre brise les agite
Mille ans peut-être !
La pie tressaute sur la plus haute branche
Jacasse
Hoche la queue
La pie est un bel oiseau en habit de soirée
Un peu manouche
Elle ne craint pas les sorciers
La tourterelle  plus discrète
Plus nostalgique 
De son flûtiau  chante l’olive
Sur trois notes
Doucement


Vieux sorcier de l’olivier
Indestructible
Mutilé
Carié
Torturé
Depuis si longtemps sévère
Arbre  philosophe
Sage
Rêves-tu encore aux jours où les dieux cornus s’égayaient à tes pieds ?
Les sylphides reviendront
N’en doutons pas
Leurs fronts seront ornés de couronnes d’argent comme autrefois
Comme autrefois
Elles danseront 
Elles tendront les draps
Les sylvains y lanceront les fruits
L’homme aura disparu depuis longtemps 
Pour s’être trop enivré du vin de ses vignes

jeudi 29 mars 2018

NOUS MARCHIONS A TOUT PETITS PAS ...





Un jour, j’ai dévalé jusque dans les oliviers




On peut vivre plusieurs vies à la fois. Il suffit 
de changer de peau. Quand j'étais interne au 
collège de Lorgues, dans les collines du Var, 
je changeais de peau chaque fois que je gagnais le "champ d'euf", comprenez le champ de football, qui était plutôt un vaste terrain vague, sur lequel, en principe, nous n'avions pas le droit d'aller sans être accompagnés. Je m'organisais et, compte tenu des facilités offertes par "mon emploi du temps", je parvenais à m'échapper de plus en plus souvent. J'avais repéré les pièges à ressort que certains de mes condisciples posaient dans l'herbe, amorcés d'une miette de pain ou d'une grosse fourmi. On piégeait beaucoup les petits oiseaux en Provence, pour les faire griller en brochettes. Le piégeur se faisait une gloire de ses prises ... Moi, je détendais les ressorts et je désamorçais les pièges.

C'était de l'autre côté du "champ d'euf" que je changeais de peau, très vite.

_" Changer de peau ...Tu vois ce que je veux dire ? ... 

Le coeur qui se dilate, le sang qui pétille et court plus vite. Le corps qui devient plus léger ... Ce n'est pas seulement la peau qui change.

Petits murets en pierres sèches formant terrasses sur les pentes, cailloux tranchants, et les amandiers ... Des vignes devenues un peu sauvages, des buissons, des oliviers aux feuillages argentés ... Parfois un chêne-liège à l'écorce épaisse et gercée ... Tu cours, tu cours, tu dévales vers le bas: Facile : Ce n'est qu'un rythme à prendre. Tu ne cours pas, tu sautes, comme une chèvre. À peine le temps de toucher le sol ... Un coup de talon, tu décolles à nouveau ... On dirait qu'il t'est poussé des ailes ! Il suffit d'avoir l'oeil juste : Il faut choisir l'endroit exact où le pied va toucher le sol ... Il va le toucher si peu ! ... Personne pour regarder. Seul j'existe. 

Les terrasses sont trop hautes, trop sèches, trop caillouteuses, trop étroites, personne ne les cultive plus. Seuls y demeurent les oiseaux et les sauterelles qui jaillissent du sol dans le soleil ... À peine le temps de les apercevoir dans le soleil, d'entendre leur bruissement ou leurs cris. Les cigales, elles, chantent, chantent … On ne les voit pas, mais l'air entier est un chant de cigales. Parfois, elles chantent tant qu'on ne les entend plus.

Si le rythme est bien pris, tu ne t'essouffles même pas : Le talon tape, et c'est reparti ! En fait, l'élan n'est jamais interrompu. Tu dévales la pente en oblique ... Pas à la verticale : La descente dure plus longtemps, pour le plaisir. Un caillou branle sous le pied ? _ Tu l'as déjà abandonné avant qu'il ne chute. Le bonheur, quoi !

Jusqu'en novembre et, si tu as un peu chance jusqu'en décembre même, tu peux trouver quelque chose à grappiller dans les vignes ... Tu as déjà goûté ces raisins flétris à force de mûrir, gorgés de sucre et de parfums ? Parfois tu trouveras aussi des figues et des amandes, laiteuses ou un peu durcies. Le bonheur ! ... Le bonheur, au parfum du ciste, de la lavande, du romarin et du jasmin.

Un jour, j'ai dévalé jusque dans une plantation d'oliviers. Des femmes s'occupaient à récolter les fruits, violets à force d'être mûrs, presque noirs, gras, sentant bon ! Certaines tendaient des couvertures, en les tenant par les coins. D'autres étaient montées dans les branches ; Elles jetaient les olives dans les couvertures afin qu'elles ne s'abîment pas. Je grimpai. Je cueillis les olives. Lorsque je repartis, on me donna des biscuits et un verre de vin rosé. Le bonheur !

Revenu au "champ d'euf", il me fallut quelque temps pour reprendre mes esprits : Pas facile de changer à nouveau de peau ! J'en avais la tête qui tournait _ "Calme-toi, mon coeur" _ Je me glissai dans une salle de classe ...On y parlait de quoi ?

Au collège, personne, jamais, ne me reprocha mes escapades. Est-il possible que personne ne s'en aperçût ? _ Si c'est intentionnellement qu'on a fermé les yeux, on a bien fait : Ce sont ces escapades qui m'ont permis de revêtir enfin ma propre peau, incomparable à celle des autres ... Et de m'y trouver à l'aise un jour !



mercredi 28 mars 2018

A SAINT DENIS ...

À   Saint-Denis


Le Satin blanc
Souliers  luisants
Robes  coquelicots 
À la Saint Barnabé
Cravates des messieurs







Noce   joyeuse
Jolie mariée 
Le vent  coquin
Tulle léger

Devant l’hôtel de ville
Un bandonéon  chantait
Le cortège s’étirait
Tout au long de la rue
Fillettes bonbons
Tout le monde dansait
Un cornemuseux sans cornemuse
Portait le kilt de tartan
Et les chaussettes à pompons




 



L’air sent la marée
La résine et le jasmin
Roses blanches
Roses rouges
Et roses trémières
Le merle lance un trille
Farandole dans la lumière

Les bateaux dodelinent
 Et la plage est dorée




Une mouette d’un coup d’ailes salue
Puis deux
Puis trois
L’océan est un champ de fleurs
Le bandonéon chante
Le soleil éclate
Il jette sur la houle
Des poignées de boutons d’or
Le cortège avance  vers l‘horizon de lilas

Sors donc ton violon
Sors ta clarinette
Pour les mariés de Chagall 

Le monde est changé !