LES ARTISTES DU MONDE
GALERIE 30
LE CANNET-CÔTE-D'AZUR
LA NUIT DU POISSON
Je peux mourir car je sais qu’il existe
Pour me survivre un grand poisson tout blanc
Parfois la nuit du fond des mers il glisse
Dans mon silence et me parle du temps.
Poisson d’argent ma tristesse, mon prince,
La forme ici de mon désir futur,
Si solitaire en d’austères provinces,
Il m’attendra dans l’amitié des mers.
Et je m’éloigne, heureux comme une hélice
Pour me visser à l’intérieur du temps.
Le corps luisant, je glisse d’île en île
Pour marier le soleil et les vents.
Que cent poissons me donnent l’espérance
Et je viendrai musique sous la peau
Dans le miroir où les âmes se penchent
Pour vous offrir la première splendeur.
Robert Sabatier – Les Poisons délectables.
ÉBAUCHE D'UN POISSON
Victorieusement-vainement gainé, dégainé.
Victorieusement, vainement profilé, uni, souple, victorieusement, vainement
pénétrant, rond, huilé.
Prisonnier de son huile comme de son acier.
Le poisson est une espèce de mécanique (Un arbre,
un piston, une navette) qui apporte dans le
milieu où elle doit jouer à la fois son acier et son huile, sa dureté et sa
lascivité, son audace et sa fuite, son engagement et sa libération …
…
Comme un court athlète dans son maillot à paillettes,
poisson tenu en main étonne par sa vigueur, glisse avec brusquerie et force à
le brandir, grâce à la prestesse et vigueur de ses réactions et ce côté bandé à
s’enfuir malgré sa cotte de mailles, parce qu’elle est huileuse, lubrifiée …
Son maillot de piécettes : Comme de la monnaie-du-pape
(Mais bleutée), de piécettes usées,
atténuées (Surtout sur un bord) ; bien assemblées en un corps en forme de bourse qui sait ce qu’elle
veut : Veut à tout prix s’échapper de vos doigts !
Francis Ponge - Pièces
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