lundi 27 août 2018

ROCHEFORT-SUR-MER







                    ROCHEFORT-SUR-MER








                  C'est un beau bâtiment, qui se veut

 néoclassique en quelque sorte. Il se trouve

près de la place "Pique-Mouche", ainsi

 appelée parce qu'autrefois, c'était là, tout

autour, que se trouvaient les remises à

chevaux de la ville. À l'heure actuelle, il abrite
un théâtre, mais au fronton, figure l'inscription :

  " SOIS PROPRE " ---         Caton.

De mon temps, comme disent

toutes les personnes de mon âge, ce

bâtiment abritait les bains douches.

Tous les dimanches matin, nous allions

là pour nous laver. Notre mère nous

remettait à chacun une serviette et un

morceau de savon, un peu de

monnaie pour payer l'accès en ce paradis.


On traversait le terrain des "fortifications"

et, dès que l'on atteignait les premiers

platanes du square, on entendait monter,

confuse mais éclatante, la clameur des bains-

 douches. C'était au milieu de cette clameur

amplifiée que l'on passait la porte.

La responsable avait là son poste, dès

l'entrée du hall. On la distinguait encore

assez bien, malgré les volutes de buée qui

s'enroulaient et se déroulaient. Ici, on pouvait

encore distinguer des formes, et même

quelques couleurs. L'employée était moins

qu'avenante. On payait, elle donnait un

ticket, arraché d'un carnet à souches.









On passait alors la deuxième porte. Là, on ne

voyait plus rien : Le brouillard était plus

épais que dans les marais écossais, en automne

 au bord du Loch Ness ! En se baissant un peu

 on réussissait à apercevoir les

portes des cabines. Il fallait en trouver

une qui soit vacante. Je ne sais trop

 où se trouvaient les chaudières, mais

on les entendait ronfler. On entendait

siffler la tuyauterie. On entendait

gicler les pommes de douches. On

entendait surtout les chants et les

sifflements des gens qui étaient en

train de se laver ... On ne les verrait pas,

chacun arrivant dans le brouillard,

s'enfermant dans sa cabine, repartant

dans le même brouillard.



Comment dire ? _  Aller aux bains douches,

c'était s'enfoncer dans une fête barbare : Des

voix de stentors hurlaient des airs d'opéras ...

Airs différents les uns des autres ! D'aucuns

Chantaient la Marseillaise,

d'autres l'Internationale, certains

parvenaient, au milieu de tout cela,

à faire entendre une romance de

Tino Rossi. Il y avait parfois des

hurlements sauvages d'Indiens des

Montagnes Rocheuses, modulés,

prolongés. Il y avait aussi des yodles

tyroliens, que sais-je encore !

Des portes claquaient. La responsable

criait et tambourinait des deux poings

sur les portes :

Protestations de ceux qui affirmaient

 qu'ils venaient juste d'entrer ... On avait

droit à dix minutes.







_ " C'est fini ! C'est l'heure ! Il y en
 a qui attendent leur tour ! "

 On avait droit à dix minutes.  En fait, si l'on

restait sourd aux vociférations et aux

tambourinements, on réussissait à faire durer le

temps :

Se déshabiller, accrocher aux

patères les vêtements et la serviette,

ouvrir les deux robinets l'un après l’autre.


Une fois refermée la porte de la cabine, le

verrou tiré, on était chez soi. Dans le

brouillard toujours, mais on était chez soi.

On pouvait, en se tenant de biais pour ne

pas recevoir les premiers jets, ou bien trop

chauds ou bien glacés faire couler l'eau  en

véritable cataracte. On hurlait quand la

savonnette nous glissait des mains.

On sortait de là quand on ne pouvait plus

résister aux injonctions … C’était une nouvelle

naissance ! Délices et ardeur, faire

mousser le savon. Dans nos pays, le sauna

est une introduction moderne.










Les nuages de vapeur qui

envahissaient nos douches devaient

bien avoir sur nos corps et nos

esprits les mêmes effets toniques que

ceux d'un sauna. En tout cas, sortant de

là, on avait vraiment l'impression de faire

partie d'un peuple et d'avoir

communié avec ceux qui le

composaient : L'établissement des

 bains-douches comme temple d'une

république ...

La République de Caton !

_ " Allez, c'est fini ! Il y en a

d'autres qui attendent ! Il faut sortir »!



 


                         

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