mercredi 22 août 2018

AU CHILI .... POUR RETROUVER UN POÈTE.





SANTIAGO DU CHILI





Jusqu’à dix heures du matin, personne
dans les rues de Santiago … Désert,
rideaux des boutiques fermés. Dix
heures : Les « envahisseurs » :

Costumes sombres, classiques, stricts,
 chemises blanches, cravates,
coiffures lissées, attachés-cases :
C’est la Chaussée d’Antin, à Paris, c’est
La rue Sainte Catherine à Bordeaux …
On court, on trotte, en rangs serrés.

Malheur à celui qui ne suivrait pas le flot !

Des employés roulent dans des

brouettes des sacs transparents pleins

de pièces de monnaie : alimentation des

tiroirs-caisses des magasins.

Le Palais de la Moneda : Pas très

spectaculaire. Ici périt le Président

Allende. La place est nette.


 




Boutiques, boutiques, boutiques :

On court, on court !

Églises austères, comme bâtiments

Louis XIV. Nefs voûtées comme galeries

du Louvre . Dans leurs églises, les

Chiliens habillent leurs statues :

Beaucoup de statues dans les églises, et

beaucoup d’ex-voto. Confessionnaux

toujours pleins : On confesse, on prie.

Mendiants, beaucoup de mendiants,

 femmes, hommes, un cul-de-jatte,

un autre qui l’est presque. Sébiles

en matière plastique, secouées.

Escalators, escaliers, galeries

commerciales … Comme à Québec,

comme à Paris : « fast-food, hamburgers,

 poulet rôti (« polo ») !

Place d’Armes : Pedro de Valdivia sur

son cheval de bronze, tous deux plus

grands que nature. Les héros ont traîné

depuis Madrid et jusque-là leurs

armures rouillées et leurs épées…

 Prendre conscience du fait que la

revendication d’indépendance

des colonies espagnoles d’Amérique du

Sud coïncide avec l’arrivée de Joseph

Bonaparte sur le trône ibérique.

C’était … Avant hier !

Depuis mille neuf cent quatre-vingt-douze

 seulement un monument dédié

       « Aux Peuples Indigènes » …

C’est bien le moins !



      





Dans les rues, vers midi, tombe au

 moins la moitié des vestons. On garde

les cravates sur les chemises.

Pizzérias et « fast-food » bondés :

On pose son plateau là où on le peut.

Des voitures blindées collectent les fonds

des tiroirs-caisses .

Dans le « Paseo Humada » , un petit

homme grimpe sur un muret pour jouer

du saxo. Plus loin, il y a un harpiste.

Une voix … Ô, cette voix !

Une voix de femme chante une déchirante

complainte.



Dans les galeries commerciales :

« Petit Papa Noël » … Tiens, c’est vrai,

c’est bientôt Noël … Et c’est le bel été 

austral !

Et puis, l’air de « Docteur Jivago ».

Ici, comme ailleurs, banderoles qui

proclament : « Achetez maintenant, vous

 paierez en février ! Offrez à votre enfant

 un vélo de couleur !»




Marché central : ça sent le poisson !

Montagnes de fruits : abricot, pêches et

cerises … Si vous avez compris ce

que veut dire « corrazon de paloma»,

 vous avez compris que ce peuple est

bien sorti d’un essaim provenant

lui-même de la ruche européenne.

Quelques cabarets minables, entourant les

 halles : Ils sentent la marée eux aussi.



 Aller voir l’ancienne gare des

chemins de fer, devenue le Centre

Culturel Mapuche.

Pauvres Indiens Mapuches ! La gare est


     une structure métallique signée

Gustave Eiffel … On songe à la gare

Saint Lazare. Lorsque j’y arrive, il n’y a

rien à  voir : C’est vide, on prépare une

exposition.


 




Aperçu le Musée précolombien …

Par hasard. Assez beau bâtiment,

beau cloître : On y sert du café

et des croissants parisiens :



«  Cafe croissants … The french bakery cafe. »


Plazza de Armas : Kiosque à musique …

 C’est le soir et pour le moment, on y joue

aux échecs : Des dizaines de petites tables sur

 lesquelles on joue en silence …

Petits boulots, comme à Bangkok :

Antiques chambres noires des

photographes ambulants, boîtes

des cireurs de chaussures …




 Tous les autres passent à l’ombre,

emprunte le trottoir  au soleil, il sera

pour toi seul ! De la même façon, sur

la place, tous les bancs sont libres,

au soleil.

Il y a partout des Pères Noël !

Lorsque je reviens, vers vingt-deux heures,

les magasins sont encore ouverts et les

achats vont bon train. La foule est encore

incroyablement dense dans les rues de

Santiago et les Chiliens se rendent sur la place

 en famille. Le kiosque a été évacué par

les joueurs d’échecs. Ils continuent à se livrer

 à leur sport favori, mais dans les allées.

 


L’Armée du salut s’est installée à leur

place, pendant que des jeunes filles et des

soldats font résonner leurs tambourins.

Au centre de la place, la célébration de

la Nativité a fait … naître des Pères

Noël auprès de chaque photographe.



 D’un côté dansent des acrobates, de

l’autre des artistes proposent des dessins :

Caricatures ou tableaux peints à la bombe

 à peinture. Les prédicateurs de je ne

sais quelles sectes bibliques

prêchent avec véhémence. On

s’assied, on se promène, on bavarde.

La chose que je ne saurai pas, c’est

l’heure à laquelle les gens se couchent :

Je serai parti me coucher avant eux !







Pablo … Pablo Neruda …

C’est un peu pour toi que je suis venu ici.

Je t’ai cherché à la « Chascona », ta maison

De Santiago. Je t’ai cherché à

« Isla Negra », dans ta maison au bord de

 la mer.











Voix profonde et forte de Pablo …

Pardonne moi si je te tutoie, c’est ainsi que

l’on parle avec les morts, en signe de fraternité.

Tu es entré en communisme, je pense,

comme on est amoureux, parce qu’on croit

en l’amour, comme on entre en religion parce

qu’on croit en Dieu. Forte gueule et grandes

tapes dans le dos, comme Hemingway.

Est-ce que tu t’es réveillé un jour, toi

qui mourus à l’arrivée de Pinochet ?

As-tu senti un jour, toi qui chargeais les fusils

de balles et de mots … Pour que fleurissent les

coquelicots … As-tu senti un jour que tout

cela n’était qu’utopie malfaisante? Je ne te

 fais point reproche d’avoir tant parlé des fumées

Madrid, mais d’avoir si peu dit à

propos des Alakalufs et des

Yaghans assassinés. Mais peut-être

ne t’ai-je pas assez lu ?





Il n’empêche, Pablo : Ce monument

« Aux Peuples Indigènes », visage brisé

 arraché au rocher, séparé des symboles

de sa race … J’aurais aimé que toi,

 avec les formidables matériaux de

ta voix, tu dressasses semblable

monument … Pas pour te disculper :

Les pauvres types que la misère et le

destin jetaient sur ces terres, venant

d’Espagne, n’ont rien à se faire

pardonner : Ils ont vécu - Mais il te

revenait sans doute de dire que le train

roulant vers Temuco écrasait des

hommes – Et ton père n’y est pour rien,

bien sûr !




Le dernier mot du visiteur, qui n’est

 passé que rapidement, si rapidement !

- Dans ton bureau et dans ta chambre,

Tous ces objets rassemblés –

J’allais écrire entassés

– Toutes ces maisons construites …

Car tu en as une troisième, je le sais,

à Valparaiso. Toutes ces maisons

achetées et modifiées, toutes ces pierres

et tous ces symboles, toute ces couleurs

– Et je me souviens du bleu des

lapis-lazuli  - C’était bien, tout cela,

pour lutter contre l’impermanence ?

– C’était bien pour lutter contre la mort,

n’est-ce pas ? – Tentative vaine !


… Et la girouette, à « Isla Negra », la

girouette qui a la forme d’un poisson,

la girouette chante l’impermanence !







                                                    


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