lundi 18 mars 2019

FESTIVITÉS SEYCHELLOISES









FESTIVITES NATIONALES ET 

            RELIGIEUSES






 









C'était hier le jour de l'Assomption et la fête nationale. Flaubert était à

Victoria, et Félicité sans doute dans quelque galetas.

La procession défilait avec croix, bannières, surplis, pistons et tubas.

Monseigneur avait mître en tête, et portait la crosse épiscopale. Les

 encensoirs balançaient, les chorales chantaient. Plusieurs milliers de

personnes étaient là. Pantalons gris, chemises blanches, ventres arrogants

 ou ventres plats, chapeaux de feutre ... Les messieurs chantaient à pleins

 poumons, comme aussi les dames, leurs épouses. Celles-ci portaient

toilette : Jeunes en souliers à talons hauts, vieilles en souliers bas, les unes

en jupes plates, les autres en robes à ramages et bibis blancs. Les grand –

mères à la taille la plus lourde étaient aussi celles qui arboraient le plus de

froufrous, de tulles, de voilages, de dentelles ... en jaune, en mauve, en vert

... décolletés et importants avantages. 


                



La messe est dite dans l'enclos, face à la cathédrale : Cinq prêtres, l'un

 athlétique, le second petit et barbu, les uns au visage clair, d'autres au

visage sombre. Chasubles immaculées, brodées de rouge. Monseigneur

bedonne. Les communiants de l'année sont là, sur le gazon : Les garçons

 portent costume et brassard ... Comme à Yvetot ! Les filles portent de

véritables robes de petites mariées, à volants, à plissés, à bouillonnés .




 



Voici les soeurs qui défilent en groupes constitués portant bannières :

 Soeurs en blouses blanches, venues d'Irlande, soeurs aux voiles bordés de

 lignes bleues, venues de l'Inde, et qui ont le teint bistre. Soeurs en bure

 brune, enfin, et à faces noires ... Servantes de Dieu et servantes des

hommes . 

Les bannières sont de soie, brodées comme en pays cauchois ... de coeurs,

de devises, de fleurs et de croix.

Fleurs sur l'autel, pour la messe concélébrée . Orgue électronique,

 clarinettes, hautbois. L'office est dit en Français, les chants et les litanies

aussi. Les sermons sont prononcés en langue créole. 




_ Merveilles du récit de la Genèse : 




_" Le Seigneur Dieu appela l'homme et lui demanda : _ Où es-tu ? ...

L'homme répondit : _" Je t'ai entendu dans le jardin. J'ai eu peur, car je

 suis nu, et je me suis caché". _ "Qui t'a appris que tu es nu ?" demanda le

 Seigneur-Dieu ? "Aurais-tu goûté au fruit que je t'avais défendu de manger

 ? " 


 

... Merveille, encore bien plus grande, d'entendre, en Français cette parole

 de Dieu, sous les frangipaniers et sous les flamboyants !

_ " Abraham ! _ À tes descendants, je donne ce pays, depuis le torrent

d'Egypte jusqu'à l'Euphrate. "


 

... Parole de Dieu, lue par des Créoles, sur un îlot de l'Océan _ Indien ...

 Tandis que là-bas, en Palestine, des gamins lapident les soldats des Juifs

... Merveille de l'identification au " Peuple élu ", en tant de lieux, sous tant

de cieux, à travers les lustres et les siècles ...

_ O ! Peuple créole, chantant Jérusalem ! 




_ " Loué soit le Seigneur !" 


 

_ Les répons alternent, entre la chorale et le peuple... Coupons de tissus

bleu-ciel, pendus à la façade de l'église-cathédrale... Dirons-nous les pieds

douloureux, gonflés, et les chaussures que l'on ôte ? Dirons-nous les

vieillards qui se redressent, les dents déchaussées, les mentons en

galoches, les doigts tordus, égrenant des chapelets ? Ici, ils sont les mêmes

 qu'à Rouen ou à Grand-Quévilly ! ... Le commerçant florissant chante afin

 que ses pêchés lui soient remis ... La postière, le chauffeur, la grand'mère

au teint clair et celle au visage noir , la vendeuse de courges, le marin, le

fils du Commissaire, celui du laboureur ... Ils sont tous ici ... Et les enfants

des écoles avec leurs professeurs, tous en uniformes . 




 





Ils sont là, chantant la gloire d'Israël et de son Dieu. La procession se

forme : croix, bannières, enfants, poussettes et landaus, les religieuses, la

 fanfare et la foule. En queue du cortège : La statue de la Vierge ... aussi

sulpicienne que celle de Trouville ! Chants, fleurs, cuivres et encens ... La
 u Français ... entrecoupé de Créole ... Il n'y

 eut pourtant ici que quarante années de domination française ... achevée 

en mille huit cent dix ! 







_ Mais que sera demain ? 

Ia tête du défilé revient déjà, alors que la queue ne s'est pas encore ébranlée
On n'entend presque rien que dl m'a semblé voir là plus de vieux que de jeunes,

 si l'on excepte les écoliers venus en corps constitués. Mais combien y avait-

il de jeunes dans la force de l'âge ? 

_ Il y en avait, il y en avait ... Et les bébés étaient si beaux dans leurs

atours! ... L' âge venu, chanteront-ils en Français comme leurs grands-

parents ? _ Mais qu'exigerions-nous ? 

_ En pays normand, chante-t-on encore , de reposoir en reposoir, le Dieu

des Juifs et d' Israël ? _ Le chante-t-on toujours à la Nouvelle-Orléans ? 




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