mercredi 27 mars 2019

LES POLDERS DE MAHÉ








LES POLDERS DE MAHE





 







J'aime bien les casuarinas. Ce sont des arbres qui ressemblent à des pins

graciles aux aiguilles très fines. Ailleurs, on les nomme filaos. Je me

souviens qu'en Polynésie, nous faisions, d'une branche de filao, un arbre

de Noël pour les enfants. 

 


À Mahé, juste au pied de Victoria, la route toute nouvelle traverse une

jeune forêt dont on a élagué les branches basses. Le sous-bois est baigné

d'une splendide lumière tamisée. Un sportif en culottes courtes y trotte

 souvent. 



De là, on aperçoit les eaux de la lagune : De gros rochers de granit, aux dos

 arrondis comme ceux des éléphants s'y baignent. De l'autre côté, l'océan

est d'un bleu puissant. Des îlots s'y drapent de verdure. 






Toute l'île n'est que montagne où les routes sont étroites et sinueuses ...

Sauf ici ... Nous sommes sur des remblais récents et la voie est droite,

 large. 





On plante des casuarinas sur les remblais car, paraît-il, ils assèchent et

fertilisent les sols. En tout cas, dans ce corail encore salé, allez donc planter

 autre chose que des casurinas ! 




La route ne mène nulle part : Elle s'achève à un rond-point ... Elle mènera

quelque part un jour ... Au-delà, on aperçoit un bizarre objet flottant non

 identifiable : Structures verticales emmêlées, appendices, cheminées, mâts,

 vérins, palans, tuyaux ... Faut-il appeler cela un bateau? 



 




_ C'est une drague, l'une des plus puissantes du monde ... Elle ose

s'appeler " Marco Polo ". Son commandant est un géant hollandais

 rubicond. D' un bord elle creuse le récif avec on ne sait quels énormes

 trépans, de l'autre, elle rejette par de longs tuyaux une sorte de boue

 liquide et blanchâtre qui deviendra le sol des futurs remblais ... Ailleurs,

 on parlerait de polders 




... Deux cents hectares, ou peu s'en faut, ont déjà été gagnés sur le lagon.

 C'est la seconde opération du genre : La première avait déjà permis de

 gagner l'espace occupé par les casuarinas dont je parlais tout à l'heure.

L' opération actuelle doit permettre de prolonger la route jusqu'à

 l'aéroport. 



 


_ Est-ce un bien ? _ Est-ce un mal ? _ Dans les îles de Polynésie, les

pelleteuses creusent le corail allègrement, à pleins godets, pour fournir un

 matériau vulgairement appelé " soupe de corail ", dont on se sert pour

 empierrer les routes. La vie, au fur et à mesure de l'avancée des engins,

 disparaît des lagons, étouffée par les nuages de poudre coralienne

suspendus entre deux eaux. 





_ " Il faudra plus de vingt ans pour que le corail repousse et que la vie

 revienne ! " 


_ Les Seychellois, eux, sont plus attentifs à leur environnement. Les

 premiers dragages ont fait des dégâts ... Cette fois- ci, on a pris la

précaution d'étirer des lignes de flotteurs, portant suspendus des jupes et

 des filets pendant à la verticale et qui servent de filtres. À l'intérieur du

périmètre délimité par les lignes, l'eau apparaît blanche, crémeuse. À

 l'extérieur, elle reste bleue... Le restera-t-elle longtemps encore ?



 




Pensant à la Polynésie, je me souviens de l'éclat de rire d'un vieux Tahitien,

 aux îles-sous-le-vent : 


 

_ " Vous verrez : Un jour, ils mettront la montagne dans le lagon ...

Comme ça, on aura un sol tout plat ! " 




Sur les terrains plats de Mahé, les Seychellois ont prévu de construire des

 stades et une piscine, pour les Jeux de l'Océan - Indien ... Sur les remblais

 plus anciens, une école a déjà été construite et des chantiers s'activent. 


 



_ De la terre qui émerge ... C'est beau ... Non?

_ " Mais, les palourdes, Monsieur ?

 ... Dans les environs de l'aéroport, elles ont complètement disparu, sous

trois mètres de corail mort. Elles vont disparaître aussi à Montfleury, où

" Marco Polo " a planté ses vérins, plongé ses trépans, étiré ses tuyaux !


 

_ " Les palourdes, Monsieur, reviendront- elles ? " 

_ " Question judicieuse, bien sûr ! Mais on a planté des casuarinas ! "















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