jeudi 3 novembre 2011

LE VIEUX CANNET




J'en étais resté au Cannet des Maures de mon adolescence, mais il y en a d'autres, des "Cannet"! Il y en a un près de Perpignan, il y en a un autre au-dessus de Cannes, et c'est ce dernier que j'habite depuis peu : Paysage tout de collines et de pentes, envahi par les immeubles modernes et les propriétés privées. Il y a encore, des zones boisées de pins, mais la pression foncière est importante. En fait, il n'y a pas frontière entre Cannes et Le Cannet. On se demanderait pourquoi ces deux communes ne sont pas fondues en une seule ... Le bon plaisir du Roi, au dix-huitième siècle ! Il faut dire qu'à cette époque, Cannes devait être limitée au site du Suquet, à la pointe d'une colline, et fortifiée. Le Cannet était un village également fortifié, perché tout en haut d'une colline acérée. Le Cannet des Maures n'était il pas aussi un village fortifié, haut perché, qui n'est descendu de sa colline qu'au dix-neuvième siècle !

Il paraîtrait que le mot "cannes", dont le mot "cannet" est proche est en fait un dérivé d'un mot ligure, "Khan" signifiant colline ...

Montant de la Croisette vers le haut des collines, par le boulevard Carnot ou par le boulevard de la République, nous grimpons vers le Cannet. Nous entrons dans cette dernière commune au square Carnot ou, de l'autre côté, par le Bocage, si bien nommé car cet endroit est garni d'oliviers, de pins et de cyprès. Les résidences s'étagent les unes au dessus des autres pour que la mer soit visible de tous les balcons, pour que le soleil inonde toutes les baies vitrées : Beaux immeubles, récents, propres, entourés de parcs et sécurisés. Ici, il y a peu de rues : Il n'y a quasiment que des Avenues et des Boulevards ! Quelques grues, monstrueux diplodocus, tout en haut des collines, laissent penser que la moindre terrasse sera bientôt occupée, vendue à coups de bank-notes ... On dit que plusieurs Résidence appartiennent à des Émirs arabes et que l'un d'eux, en aménageant, a fait planter en une seule nuit, toute une palmeraie !

On arrive à la Mairie du Cannet : ancienne résidence qui doit dater des "Années Folles". Alors là, ayant découvert la rue Saint-Sauveur, n"hésitez pas à emprunter la grimpette : Là est le Vieux Cannet. C'est le village des origines, tout en rampes, en escaliers, en venelles, en placettes, en ruelles, porches, balcons, ponts reliant un immeuble à l'autre. On imagine la femme du bourrelier lavant sa courette à grand seaux d'eau (car l'eau est partout, aux sources et aux fontaines ...). On imagine le fils de l'aubergiste faisant la cour à la fille du boulanger, le soir, après le crépuscule, ( Les cigales chantent elles au Cannet ?). On peut imaginer le maçon dressant ses échafaudages derrière la tour ... Il n'a pas beaucoup de place pour tourner sa brouette, le maçon ! Toute une vie, et le potier à son tour, le tisserand à son métier, et le boucher à son billot, le crieur de rue et ses proclamations .... Les hommes jouent aux dés ou bien aux cartes dans l'ombre caverneuse de l'estaminet ... Quelques femmes étendent aux fenêtre des chemises bien lavées : Elles s'interpellent et voilà que cela tourne en altercation : Toute une vie ! Le village est resserré, les maisons sont étroites et hautes, peintes d'ocre jaune ou d'ocre rouge. Aux fenêtres sont des persiennes vertes. Au beffroi, y a t il encore un veilleur ? Trois ou quatre groupes aux gestes lents et mesurés sont sur la place, à l'ombre des platanes :

- "Je vous la fais longue, ou courte" ?... Le cochonnet de buis roule sur la terre battue, bientôt les boules s'entrechoquent : "Fanny" ! Ils ont baisé "Fanny" !

Contrairement aux immeubles de notre époque, les maisons du vieux village ne cherchent pas le soleil : Elles s'en protègent, même, et c'est pour cela qu'elles tournent le dos au Sud, et c'est pour cela que les rues sont étroites ... Pour faire de l'ombre, pardi ! - Il y a des fleurs partout : géraniums, jasmins, cyclamens, et des yuccas aux feuilles acérées. En face, partout les pins !

Allez donc chercher, au milieu des modernes résidences, pareille chaleur humaine, pareille convivialité ! Les clôtures, les portails, les digicodes, les automobiles, les concierges et les télécommandes protègent les accès aux piscines dont les eaux miroitent au soleil, la plupart du temps en vain, car personne ne s'y baigne ... On ne s'interpelle plus d'un balcon à l'autre, on ne se chamaille plus pour une éclaboussure, on ne se salue même plus quand on sort de chez soi ou quand on revient de son travail. Les portières de la voiture sont toujours fermées, les portes des appartement aussi. On rentre chez soi et l'on se replie avec les siens : devant la télévision !

- "Vous voyez ce Monsieur là bas, au coin de la rue. Il habite la maison dans laquelle vous l'avez vu entrer. Il l'a achetée il y a deux ans. Eh bien, hier il m'a adressé la parole pour la première fois !"

Le Vieux Cannet est encore habité ... Des fidèles, fixés là par leurs racines, et qui ne sont pas las de grimper les marches des escaliers ... Des artistes qui ont établi ici leurs ateliers : Si, si, il faut y aller ... Il y a des choses intéressantes : Peintres, sculpteurs, antiquaires, architectes, joailliers ... Allez y donc, cela en vaut encore la peine, et puis, pour vous reposer, vous pourrez toujours vous arrêter à la terrasse d'un bistrot, sur la place : De là on voit la mer, par dessus la balustrade ... Ne vous étonnez pas trop de voir Victorien Sardou perché sur le haut d'un mur, ( Sardou ? Victorien ? - Cela ne vous dit rien ? - Il fut membre de l'académie Française ! ) _ Les Sardou, apparemment, on formé toute une lignée d'hommes politiques issus du Cannet. Le père de Victorien ne "monta" à Paris que parce que le gel avait détruit l'oliveraie familiale. Mais que fait-il donc, Victorien, perché sur son mur, pendant que les badauds consomment au café de la place ?

Après, quand vous aurez repris vos forces et votre souffle, vous pourrez monter jusqu'au canal de la Siagne, et même jusqu'au Chemin des collines .... La vue, de là haut, est tout simplement fabuleuse, mais attention : ça grimpe !

- " Ah ! J'allais oublier : Savez vous qu'on n'appelle pas les habitants du Cannet des "Canetons", mais des "Canettans"?

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