MAIS LE VETEA ... TAHITI
Au fond du port, tout au fond, gris, devant le gris des citernes
de carburants, les vaisseaux de la Marine Nationale sont tapis. Gros lézards se
chauffant au soleil, ils ne bougent guère.
De l‘autre côté une énorme bête noire est à quai, chargée de containers
de toutes les couleurs. Elle s’est assoupie là depuis hier soir après avoir
déplié ses appendices. Elle respire doucement, étirant vers le nord une haleine
fuligineuse.
Arrive un pétrolier, bleu, long, bas sur l’eau, tuyauteries
rutilantes. Deux coléoptères noirâtres l’ont pris en charge, l’un à tribord,
l’autre à bâbord. L’un à l’avant, l’autre à l’arrière, têtus. Il font virer le
mastodonte, doucement , lentement, sans bruit.
Moorea est proche, île parée d’or, orgueuilleusement drapée de
vert, non sans élégance.
Le ferry demande le passage : Un coup de trompe, bref ... C’est
un bousier disgracieux, mais décidé. Un insecte hydrophile, haut perché sur des
patins, le double : Lui aussi, il va à Moorea. Tout un peuple se penche aux
rambardes, ivre de vitesse.
Quant au Vétéa ...
Le Vétéa est un voilier trapu. Sa coque en acier est peinte en
noir. Son unique mât est en bois verni. Il a des bosses. Il a des creux. Il a
dû en voir de rudes! Amarres s’effilochant ...
À la proue, trois cocotiers ... Oui, j’ai bien dit des
cocotiers, et déjà de jolie taille ! Ils poussent dans des bidons. Tout autour,
dans des caisses en bois blanc, poussent des pervenches de Madagascar, blanches
et violettes, en gros bouquets.
Ah ! Le Vétéa ! ... Le roof est à persiennes vernies,
entr’ouvertes toujours : Quelqu’un habite là, qui ne doit plus guère naviguer !
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