vendredi 22 mars 2019

PORTRAIT ...







LA COMMUNAUTE FRANÇAISE ....


PORTRAIT D'UNE COOPERANTE.



 






Elle est apparue d'un coup : Clac !... Comme ça ! ... Venue sur un petit

nuage. 




Elle était dans un fauteuil en rotin, vêtue de coton froissé. On n'avait

 disposé qu'un seul couvert à sa table nappée de blanc. 

Port très droit, menton haut. Ses doigts tambourinaient, sans aucun bruit

perceptible : Les doigts de la main gauche. Jeune, de l'allure, un chignon

sévère, mais non sans charme. 



 


Elle était en lévitation. Evidemment, la première fois, cela surprend ! Sa

table était placée dans l'angle de la terrasse, à l'endroit où celle-ci,

surélevée, prend un peu une allure d'estrade : Il faut monter une marche

 pour accéder là. Les pieds de la table reposaient bien sur le sol, comme il

se doit, mais pas ceux du fauteuil. 





Elle avait déjà ses habitudes à l'auberge, étant là depuis quelques jours.

Nous avons fait connaissance. 


                         

Je crois bien que c'est depuis sa naissance, qu'elle est sur son petit nuage :

 Son papa et sa maman ont dû l'y déposer très vite, et très précieusement.

 Je suppose qu'ils ont dû veiller ensuite avec assiduité à ce qu'elle n'en

redescendît point. Ils sont instituteurs tous les deux. 



Scolarité sans histoires : La petite est intelligente. Baccalauréat avec

mention, tandis que d'autres lançaient des pavés au Quartier-Latin.

Licence, agrégation de grammaire, le tout dans le même élan. Les

 agrégatifs, cette année-là, planchaient sur Madame Bovary ... Au

Cambodge, on découvrait les massacres des Khmers-Rouges. 



 


Mais revenons à notre première rencontre ... Elle était en lévitation, je l'ai

 dit ... à quelques centimètres seulement du sol ... Mais quand même ! 

Elle s'aperçut que je la regardais : Sa gorge rougit. Son fauteuil descendit

 d'un cran, d'un seul coup. Il n'alla point jusqu'à toucher le sol cependant

... Son menton trembla ... Ses doigts émiettaient du pain. On eût dit, un

 peu, qu'on la surprenait en train de chiper des confitures. Alors, le

fauteuil entreprit une série de curieux mouvements : Un cran après l'autre,

 il montait, puis redescendait. Parfois il sautait plusieurs crans à la fois ...

 Siège et personne s'immobilisèrent enfin à un niveau moyen ... On eut dit

 que rien ne s'était produit. Son regard passait par-dessus ma tête : À trois

 doigts ... 


 



Je la connais mieux aujourd'hui. Je sais qu'elle est réellement arrivée ici ...

 Comme ça : Clac ! Sans presque s'en rendre compte elle-même ! Quelqu'un

 dirait qu'elle était arrivée là " sans toucher les bords " ! ... Il me faut

réfléchir au bien-fondé de la formule ...

Naguère, elle eut un mari, qui avait été au préalable son ami d'enfance. Il

 monta sur le petit nuage en sa compagnie. Il y resta quelque temps : Le

 temps d'une glissade au Maroc, puis jusqu'au Togo. Il passa lui-aussi le

concours de l'agrégation. 




Elle s'aperçut trop tard qu'il descendait en route. C'est à ce moment-là

qu'elle se rendit compte qu'elle tenait à lui... Elle écrit beaucoup : À son

 papa, à sa maman, à son mari aussi, bien qu'une procédure de divorce soit

 en cours ... 


 



Paris pendant un an, dans une griserie de spectacles et d'activités

 culturelles ... Ensuite, elle devait partir en Chine pour le compte des

services d'action culturelle du Ministère des Affaires Etrangères ... 




On tuait, à ce moment-là, sur la Place Tien-An-Men ... C'est pourquoi, au

lieu d'aller en Chine, elle est arrivée aux îles Seychelles. 

Je crois que nous sommes amis. J'observe son petit nuage : Parfois il vire

 au rose, parfois il vire au gris. Je la trouve souvent encore en lévitation,

 mais parfois il lui arrive de redescendre à terre pendant que je lui parle ...

On dirait que c'est par inadvertance ... C'est très étrange alors : Dès que ses

 pieds touchent le sol, elle est toute nue ... Comme ça ... D'un seul coup!


 

C'est d'ailleurs une fausse-maigre. Elle est plutôt bien faite. Sa poitrine est

 menue, avec une discrète envie près du sein droit. Dès qu'elle s'aperçoit

que je la vois, elle reprend de l'altitude : La voici de nouveau vêtue. 




Elle a pêché un Créole ici, dès son arrivée. Il a les épaules larges et la

poitrine puissante, le teint clair, les yeux bleus, la barbe blonde, fine et

bouclée. On dirait un dieu du Rhin : Il a vingt ans.




_ " Il me fait penser à mes neveux ..." 


 


Elle s'est mis en tête d'assurer l'avenir de ce garçon sans instruction ni

parchemin ... 




_ " Je n'ai pas d'enfant ... Ma vie servira peut-être ainsi à quelque chose ! " 

_ Le gars, certainement, a tiré le gros-lot : Jolie femme, libre, intelligente et

 douce ... Maison au bord de l'eau, comme on en voit au cinéma ... Une

voiture neuve, le vivre et le couvert, une femme de ménage pour l'entretien

 du linge ...Il vient de se faire offrir le bateau dont il rêvait : Avec deux

moteurs de cent quinze chevaux. 




_ " Je voudrais tant lui donner un métier, un but ! " 














Lui, vous explique : _ " Ici, je mettrai les sièges, là, le réservoir ... On

 achètera les moulinets et les cannes ... "


_ Vous savez combien cela consomme de carburant, ces moteurs ?

_ " Je te rembourserai. " 


Un ami servira de rabatteur : Il travaille dans une agence de tourisme : On

 fera du charter pour la pêche au gros ... 


 


Ma chère Laurence, de tout mon coeur, je vous souhaite le succès.

Pourtant, songez-y, l'alizé est régulier : Un jour il déplace les nuages ...

Inexorablement ... Il vous faudra bien vivre encore ...








1 commentaire:

  1. Quel contraste avec le portrait précédent, celui de la jolie créole ! Emma Bovary seule les unit (sourire)

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