Vint un cheval …
Les orages se dissipaient
Nous commencions à distinguer la ligne d’horizon
Grand cercle bleu au bout des sables
Un chameau arriva
Il se mit à genoux
Nous lui avons mis le bât
Vint un cheval
Il se cabra et puis hennit longuement
Sa robe était luisante
Sa bouche écumait un peu
Nous l’avons asservi
Nous lui avons mis le mors et la selle
Nous lui avons fait sentir nos éperons
Alors ont commencé les carnages
razzias
Enlèvements dans les sérails
conquêtes
Folles aventures
Notre chant s’éleva
Ce fut un chant de guerre
Nous faisions taire les complaintes
Nous avons étouffé les psaumes
Un Pierrot enfariné dansait sur un fil
Entre deux tours
Un Pierrot enfariné dansait sur un fil
Entre deux tours
Notre chant de victoire
Notre chant n’avait pas de fin
Au fil des saisons il enfla
Puis nous avons inventé la roue
Nous avons inventé la voile
Plus loin
Nous allions toujours plus loin
Négociant
Pour aller chercher les fruits
Toujours plus loin pour quérir les gemmes
Et les métaux précieux
Un Auguste assis sur une barrique
Grimaçait
Un Auguste assis sur une barrique
Grimaçait
Nous avons eu des esclaves par milliers
Venant de tous les continents
Mâles et femelles
De toutes les couleurs
Creusant le sol
Portant nos charges
Nous fîmes plus grands carnages encore
Et notre chant enfla plus fort
Perfectionnant nos techniques
Nous inventâmes le moteur
Nous allions chercher les matériaux
Que nos machines broyaient
De hautes cheminées vomissaient
Dents d’acier
Engrenages implacables
Navires monstrueux
Avions gros-porteurs
Polichinelle avait coiffé
le chapeau du gendarme
Polichinelle avait coiffé
le chapeau du gendarme
Nous avons domestiqué les énergies vives
Et les énergies fossiles
Nous avons mêlé le ciment et le fer
Nous avons élevé des tours
Nous avons lancé des ponts
Vidé des lacs et des mers
Nos guerres furent plus grandes et plus cruelles
Ce n’étaient plus des hommes
Qui tombaient par millions
Qui parlait d’hommes encore ?
Bientôt ils ne tombèrent même plus
Ils se désintégraient sous un grand coup de vent
Quelques-uns seulement laissaient leur ombre sur le roc
Chantez chantez
Chant de marche
chant de gloire
de victoire
Nous étions debout partout
Sur les monts
Dans les vallées
Sur les océans
Au fond des abysses
Voyageant dans les airs
Au coeur de la terre
Et dans les espaces sidéraux
Puis les brouillards revinrent
Sulfureux
Suffocants
Les fleuves cessèrent de couler
Les neiges avaient fondu
Que deviendra le chant des hommes
Tambours clairons
Cristallophones
Musiques électroniques
Ô Sartre !
Pablo Picasso !
Colombine essuyait ses larmes
Elle chantait6
Colombine essuyait ses larmes
Elle chantait6
S’il n’y a plus d’espoir
Que reste-t-il hormis l’ivresse
et le sexe !
Notre présent et notre avenir ...
Le chameau revenu baraque et puis blatère
Encore un moment ...
Il bave
Le cheval est mort depuis longtemps
Avec les oiseaux et les poissons
Galerie Hurtebise - Cannes
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