C’EST LA VIE …
(à François et Louise Castaigne)
On vous a mis dans une cabine
Le siège est confortable
Qui a refermé la portière ?
Doucement …
*
Une voix suave a susurré sur un ton monocorde :
«- Attachez votre ceinture
Vous pouvez saisir le volant
Mais ce n’est pas indispensable
Nous nous occupons de tout
Et nous dirigeons la cabine
Vos manœuvres personnelles sont inutiles »
*
Quand la portière a été fermée
Qui l’avait poussée ?
De petites lumières ont clignoté
Sur le tableau de bord
Des rouges, des vertes et des blanches
Elles devaient se parler entre elles
Sur des rythmes incompréhensibles
*
Dans la cabine la lumière était très pâle
Surnaturelle
Légèrement bleue
J’ai essayé de faire tourner le volant
Il tournait dans le vide
Au plancher les pédales étaient inactives
Une petite musique se faisait entendre
*
Puis la voix a de nouveau sussuré :
-« Ne vous inquiétez pas : Nous nous occupons de tout
Dans l’accoudoir de droite vous trouverez des boissons
Dans les accoudoirs de gauche de quoi vous restaurer
Quand vous aurez faim
C’est réfrigéré … »
J’ai senti que la cabine glissait
Elle devait glisser dans un tube
Je pense
Un tube transparent
Car je voyais à ma droite et à ma gauche
D’autres cabines identiques
Qui avançaient elles-aussi
Silencieusement
J’entendais maintenant une musique de jazz
En sourdine
Et c’était très beau
Très reposant
Les tubes voisins devaient s’être séparés maintenant
Il n’y avait plus personne
Ni à droite
Ni à gauche
Chacun avait pris sa propre direction
*
Devant
Pas très loin
Mais suffisamment loin pour que je ne puisse pas l’identifier
Quelque chose glissait aussi
Sans un bruit
Même pas un seul chuintement
Glissait exactement à la même vitesse que ma cabine
Maintenant les distances très exactement
Quelque chose,
Quoi ?
Trop loin
Et mal éclairé
Mais entouré d’un halo tout de même
Je glissais derrière ça
Les parois de mon tube n’étaient plus transparentes du tout
Mais le tube était éclairé par un halo lénifiant
La trompette se tût
Le piano seul jouait
Il jouait doucement
Je crois que c’était un mouvement
De la Symphonie Fantastique
J’appuyai sur les pédales
Mais pas de freinage
Pas d’accélération non plus
Pas de débrayage
Je commençais à m’inquiéter
Pourquoi m’avait-on mis dans cette cabine
Sur ce fauteuil ?
Où est-ce que j’allais ?
Qu’est-ce que j’allais y faire ?
Que me voulait-on ?
*
Sur les murs gris
Étaient alignés des masques
Des masques de porcelaine blanche
Peints de sourcils noirs et de bouches rouges
Des masques qui me semblaient tous identiques
Impassibles
Hermétiques
Qu’est-ce que cela voulait bien dire ?
Des masques
Des masques
Des masques
Certains la bouche ouverte
D’autres bouche fermée
Il me semblait qu’ils avaient tous les yeux clos
Des centaines
Des milliers de masques
Avec des bouchons dans les oreilles
Le piano poursuivait sa mélodie
Suave maintenant
J’eus quelques soubresauts
Quelques tressaillements
Quelques sursauts
Alors la voix reprit en susurrant
Venue de je ne sais où
*
- « Détendez-vous, dit-elle
Vous êtes bientôt arrivé »
Les masques ricanaient