LE PEUPLEMENT DE L'ARCHIPEL
( LA CHASSE AUX MARCHANDS
D'ESCLAVES )
L ' UNE DES CLÉS POUR COMPRENDRE
_ Les lettres dont la traduction figure ci-dessous
ont été écrites de Zanzibar
par le
Capitaine du H.M.S. WASP à son épouse, en 1865. Leur auteur
devait devenir l'Amiral Cornish _ Bowden. Elles ont
été publiées par le
" TIMES " en date du 18.04. 1964.
_ " La nuit dernière, j'entendis raconter qu'un
navire se préparait à
appareiller
avec un chargement d''esclaves. Je donnai des ordres pour
armer la
chaloupe et le canot.
La chaloupe aperçut un dow, ouvrit le feu dans sa
direction et se prépara à
l'aborder. Le dow, manoeuvrant ses voiles, courut
sur elle et emporta son
mât. Le
Lieutenant Théobald reçut un coup de lance au poignet et un
pauvre homme fut tué. Ils nous repoussaient avec des
lances de bambou.
Le Lieutenant Rising, avec le canot, l'aborda par
l'arrière. Après une
résistance acharnée, les Arabes sautèrent par-dessus
bord et s'éloignèrent
dans une embarcation, à l'exception de treize
d'entre eux qui restèrent à
bord. Ils laissaient trois morts.
Il paraît que ce pauvre Rising avait bondi au-milieu
de la mêlée avec
beaucoup de courage, mais sa main gauche avait été
quasiment sectionnée
à hauteur de
l'articulation. Il avait également été blessé au cou, d'un revers
de
sabre.
C 'est le canot que nous avons vu revenir le
premier, avec le pavillon en
berne. À son bord, il y avait ce pauvre New, mort.
Rising ne pouvait plus
bouger, il était couvert de sang, mais il n'avait
pas perdu conscience
Les esclaves étaient aussi serrés que des abeilles
dans un essaim. Il n'était
pas étonnant que mes hommes aient été abattus sur ce
pont : Ils avaient
été obligés de se battre en se tenant debout comme
ils le pouvaient, juchés
sur les corps.
Nous avons compté deux cent quatre vingt neuf
esclaves : Des femmes et
des fillettes, pour la plupart. On nous dit que
plusieurs, effrayés, avaient
sauté
par-dessus bord.
14 MAI : _ Je suis allé rendre visite au Sultan. Je
lui ai dit ce que je
pensais,
aussi fermement que possible. Le Sultan acquiesçait à tout ce que
je lui demandais et, après avoir reçu la lettre que
je lui avais fait porter, il
avait fait saisir deux cent cinquante esclaves qui
avaient été rassemblés par
les Arabes
pour un nouveau chargement.
Lorsque je lui dis que je souhaitais ne restituer ni
les esclaves, ni le bateau,
il mit le
tout à ma disposition et , comme je lui demandais de punir les
prisonniers arabes, ils me répondit que je pouvais
en faire ce que je voulais
: Je pouvais
les pendre ou en faire ce qui me conviendrait. Je refusai cette
responsabilité et je m'efforçai de lui faire
comprendre que c'était à ses
propres lois qu'ils avaient contrevenu. Il était si
brutal que je ne pouvais
me permettre d'avoir avec lui, ne serait-ce que
l'apparence d'une dispute.
Dès que mes esclaves seront capables de tenir le
coup, je ferai la traversée
vers les Seychelles avec eux. Le temps pluvieux me
pose des problèmes
pour leur
logement à bord. Aujourd'hui, j'en ai cent quatre-vingts et il faut
trouver une solution, surtout pour les plus
affaiblis et pour les petits
enfants.
Dès leur arrivée à bord, on les a mis dans des
baquets et les hommes
d'équipage
les ont lavés avec du savon mou. Pendant qu'on les lavait, je
me suis aperçu que beaucoup d'entre eux avaient de
petites plaies.
Ils sont très heureux, maintenant qu'on leur a dit
qu'ils ne seraient plus
jamais esclaves.
23 MAI _ : Je suis tout près des Seychelles. Dès
demain je serai au
mouillage là-bas. Dieu merci, nos blessés vont bien,
( On a amputé la main
de ce pauvre Rising, à l'exception du pouce et du
petit doigt. Il est
affreusement faible, mais il tient bien le coup.
J'ai essayé de le réconforter
en lui disant qu'il allait avoir une promotion ...
Je l'espère d'ailleurs, et je
sens que je
peux rédiger un excellent rapport en sa faveur.)
Vous pouvez imaginer dans quel état nous nous
trouvons : Depuis le mât
de misaine
jusqu' à l'arrière, le pont n'est qu'un hôpital. Le reste du navire
est un enclos
à esclaves. Dans l'ensemble, ils se comportent bien mais
maintenant
qu'ils ont surmonté leur peur et leur mal-de-mer ils font
grand bruit !
Nous avons eu quatre morts ...
Pauvres êtres! _ Je ne peux pas les mettre dans la
cale : Ils sentent trop
fort! _ Tous les matins nous les lavons dans de
grands baquets, en les
arrosant au jet : Je pense qu'ils n'ont jamais été
aussi bien lavés ! Plusieurs
d'entre eux sont couverts de crow-crow, la gale
africaine. . Je crois
d'ailleurs que, plus ou moins, tous en ont.
L'armurier et le forgeron ont fabriqué tout un
appareillage en fer, qui
encercle le crâne de Rising et sa poitrine, afin de
tenir sa tête droite ...
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