Il s'est réfugié sous une table, à la terrasse d'un restaurant, près du vieux port. C'est un goéland immature, de ceux que Victor Hugo appelait des "gris". De fait, il n'a pas encore ces plumes blanches, ni ces taches noires, qui feront toute la beauté du seigneur des plages. Il était tout à l'heure perché sur le rebord du bassin de la fontaine voisine. Il est triste. Il est veule. Il se tasse sous une chaise et le garçon de café le chasse avec son balai : guenille souillée, serpillère ... Est-il malade ? Est-il blessé ? Baudelaire parlait d'un albatros que les marins du bord s'amusaient à humilier : "Ses ailes de géant l'empêchent de marcher".
Ce n'est pas un albatros. Ce n'est pas un géant ... Mais voyez comme ses ailes mi-ouvertes l'empêchent de marcher ! ... De plus, marcher avec des palmes aux pieds !
Et, tandis que le goéland regagne la fontaine en se traînant, un autre goéland, tout blanc et venu on ne sait d'où, glisse dans les airs, monte et repart. Il a lancé un cri déchirant.
Le garçon s'en va, en levant son balai. Les clients qui boivent à la terrasse n'ont pas même regardé. Nul ne s'est demandé ce que deviendrait l'oiseau, ni ce qu'il faisait là.
... Les marins du bord ne se sont même pas amusés.
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